Par Mathieu Bock-Côté
Le projet de privatisation d’un parc aquatique le temps d’une journée a finalement été annulé après une vive polémique. Mathieu Bock-Côté analyse ici excellemment [Figarovox, 9.08] comment l’exhibitionnisme identitaire est le vecteur privilégié de l’impérialisme culturel qui anime l’islamisme
On apprenait il y a quelques jours que l’association Smile 13 organisait une journée dans un parc aquatique réservé aux femmes et aux enfants de moins de 10 ans et qu’il serait permis d’y porter le burkini. La polémique a d’abord percé sur les médias sociaux, comme d’habitude, avant d’être reprise par la classe politique et de trouver de l’écho dans la presse internationale. Ce n’est pas surprenant: l’islamisme prend d’abord la forme d’un impérialisme culturel qui progresse dans l’ensemble des sociétés occidentales..
Ainsi, à Québec, en 2014, le maire Régis Labeaume, malgré ses réticences personnelles et une exaspération qu’il ne parvenait pas à masquer, a cru devoir accepter la présence du burkini dans les piscines publiques de la ville, au nom de la diversité, qui aurait naturellement tous les droits et à laquelle il faudrait se soumettre. Le commun des mortels reconnaît spontanément une provocation identitaire dans l’organisation d’un tel événement: l’islam le plus rigoriste s’installe en France et veut y vivre selon ses propres règles.
Même si la journée a été annulée, il demeure nécessaire de réfléchir à ce qu’elle représentait. En s’appropriant le SpeedWater Park le temps d’une journée, il s’agit de marquer la présence en France d’un islam radical, étranger aux mœurs françaises, et qui entend le demeurer. On aura beau distinguer le voile ordinaire du voile intégral, les deux témoignent d’une forme d’exhibitionnisme identitaire ayant pour vocation de rendre l’islam visible au cœur de la cité. Le temps d’une journée, ce parc aquatique aurait dû être classé parmi les territoires perdus de la nation. La culture française y aurait été remplacée par une autre.
L’islamisme s’approprie le corps des femmes pour marquer sa présence physique et symbolique dans les nations qu’il veut conquérir. Naturellement, une frange des élites préfère capituler et se réfugier derrière les droits de l’homme, comme si la politique s’abolissait dans leur célébration systématique. La logique de la soumission est la suivante: puisque le parc aquatique est privé, n’est-il pas permis à n’importe quel groupe de le louer pour une journée et de le soumettre aux règles qu’il voudra ? De quoi la société se mêle-t-elle ?
C’est l’occasion, aussi, pour plusieurs, de désubstantialiser la laïcité française au nom d’un multiculturalisme qui prétend lutter contre l’islamophobie : on refait ainsi le procès des lois qui entendent réguler l’expression des communautarismes religieux dans l’espace public. On dédramatise la situation et on fait comme si rien ne se passait. Encore une fois, on classe l’événement dans la rubrique des faits divers – c’est-à-dire qu’on en fait un non-événement qui ne mériterait même pas d’être pensé politiquement.
On ne se leurrera pas : l’islamisme est dans une logique de conquête politique et idéologique. Il veut implanter de manière irrémédiable un islam particulièrement rigoriste au cœur des sociétés occidentales et rendre inimaginable sa critique, sauf à risquer l’accusation d’islamophobie. Il teste comme il peut les défenses occidentales pour voir là où elles cèderont. Il est dans une guerre d’usure. Nos sociétés, qui ne savent plus trop comment assumer politiquement leur héritage de civilisation, semblent désarmées devant lui.
En les détachant de leur ancrage civilisationnel, l’islamisme joue ce qu’on appelle les valeurs de la république contre la France. Il maquille en droits de l’homme à faire respecter des conquêtes communautaristes. Il dissimule derrière une adhésion aux grands principes de la modernité libérale son implantation territoriale, culturelle et idéologique. La France, sans trop s’en rendre compte, se soumet au système des accommodements raisonnables qui l’amène à voir dans sa propre faiblesse une marque de grandeur et de générosité humanitaire.
