L’écrivain de science-fiction et essayiste Maurice G. Dantec, décédé le 25 juin à Montréal, se revendiquait royaliste
Par Louis DURTAL
TÉMOIGNAGES. Il y a différentes façons d’être ou de se sentir royaliste aujourd’hui en France. Rencontre avec quelques monarchistes qui, à travers leurs engagements particuliers, militent pour que leurs idées progressent au sein de la population.
« La monarchie est profondément organique, intrinsèque à la nature même de l’homme : le roi a l’obligation de laisser à ses enfants – à son successeur, à son peuple – la meilleure situation possible », déclarait un jour Thierry Ardisson sur Europe i. L’auteur de Louis XX-contre-enquête sur la monarchie, vendu à 100 000 exemplaires, déroulait ainsi, à une heure de grande écoute, les idées bien connues des royalistes sur le roi arbitre, facteur d’équilibre, la partialité des institutions républicaines, les monarchies européennes qui, par certains côtés, abritent les démocraties les plus modernes, etc. La théorie est séduisante et l’argumentation bien maîtrisée. Pour autant, malgré les sympathies royalistes affichées par certaines personnalités médiatiques à l’instar d’Ardisson, comme Stéphane Bern ou Lorànt Deutsch, militer pour le rétablissement de la monarchie n’est souvent pas très bien perçu.
« DES PROFILS TRÈS DIFFÉRENTS »
« C’est plus facile de se dire royaliste quand on s’appelle Ardisson et qu’on donne par ailleurs des gages en tapant sur l’AF Les militants sont trop facilement caricaturés en arriérés réacs ou en bas du front d’extrême droite », regrette Ingrid, 21 ans. L’ombre de Charles Maurras – qui donna par ailleurs ses meilleurs arguments, les plus rationnels, au royalisme – plane comme un soupçon permanent de pensées inavouables chez ceux qui se réclament des idées royales. « Le système ne fait pas de cadeau », dit la jeune femme qui rappelle que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Ingrid vient de terminer un BTS commercial et milite à l’Action française de Lyon après avoir cherché des solutions « à la survie de mon pays » du côté de la section jeunesse du Front national. Mais les réticences du parti au moment de la Manif pour tous la déçoivent. « Je suis passé du FN Marine à l’AF Marion », sourit-elle aujourd’hui, clin d’oeil à la venue de la benjamine de l’Assemblée nationale au dernier colloque du mouvement royaliste. De toute façon, « les militants d’AF ont des profils très différents les uns des autres et ce qui les intéresse avant tout, c’est l’avenir du pays », affirme-t-elle.
De fait, plus que la condamnation de Maurras à la Libération, le problème, explique Jean-Philippe Chauvin, blogueur et figure des milieux royalistes, vient de l’Éducation nationale et de l’image caricaturale qu’elle donne de la monarchie. « Je me bats tous les jours contre certains de mes collègues qui la décrivent comme un système tyrannique et dictatorial. Mais, en France, la République est un conditionnement idéologique, une religion dont le culte s’est construit en opposition à la monarchie », explique ce professeur d’histoire dans un lycée de la région parisienne. Comme si la France était née en 1789, dans une rupture radicale avec son passé, et comme si l’institution royale n’était pas vécue au quotidien par un certain nombre de nos voisins…
EFFICACITÉ POLITIQUE
Cependant, malgré le capital de sympathie dont elles bénéficient généralement, tous les royalistes, loin s’en faut, ne se reconnaissent pas dans les monarchies anglaise, belge ou espagnole où les rois ne gouvernent pas. C’est le cas de Kérygme, 24 ans, qui se dit royaliste, entre autres, pour une question d’efficacité politique. « Hollande a le pouvoir mais pas l’autorité. Il lui faudrait pour cela une légitimité qui lui vienne à la fois d’en bas et d’en haut ». Pour le jeune homme, qui vient de terminer un mémoire de philosophie sur Bergson, être royaliste c’est avoir « l’expérience et la connaissance historique de ce qui marche ou pas en politique ». Collaborateur occasionnel du site catholique Le Rouge § Le Noir, Kérygme fait partie de l’organisation des Veilleurs. Il croit au réinvestissement de la société par la culture et les idées. « Si beaucoup de jeunes royalistes ne votent pas, cela ne veut pas dire qu’ils se tiennent éloignés de la vie politique », explique-t-il. Au contraire. Mais ils se montrent méfiants avec les catégories traditionnelles de droite et de gauche. « Le système royal est bien plus social, moins diviseur, que le système républicain. D’abord parce que roi est l’affirmation de la primauté du bien commun sur les appartenances partisanes ». Un royaliste peut donc se reconnaître dans certaines valeurs plutôt défendues par la gauche, comme la justice sociale ou le refus de la loi du marché. Mais il peut en même temps se reconnaître dans des valeurs de droite, plus anthropologiques, comme celles qui se sont exprimées dans les manifestations contre le mariage homosexuel. Alors, élection, piège à cons ?
