PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS*
CHRONIQUE. II y a des leçons à tirer de la misère de la justice française, explique l’avocat, écrivain et chroniqueur.
L’immense misère de la justice française n’est pas vraiment connue des Français, même si les justiciables commencent à la percevoir : les délais de délibéré, la réduction drastique du temps de plaidoirie, la pénurie des moyens matériels, la surcharge des audiences pénales dans les grandes agglomérations contrastant avec le vide dans d’autres tribunaux, l’invraisemblable complexité des lois et règlements, l’impossibilité manifeste de réformer le Code du travail… La liste pourrait se poursuivre, interminable.
Quand la République s’occupe de la justice, elle le fait par ordonnance, sans passer par le Parlement. De façon monarchique. Ainsi fut réorganisée, en 1958, non sans défaut mais avec une certaine efficacité, la justice chevrotante de la Ive République.
Reste que la monarchie – surtout quand elle est élective – n’est pas la royauté.
Or, la justice a besoin de temps pour se réformer, et, ensuite, réformer sans cesse les réformes. Elle réclame, en effet, une attention de tous les instants pour être vraiment adaptée à sa mission qui est de contribuer à la paix sociale et au bien commun de la nation, en rendant à chacun ce qui lui est dû.
Il faut donc que l’exemple vienne d’en haut et se poursuive, non sur un quinquennat ou un septennat, mais au moins sur une génération et de génération en génération, pour profiter de l’expérience des anciens et s’adapter aussi aux conditions des temps qui changent avec le temps. En France, c’est le roi qui accomplissait cette tâche. On le sait, c’est par la qualité supérieure de la justice royale que les Capétiens ont justifié – c’est le cas de le dire – leur pouvoir. D’autres nations ont d’autres traditions judiciaires, fort respectables, parfois même enviables. Pensons au Royaume-Uni ou à la République de Venise pendant huit siècles. Mais, en France, le grand juge, d’où vient toute justice, c’est le roi.
Car la justice est toujours déléguée. Aujourd’hui, le peuple français délègue son pouvoir aux juges qui rendent la justice « au nom du peuple français ». Mais, « le peuple français » est une entité abstraite, une fiction juridique, comme l’est aussi la République au nom de qui parlent les procureurs de la République.
Le roi est une personne humaine, pas une fiction de la loi. Il peut faire des erreurs. On peut en appeler « du roi mal informé au roi mieux informé », mais, au moins, au bout de la course judiciaire, le justiciable sait à qui il peut écrire, devant qui il peut faire une dernière requête. Et c’est devant le roi et ses délégués que les juges doivent répondre de leur jugement.
Le système n’est pas parfait mais il est toujours perfectible. Il contient en lui la dynamique possible de ce perfectionnement, alors que celui que nous subissons actuellement est bloqué parce que les fictions juridiques sont des abstractions sans coeur ni tête.
Il faut une tête à la République, mais aussi un coeur, une incarnation personnelle. Seule une dynastie porte le dynamisme de cette continuité dans l’être, au- delà des individus. Pour que la République – Res publica, la chose publique – soit défendue et incarnée, il faut non pas un président, monarque élu et provisoire, mais un roi. C’est la leçon évidente de la grande misère de la justice française, aujourd’hui, en l’an 2016. •
* Dernier ouvrage paru : Jeanne d’Arc, le procès de Rouen, Les Belles Lettres, janvier 2016.
« Il faut une tête à la République, mais aussi un coeur, une incarnation personnelle. »
Le défaut de moyens, qui n’est d’ailleurs que très relatif, n’est pas la cause des mauvaises décisions, du travail bâclé ou même de l’absence totale de travail, dans les tribunaux, de la part principalement des magistrats.
C’est le dopage idéologique rouge vif, l’oppression des préjugés, la vanité et l’orgueil, qui sont les causes du mauvais travail de l’administration judiciaire.
La VRAIE JUSTICE doit être rétablie qui ne passe pas par les tribunaux républicains mais par le respect, prioritairement de la part de l’Etat, de son propre DROIT FONDAMENTAL. La masse de conflits que génère la prolifération par millions des règles de vie est incalculable, immense, intolérable.
Réduire les causes de conflits est la priorité absolue.
Donc, réduire drastiquement la masse de textes réglementaires, même législatifs, et redonner une Constitution claire au Pays est prioritaire sur tout. Ensuite, les tribunaux devront être réduits en nombre sur la base d’une réunion de toutes les filières de droit divisées aujourd’hui, en une seule : de DROIT COMMUN ! La sanction de la mort en légitime-défense de la Société doit être reprise… Une tête tenant la « Main de Justice » avec le pouvoir de tenir LIT DE JUSTICE pour réparer, ou mieux contrer, des injustices commises par les Tribunaux est hautement nécessaire sur le modèle de St-LOUIS IX. Cette tête ne peut être que légitime, ce que ne sont pas les « Orléans », qui violent eux-mêmes la LOI FONDAMENTALE sur plusieurs points !