La même situation s’est présentée devant les tribunaux canadiens lorsqu’une immigrante pakistanaise a voulu, en octobre 2015, prêter son serment de citoyenneté en niqab. Les tribunaux et la classe politique lui ont donné raison au nom des droits de l’homme. Dans un pays qui passe pour le Disneyland diversitaire du nouveau monde, on a normalisé juridiquement et culturellement un symbole qui consacre l’infériorisation des femmes au nom des droits de l’homme. L’individualisme radical rend invisible le conflit des cultures.
Mais une évidence reprend ses droits : ce sont moins des valeurs abstraites qui font un pays que sa culture et ses mœurs. Dans les faits, la mise en place de zones plus ou moins officiellement soumises à une forme d’apartheid sexuel correspondent à la défrancisation programmée de parcelles du territoire national. Celle qui revêt le burkini déclare en fait de manière agressive sa non-appartenance au monde occidental. Et une association qui organise une activité où celui-ci sera à l’honneur pratique, quoi qu’on en pense, le militantisme politique le plus radical.
D’ailleurs, au même moment où la culture nationale s’efface, c’est la souveraineté nationale qui devient inopérante. La France n’est plus la bienvenue chez elle. On devine qu’elle ne reprendra ses droits dans ces espaces dénationalisés qu’avec une grande résolution politique. Évidemment, encore une fois, on ne manquera pas d’esprits subtils occupés à réinventer une nouvelle définition de la France pour la rendre conforme à sa multiculturalisation. Il est toujours plus facile de jouer avec les mots et de fuir la réalité que d’affronter lucidement cette dernière.
C’est une chose, et une bonne chose, naturellement, de permettre aux musulmans de vivre librement leur foi dans nos sociétés qui peuvent à bon droit se faire une fierté de leur respect de la liberté de conscience. C’en est une autre, toutefois, de consentir à une forme d’effacement de la culture de la société d’accueil, comme si elle était optionnelle dans son propre pays. Si les pays occidentaux doivent être naturellement accueillants envers leurs citoyens musulmans, ils n’ont pas toutefois, à se transformer en terre d’Islam.
Pour vraiment s’intégrer aux pays qui l’accueillent, la religion musulmane devra s’occidentaliser et se transposer dans une culture qui l’obligera à transformer son rapport à l’inscription sociale de la foi. Les musulmans devraient moins chercher à rendre leur religion la plus visible possible dans la cité que s’acculturer aux mœurs occidentales et miser sur une pratique religieuse moins conquérante, qu’il s’agisse de la taille des mosquées et des minarets, des prières de rue ou encore des signes religieux ostentatoires.
Le nouvel arrivant, dans un pays, doit envoyer le signal qu’il en respectera les coutumes et les usages. C’est sa manière de dire qu’il sait qu’il arrive dans un monde qui est déjà-là et auquel il est prêt à s’intégrer en profondeur, notamment en reconnaissant et en respectant la nature profonde de la civilisation qu’il rejoint. On aime dire qu’à Rome, on doit faire comme les Romains. La formule demeure plus que valable et devrait commander une refondation sérieuse de nos politiques d’intégration. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.
D’accord sur les symptômes. Mais pas du tout d’accord sur le remède : on ne peut pas demander aux musulmans de « vivre librement leur foi » en « s’occidentalisant » et en pratiquant tout en « respectant notre civilisation ». L’islam n’est pas seulement une religion, c’est une religion de conquête, c’est un totalitarisme, c’est une civilisation à lui seul. L’islam peut être discret quand le contexte l’exige (taqiya) mais dès qu’il se sent fort et en nombre, alors il se montre et réapparaissent massacres et terreurs dans le but de prendre le pouvoir. C’est ce qui arrive en Europe actuellement. C’est d’ailleurs bien comme cela que l’islam a conquis l’Afrique du Nord chrétienne. Votre façon de résoudre le problème rejoint la thèse de ceux qui prônent la laïcité pour lutter contre ce fléau, ce qui permet aux mahométans de continuer à prospérer, en se foutant de nous. Beaucoup d’auteurs s’accordent pourtant sur le point que dans les pays où n’existent pas ces populations à risque, ces problématiques n’existent pas non plus (Yvan Blot…). La solution, c’est donc d’avoir des quotas, donc un programme de protection de nos frontières, de remigration et de conversion. Mais là, il faut un pouvoir politique fort et une Eglise militante. Ce n’est pas le cas en France aujourd’hui et c’est bien pour cela que je suis royaliste.