ROYALISTE ET CANDIDAT AUX ÉLECTIONS
Blandine Rossand, 53 ans, mère de trois enfants, a mené une liste sous l’étiquette Alliance royale, une formation politique fondée en 2001. Lors des municipales 2014, à Paris, dans le V’ arrondissement, elle a obtenu o,6 %, 127 voix. Elle raconte : « j’ai toujours été intéressée par la vie publique. J’ai eu un engagement au RPR avant de faire le constat de l’interchangeabilité des idées des différents partis de droite ou de gauche. Par ailleurs, j’ai toujours pensé que les extrêmes n’étaient pas la solution. Et comme je ne trouve pas l’Action française très constructive, je me suis engagée dans ce tout petit parti, sans moyens, qu’est l’Alliance royale. J’en garde d’excellents souvenirs. Participer à des campagnes électorales agit comme un déclencheur de dialogue. Nous avons même été invités sur un plateau de BFM-TV Quel meilleur moyen de faire surgir la question des institutions dans le débat politique contemporain ? Sur les marchés, quand vous parlez aux gens de la monarchie, du roi, ils ne vous prennent pas du tout pour des zozos ! Au contraire, cela les intéresse, quels que soient leurs bords idéologiques. »
ACCORDS ET DÉSACCORDS
« Il n’y a pas plus rassembleur que l’idée royale », confirme Jean-Philippe Chauvin. Encore faut-il savoir la faire aimer à ceux qui s’y intéressent. Or, au-delà même des questions d’ego, les royalistes semblent parfois se complaire dans les désaccords théoriques et doctrinaux, ce qui n’est pas la meilleure façon de la promouvoir. Le dicton « Deux royalistes font une section, le troisième fait une scission », fait beaucoup rire dans les milieux autorisés… Cela commence par la question du prétendant qui empoisonne le royalisme français depuis les années 80. Alors que la question de la légitimité avait été réglée une fois pour toutes lors de la mort sans descendance du comte de Chambord, dernier héritier en ligne directe de Louis XV, deux branches se disputent aujourd’hui la « primogéniture » sur la couronne de France. La première, dite « légitimiste », est représentée par Louis-Alphonse de Bourbon, petit-cousin du roi d’Espagne Juan-Carlos. Pour ses partisans qui l’appellent « Louis XX », il est l’héritier naturel de la couronne en tant qu’aîné des Capétiens et descendant direct de Louis XIV. Mais l’intéressé, malgré les efforts de l’Institut de la Maison de Bourbon, peine à s’intéresser au pays de ses ancêtres. Banquier international, il vit entre l’Espagne et le Venezuela et n’a que peu de temps à consacrer aux affaires françaises.
L’autre branche, la branche nationale dite « orléaniste », a toujours été considérée comme légitime par la majorité des royalistes français. Elle a pour représentant Henri d’Orléans, comte de Paris, et son fils le « dauphin » Jean d’Orléans, duc de Vendôme. Ce dernier s’est affirmé comme l’héritier de la Maison de France, multipliant les déplacements en France et à l’étranger et publiant un livre d’entretiens, Un Prince français, vendu à des milliers d’exemplaires. Il est soutenu par les deux principaux mouvements royalistes que sont l’Action française et la Restauration nationale (lire l’entretien avec son secrétaire général, Bernard Pascaud).
Verra-t-on un jour le descendant de saint Louis prendre la tête de l’ensemble des mouvements et courants monarchistes ? « Ce n’est pas ce qu’ôn lui demande ! », s’exclame Jean-Philippe Chauvin qui regrette néanmoins l’actuelle discrétion des princes de la Maison de France. Un sentiment qui domine largement aujourd’hui dans les milieux royalistes : « Si les princes ne se montrent pas, l’idée royale ne peut pas prospérer alors que le terreau n’a jamais été aussi favorable. » Et le professeur d’histoire, qui a développé toute une réflexion sur l’écologie et la royauté, de rêver d’un prince se rendant en famille au Salon de l’agriculture. L’héritier des rois de France prenant le temps de sympathiser avec le « pays réel » tandis que défilent les politiques pressés, venus quémander quelques voix sous l’oeil goguenard des caméras… On imagine la portée du symbole. ■
Le Prince Jean d’Orléans, Duc de Vendôme, Dauphin de France, à Dreux
La fin de cet article résume très bien la situation : tout le monde attend tout le monde. Les mouvements monarchistes souhaiteraient un prince plus visible et sans doute que le prince souhaiterait des mouvements monarchistes un soutien lui aussi plus visible.
Qu’est-ce qu’on attend ? Le duc de Vendôme vient de briser la glace avec son communiqué du 1er août. Les réactions ont été, je crois, positives dans leur ensemble.
Par ailleurs, ces mêmes mouvements soutiennent mais chacun de son côté, Jean de France et le considèrent comme l’espoir de la monarchie.
A mon avis, pour faire avancer les choses, il faudrait que les mouvements monarchistes parviennent à se mettre d’accord sur un communiqué commun de soutien public au duc de Vendôme.
Cela aurait pour effet d’encourager le prince à poursuivre ses efforts et son ambition et cela permettrait une incarnation de la monarchie par un prince jeune et désireux d’agir pour notre pays.