Voilà ce qu’il faut faire. Ni plus, ni moins.
Un peu catégorique MARTIN DESMARETZ de MAILLEBOIS. Et même beaucoup. Trop pour être tout à fait crédible malgré l’intérêt de son commentaire. Dommage !
Aucune réforme ne tiendra si on éradique pas la Bête qui nous gouverne par bilboquets interposés. Elle est dans le clergé de l’Église de France. Il y a 40 ans que je la poursuit. Il faut donc commencer par l’éradiquer de là en élisant nos évêques en deux collèges de prêtres et de catholiques pratiquants, dans la communion avec Rome.
De quelle droit la République met elle le veto sur les évêques qui ne lui plaisent pas ? Sommes-nous des bambins catholiques ?
Louis XIV et l’Église gallicane avaient voulu créer une Église coupée de Rome, mais ils trouvèrent en face d’eux le pape Innocent XI qui leur tint tête et qui pendant 10 ans (1682 – 1692) refusa de reconnaître les évêques présentés par le Roi. Le Roi-Soleil capitula. Le bienheureux Innocent XI dont c’était la fête le 12 août devrait avoir son autel dans toutes les églises de France.
Il est évident que cette ventouse d’arrapède des forces obscures sur l’Église de France, n’est pas née avec la République et qu’elle remonte à la nuit des temps.
Si nous faisons cette révolution la Bête sera neutralisée et le gouvernement de la France ne sera plus sous sa dépendance. Nous pourrons alors nous mettre en quête des descendants du petit Louis XVII. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs car la Bête est plus royaliste que le roi si ça lui convient (Angleterre, Espagne Hollande etc.).
Baudouin
Votre prophétisme incantatoire n’est pas politique. Un peu d’humilité d’esprit est, dans ces cas-là, à conseiller.
J’accepte vos qualificatifs d’incantatoire et d’humilité, mais pouvez-vous voir du prophétisme dans 40 ans de recherches historiques ?
Baudouin
Louis XIV ne voulait nullement une « Eglise coupée de Rome », mais seulement une église gallicane, c’est-à-dire jouissant de légitimes libertés. Votre commentaire est réducteur, car que je sache, les rois de France continuèrent à présenter les évêques à l’investiture jusqu’au concordat de 1802. Et les rites gallicans continuèrent de même. Quant à la querelle de la territorialité elle se solda par un compromis acceptable. Innocent XI, je vous le rappelle, a été béatifié, mais sa canonisation a été « retardée » sine die car on a exhumé les preuves de sa trahison à l’égard de Jacques II d’Angleterre. En effet, Guillaume d’Orange demanda, avec des sommes énormes à l’appui, au pape de tenir secrète son intervention militaire, qui réussit grâce la surprise. Si Louis XIV se montra imprudent lors le la bataille du Kahlemberg, Innocent XI eut sur la conscience la protestantisation de l’Angleterre et le génocides des irlandais.
Merci de votre réponse. Elle est peut-être vraie en ce qui concerne l’Angleterre mais non pour la France. C’est grâce à Innocent XI si nous ne sommes pas devenus gallicans. Vous donnez comme légitimes, les illégitimes et fameuses « libertés et franchises de l’Église gallicane » dont Sixte Quint avait dit à Henri III : « Je les maudit ». C’est parce que les décisions du Concile de Trente obligeaient les Églises d’Europe à déposer leurs richesses et pour cela à abandonner leurs franchises, que les rois Henri III et IV furent assassinés pour avoir tenté de faire entrer ces décisions dans les lois françaises. L’histoire des fous régicides ne tient pas debout.
La coupure d’avec Rome était en marche. Les gallicans ont essayés en vain en 1682 avec les Quatre Articles élaborés par le grand Bossuet, puis ont réussi avec la Constitution civile du Clergé. Ce sont eux qui ont fait la Révolution française. j’en apporte la preuve avec 5 tomes sur la question après avoir lu, le stylo à la main, les 77 tomes des Procès-verbaux des assemblées générales du Clergé de France de Charles IX à la Révolution. Je cherche un éditeur.
