Publié le 11 mars – réactualisé le 12 septembre 2016
En réponse à un lecteur [Camelot] qui, hier, dans les commentaires, disait vouloir en savoir plus sur notre royalisme. D’autres éléments de réponse suivront …
Au moment même où nous voyons se réunir, réfléchir, agir, une nouvelle génération d’Action française courageuse, ardente et décidée, qui réveille, en un sens, des énergies plus anciennes, il est bon que l’Action française rappelle et pose ses fondamentaux. S’il y a lieu de les discuter, de les actualiser, sans en renier le fond, il sera toujours temps, ensuite, une fois nos principes posés, d’en débattre et d’en décider. Dans la tradition et dans l’esprit de l’Action française.
Mardi dernier [08.03], nous avons publié une réflexion utile de Stéphane Blanchonnet* sur ce quadrilatère maurrassien repris des premières publications de Maurras sur la monarchie à réinstaurer pour le salut de la France : Dictateur et Roi, prélude à son Enquête sur la Monarchie, ouvrage qui sera volontairement publié en l’année 1900, ouvrant ainsi le XXe siècle. Voici ce même quadrilatère maurrassien vu par Sébastien L. dans le cahier d’Action française n°3, supplément au n° 2177 d’Aspect de la France du jeudi 31 janvier 1991. Il y a donc 25 ans. L’article porte le titre : La Monarchie que nous voulons. Le rédacteur est un jeune militant d’Action française de cette période [il a alors 20 ans, tout juste] qui a fait son chemin, depuis. Il y pose, avec pertinence, nos fondamentaux, selon nous, pérennes. Lafautearousseau
« Oui ou non l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée est-elle de salut public ? »
La question que pose Maurras au début de son enquête sur la Monarchie écarte les présupposés, les sentiments et les préjugés. Elle est concise, directe et rationnelle, car c’est sur le terrain de la raison, celui-même sur lequel se croit fondée la démocratie que le Martégal défend et batit la Monarchie. Aujourd’hui, alors que six quarts de siècle nous séparent de la dernière expérience monarchique et que l’idée royale a été systématiquement défigurée par les républicains, nous devons défendre nos idées, retrouver ce ton maurrassien clair, dense, précis, presque socratique, qui seul imposera la monarchie face aux nuées démocratiques. Ainsi avons-nous utilisé le « quadrilatère » maurrassien (une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire, décentralisée) pour esquisser, en esprit puis en acte, LA MONARCHIE QUE NOUS VOULONS.
Une Monarchie Traditionnelle
Pour commencer, il semble indispensable de rappeler que la Monarchie n’a jamais été un modèle fixe, un prêt-à-porter ; elle a su au contraire s’incarner dans différents registres tout en gardant l’esprit qui était le sien. C’est cette continuité à travers les changements nécessaires qui caractérise le vrai sens de la tradition qui, d’après Paul Valéry, « n’est pas de refaire ce que les autres ont fait mais de retrouver l’esprit qui a fait ces choses et qui en ferait de toutes autres en d’autres temps ». Ainsi, nous ne voulons pas restaurer une monarchie figée en un XVIIIéme siècle oublié, mais rétablir ce qui est d’abord un principe, principe d’autorité, de responsabilité et d’unité, et qui saurait s’incarner dans notre propre réalité économique, politique, culturelle et sociale.
Une Monarchie héréditaire
L’hérédité du pouvoir est sans doute le principe qui a été le plus attaqué depuis trois siècles. Pourtant que représente-t-il réellement lorsque l’on a écarté toute la mythologie méritocratique ? Il apparaît que l’hérédité a ce premier avantage d’éliminer la compétition pour le pouvoir, c’est-à-dire la radicalisation des conflits d’intérêts. Elle assure ainsi un Etat fort, indépendant et arbitre capable d’entreprendre des réformes administratives, économiques et sociales ou de laisser des libertés aux citoyens, sans craindre d’être toujours renversé. L’hérédité permettra à la nation d’être enfin gouvernée et non plus seulement gérée à court terme comme c’est le cas en république. De plus, le pouvoir étant à l’origine indépendant des forces d’argent, il peut gouverner sans, et même contre elles, et seul le roi héréditaire a pu châtier les Semblançay et les Fouquet que le régime actuel eût laissé courir. Enfin, l’hérédité assure la médiation active du peuple avec ses propres racines historiques : la nation, c’est la naissance, c’est-à-dire la reconnaissance d’une continuité historique.
Une Monarchie antiparlementaire
La tradition et l’hérédité étant posées, on pourrait être tenté d’y ajouter une institution parlementaire censée assurer la représentation populaire.
« A d’autres cette demi-royauté bourgeoise et parlementaire plus décrépite encore s’il le faut » s’écriait Maurras. Le parlementarisme, qui suppose l’existence de partis, est le contraire même de la monarchie qui est faite pour unir. D’ailleurs, le parlementarisme au niveau de l’Etat ne représente personne puisqu’il ne repose pas sur les réalités économiques, politiques et sociales mais sur le jeu formel des partis.
La Monarchie, au contraire, chercherait une représentation du pays réel par de multiples assemblées locales, culturelles et professionnelles souveraines en leur ordre et capables de défendre les intérêts de leurs membres. Nous n’en voulons en effet absolument pas au vote.