Article intéressant
Cordialement
Bel article de Louis Durtal qui montre que ce qui unit fondamentalement les royalistes n’est pas un obstacle à l’expression légitime des diversités d’approche tactique. L’exercice est plutôt réussi.
Mais pourquoi avoir oublié le mouvement de Bertrand Renouvin qui a tenté et partiellement réussi une réinsertion du royalisme dans le paysage politique ? Un peu comme Maurras avait pris à contre pied le royalisme officiel de la fin du XIXème siècle. Ca peut faire grincer bien des dents mais c’est roboratif !
Tout à fait d’accord avec Michel Corcelles. Les quelquefois bizarres errances de la NAR ne doivent pas faire oublier ce qu’elle a apporté de frais et de neuf au royalisme.
Les Royalistes Français pourraient s’inspirer de John KENNEDY: ne demandez pas ce que le Prince a fait pour vous aujourd’hui, demandez vous plutôt ce que vous avez fait pour lui.
Il serait souhaitable qu’une coordination puisse s’établir entre Royalistes afin d’éviter cette perte d’énergie, néfaste à l’aboutissement de notre OEUVRE
D’accord avec Michel Corcelles et Pierre Builly : il y a eu un apport de la NAR.
Pas celui qui était annoncé à sa création. Mais un apport qui n’est pas négligeable..
La tentative de coordination entre royalistes a été menée à deux reprises depuis 1970. D’abord avec le COPCOR (COmité Provisoire de Coordination des Opérations Royalistes) de Fabrice O’Driscoll et ensuite avec le GLR (Groupe de Liaison Royaliste) d’Olivier Dejouy..
Chacune de ces deux tentatives s’est soldée par un recentrage. Le COPCOR sur un éphémère MRF (Mouvement Royaliste Français) et le GLR sur la relance du CRAF après la scission de la RN (Restauration Nationale).
Pour ma part je ne suis plus persuadé de la capacité des royalistes à se coordonner. La volonté de préserver son autonomie de manœuvre en étant la principale raison. J’ai plutôt tendance à miser sur une complémentarité des actions menées par les uns et les autres. Si la diversité mise en avant par Corcelles est réelle., les diverses organisations ne doivent logiquement pas trop se marcher sur les pieds.
Il serait intéressant que le site de LFAR permette, au travers ses commentaires, de dresser une cartographie des mentalités et sensibilités justifiant la « diversité » mise en avant. par Corcelles.
Posons nous la question de l’éventuelle spécificité de chacune des organisations.
Poussons l’exercice et posons nous ensuite la question de l’intérêt des spécificités mises en avant.
Alors il sera possible d’arbitrer sur un réel intérêt d’une éventuelle coordination.
Dans l’attente de ce « débat royaliste », amitié fidèle au réseau des habitués de ce site !
Papy n’est pas gâteux et sa mémoire ne flanche pas.
On peut marcher ensemble sans forcément marcher « au pas ».
Invoquer la diversité n’est pas se soumettre à une mode qui traduirait le délitement et la « tribalisation » de la société.
Ce serait au contraire montrer une capacité à s’adapter à la fracturation du système. Cette diversité s’apprécie évidemment sous l’angle sociologique au sens ou Proudhon écrivait « La France renaitre de ses fragments »; mais également sous l’angle « doctrinal » et c’est là où l’apport de la NAR a été marquant.
Cher Corcelles,
A mon sens il y a trois options possible :
1) La première c’est l’unicité organisationelle. Evidement elle est très tentante. Elle est réalisable, le Front Nationale en a fait la preuve vers 1984-86. C’est d’ailleurs l’option retenue par Maurras vers 1905-1910 car il dispose d’une synthèse doctrinale, d’une équipe dirigeante brillante et soudée ainsi qu’une stratégie. Il a donc réussi a éliminer la concurrence interne au vieux parti royaliste mais ensuite l’histoire de l »AF peut presque s’ecrire au travers de celle de ses scissions successives. C’est d’ailleurs ce qu’a fait l’excellent Paul Sérant.
2) seconde option, celle de la coordination. Les deux tentatives COPCOR et GLR en ont montré les limites car elles nécessite un fédérateur arbitre s’appuyant sur un accord stratégique préalable. Là encore ont peut regretter l’abandon de la réflexion stratégique menée dans les années 1970 dans le cadre de la Revue LE DEBAT ROYALISTE et poursuivi ensuite dans LA REVUE ROYALISTE dont le numéro complet sur la voie strategique mérite d’etre scanné sous format pdf comme le carnet de chants réalisé par LFAR.
3) C’est l’option de la complémentarité ou chaque organisation creuse sa spécifié pour mieux travailler le milieu qu’il se donne pour cible. Dans ce cadre il est probable que chaque organisation se dote de moyens spécifiques dans lesquels il progresse techniquement. Evidemment la concentration des forces est moindre et la dispersion des moyens pénalisante mais a contrario le « front » couvert peut etre large et supporter des divergences de point de vu doctrinales ou de sensibilité.
A vous lire…
Si je me souviens bien,le traité d’Utrecht interdit aux descendants des bourbons d’Espagne de prétendre à la couronne de France.