Cordialement
Baudouin
Cher Monsieur,
Je n’ai certes pas l’érudition que vous manifestez, mais j’ai modestement réfléchi la question. En ce qui concerne la Révocation de l’Edit de Nantes, je vous rappelle qu’ Innocent XI publia un bref pour en remercier le roi le 16 novembre 1685. Il donne ensuite un Te Deum Saint Pierre le 30 avril 1686. Sur le fond: Il est vrai que le gallicanisme est devenu janséniste au XVIII° siècle, et que les Parlements conduisirent une guérilla contre le Pouvoir, mais ce ne sont pas les ultramontains qui pouvaient se plaindre des rigueurs du pouvoir royal à l’égard des héritiers de Mère Angélique Arnaud. Il est vrai aussi que la constitution civile du clergé fut applaudie par certains gallicans qui l’avaient inspirée, mais il reste que la majorité des réfractaires étaient également gallicans. Si Maistre était ultramontain de manière extrême, Bonald est resté gallican de manière modérée. Et n’oublions pas que l’ultramontain le plus virulent sous la Restauration fut…Lamennais! Je pense,, contrairement à vous qu’un gallicanisme mesuré eût été plus efficace que le choix de Charles X et de Polignac ( le parti prêtre). Toutes ces questions fiscales et administratives ont fait beaucoup de mal à la Chrétienté. Et les décisions du Concile de Trente étaient souvent inadmissibles. On pourrait penser que la perte de leur pouvoir temporel aurait conduit les papes à plus de bon sens, mais non! Depuis 135 ans les papes pensent le temporel de manière irresponsable. A l’exception de Pie X, bien sûr.
Cher monsieur
Votre argumentation est celle que j’avais jadis mais que j’ai remis en cause après la lecture de ces Procès-verbaux
Difficile de répondre à vos arguments avec nos yeux d’aujourd’hui. Le protestantisme c’était l’Islam et le judaïsme d’aujourd’hui. L’Islam est tellement gentil chez nous, mais de demandez pas aux coptes et aux maronites ce qu’ils en pensent, et encore plus aux arméniens. Le judaïsme a tellement souffert, mais ne demandez pas aux palestiniens ce qu’ils en pensent. C’est vrai je ne vois plus le pape félicitant le président français sur une loi les assujettissant.
Le protestantisme c’est la guerre de 30 ans en Allemagne, la paupérisation des peuples anglais et irlandais, (la première autorisation du culte catholique date des années 1820 et si les émigrés ecclésiastiques furent bien accueillis et purent célébrer leurs offices c’est parce qu’il y avait une clause qui l’autorisait dans le traité franco-anglais de commerce élaboré par louis XVI !), l’incendie de toutes nos archives paroissiales et l’incendie de quantité de couvents dont il reste les vestiges et la mémoire paysanne. On les appelait les diables incarnés. Bien sûr en réponse les catholiques ont fait du mal encore que la victoire de Louis XIII à La Rochelle et au Béarn n’ait pas laissé un souvenir déplorable.
Bref la révocation de l’édit de Nantes était une absurdité puisque on savait qu’ils auraient tous disparut au milieu du XVIII°, (ainsi l’avait programmé Henri IV qui s’y connaissait en protestantisme) mais ce que vous ne savez pas c’est que cette révocation qui faisait tomber le protestantisme par pans entiers, a été suspendu dans son article 11 qui obligeait les protestants à recevoir les dragons à demeure (les dragonnades), immédiatement les conversions en masse ont cessé et ce qui restait du petit groupe en sursis a été empêché de conversion au catholicisme. Le protestantisme a été sauvé par la révocation de la révocation de l’édit de Nantes !
Pourquoi ? Parce qu’il n’y aurait eu plus personne sur qui taper pour mettre l’unité du royaume en péril, les protestants ayant été en cela les souffres douleurs des gallicans. En effet si l’on sait que l’unité est la preuve complémentaire de la vérité on comprend pourquoi les rois ont été très dur avec les hérésies. Alors les gallicans inventèrent la guerre contre le jansénisme (commencée au XVII°). Mais ce fut un pétard mouillé. Alors ils s’attaquèrent à la mystique et ce fut l’affaire de la Régale qui inféodait les couvents aux Parlements, donc au droit de nommer les chefs d’Ordre et de maisons religieuses : gallicans, jansénistes, franc-maçons, pédérastes, athées etc. 100 ans après il n’y avait plus qu’à ramasser les morceaux en décadence avec la Commission des Réguliers (1766) qui détruit une quinzaine d’ordres et ferma quelques 150 couvents.
Juste un mot sur les Parlements, parce qu’il faut savoir s’arrêter. En 1749 Louis XV créait le Second Vingtième, l’impôt égalitaire. Aussitôt s’enflamma la guerre des Parlements. Louis XVI prit le relais en créant des Assemblées provinciale qui redonnait le pouvoir administratif au peuple. Soyez sûr que les jours des Parlements et ceux de l’Église gallicane étaient comptés. Alors les gallicans ont obligé le Roi à convoquer les États généraux qui lui ont prit le pouvoir et l’ont tué. Quant au peuple la loi Lechapelier se chargea de le transformer en misère anglaise (voir Dicken!). Ce fut l’horrible XIX° siècle. (Si vous voulez en savoir plus sur les Assemblées provinciales, vous avez mon livre : edilivre.com > Roumens Baudouin > Le gouvernement du peuple.)
C’est pour cela que j’ai dit qu’il fallait commencer par balayer la vermine gallicane par la reprise en main des diocèses par les chrétiens eux-mêmes, en accord avec Rome. Tout le reste en découlera par la suite : «Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice et toutes choses vous seront donné en plus.»
Cordialement. Baudouin