« L’ancienne France votait beaucoup, précise Maurras, cela est oublié. Cela reste vrai tout de même. On y votait pour quantité d’objets pour lesquels le Français moderne reçoit avec respect le choix et les volontés des bureaux ». Ce à quoi nous en voulons, c’est au système qui regroupe arbitrairement les individus en fonction de leurs opinions ou de leurs options métaphysiques dans le cadre de partis peu adaptés à la juste détermination de l’intérêt général. Et c’est pourquoi nous luttons pour la restauration d’une monarchie antiparlementaire où, les Français pourront, grâce à de multiples assemblées fédérées par un pouvoir indépendant, être représentés dans leurs intérêts tangibles et concrets, et ainsi passer du stade d’administrés abrutis et atomisés, à celui de citoyens responsables et actifs.
Une Monarchie décentralisée
Nous avons parlé de représentation d’intérêts locaux ; en effet antiparlementarisme et décentralisation sont deux caractères indissolublement liés. Nous sommes antiparlementaires parce que partisans d’une renaissance des collectivités locales. Cette volonté de promouvoir les richesses et les diversités de notre pays de façon intégrale est une composante essentielle de notre nationalisme. Nous voulons laisser s’organiser le pays réel en multitude de républiques locales, autonomes et souveraines, compénétrées les unes les autres et capables de prendre en main leur avenir. Mais ces communautés ne peuvent rester liées entre elles sans un tiers-pouvoir. Comme l’expliquait Pierre-André Taguieff, « il doit y avoir un troisième membre qui doit être “hors jeu” en quelque sorte. C’est la monarchie comme pouvoir transcendant, d’où la nécessité que le roi ne soit pas élu ou choisi, mais qu’il vienne d’ailleurs, qu’il soit inconditionnel ».
Voici posées les grandes lignes de la monarchie que nous voulons, c’est-à-dire la monarchie française adaptée à notre temps.
N’oublions pas cependant que « l’objet vrai de l’Action française, ce n’est pas, à bien dire, la monarchie, ni la royauté, mais l’établissement de cette monarchie, l’acte d’instituer cette royauté ». Seul notre engagement militant prouvera la possibilité d’une telle restauration, et même son imminence si elle est servie par des citoyens actifs, prêts à mourir avec joie, avec bonheur, pour notre Sire le roi de France. n
* Le Quadrilatère maurrassien vu par Stéphane Blanchonnet.
Merci à Philippe Lallement qui nous a transmis ce texte.
Il y a beaucoup de choses intéressantes et justes dans l’exposé du quadrilatère maurassien par Monsieur Blanchonnet. Toutefois, je suis dubitatif sur la justesse du côté antiparlementaire de la conception maurassienne de la monarchie. On peut certes critiquer les partis politiques, en raison notamment des divisions passionnelles et parfois mortifères qu’ils engendrent dans la nation par leur sectarisme les uns envers les autres et leur représentativité partielle et partiale du peuple en le segmentant de façon excessive et arbitraire.
Ce défaut pourrait peut-être se corriger mais qui connaît la recette tout en respectant la démocratie ? Ce défaut ne découle-t-il pas de la nature humaine et de ses contradictions entre le désir d’union sur l’essentiel et le besoin de se distinguer d’autrui par rejet de l’esprit de masse ?
Il me semble sage de conserver le parlementarisme, faute de trouver un meilleur système et les solutions proposés par Charles Maurras semblent très idéalisées, pour ne pas dire irréalistes et sans exemple dans le monde démocratique occidental.
Cependant, il faut souligner que la personne du Roi est d’une importance fondamentale pour atténuer autant que faire se peut les excès divisionnistes (pardon pour ce néologisme au sens figuré) du parlementarisme. Le Roi reste en effet le point d’ancrage de la nation. Il assure son unité quoi qu’il arrive et de façon pérenne. Il tire sa force non pas en gouvernant au jour le jour comme le fait un chef de gouvernement, premier ministre ou autre, responsable devant le parlement, mais de sa forte présence et de son silence éloquent, si l’on veut bien pardonner ce paradoxe.
Je voudrais prendre l’exemple récent du referendum au Royaume Uni sur le Brexit. A en croire la presse, ici et outre-manche, les différents acteurs pro en anti brexit ont espéré jusqu’à la dernière minute que la Reine prendrait parti pour ou contre le brexit. Je ne ferais par l’injure à la Reine de supposer qu’elle n’avait pas son opinion sur la question. Cependant, elle s’est tue et est restée totalement en retrait. David Cameron aurait espéré que la Reine dise ne serait-ce qu’à demi-mot son sentiment (qu’il espérait sans doute anti-brexit). Il n’a rien obtenu. Quelques jours après le résultat du referendum, lors d’une apparition publique, la Reine a simplement déclaré : « Je suis toujours là ». N’est-ce pas admirable de sagesse royale ? La Reine a eu la force de caractère de s’abstenir de prendre parti sur une question grave qui divisait profondément le pays mais qui ne mettait pas en cause sa souveraineté (encore que …) ou son existence en tant que nation indépendante (encore que …). En tous cas, personne au Royaume Uni ne semble lui avoir fait grief d’être restée silencieuse sur la question du brexit.
Il ne m’appartient pas de faire des leçons à quiconque en France sur des évènements passés mais si l’on se souvient que successivement le Roi Charles X et le Roi Louis-Philippe ont été contraints de quitter précipitamment leur trône à propos d’évènements politiques contingents ne mettant nullement en cause la survie de la nation et sur lesquels ils ont eu le tort d’avoir pris parti au lieu de se mettre en retrait face à des opinions politiques et parlementaires aussi passionnées qu’éphémères, il existe un enseignement d’expérience historique à retenir, si nous voulons réellement le retour d’un pouvoir royal en France.