Le projet fou de méga complexe porté par Auchan mêle équipements commerciaux, de loisirs et culturels. Implanté à Gonesse dans le Nord de Paris, son ouverture est envisagée en 2024. – Crédits photo : EuropaCity
Par Natacha Polony
Dans cette chronique sans concessions, Natacha Polony expose et dénonce le projet de construction en Île-de-France d’un complexe gigantesque de loisir et de commerce, véritable temple à la gloire du consumérisme, qui parachève le bétonnage de la région [Figarovox – 16.09]. Sa critique ne porte pas simplement sur ce projet en tant que tel – ce qui aurait déjà son importance – mais, bien plus essentiellement, sur le cadre, les méthodes, l’idéologie, la visée à long terme dans lequel il s’inscrit : « venir à bout des résidus des temps anciens »; poursuivre le passage au monde orwellien en cours de construction voire d’achèvement. Cette critique est nôtre, et, même si, selon nous, ce n’est pas toujours le cas, Natacha Polony, en l’espèce, a mille fois raison. LFAR
Connaissez-vous EuropaCity ? Non ? C’est normal. Les élus et les promoteurs tremblent à l’idée que ce projet d’un gigantesque complexe de loisirs et de commerce au nord-est de Paris ne devienne un « nouveau Notre-Dame-des-Landes ». Alors que font-ils? Ils font vivre la démocratie locale pour éviter les procès en illégitimité futurs ? Non. Ils avancent en silence. Ils imposent le projet en espérant atteindre sans heurts le point de non-retour, le moment où l’on se dit qu’après tout, puisque les bulldozers sont déjà là… Cette semaine a été présenté le compte rendu du débat public tenu depuis mars 2015. Enfin, public… le moins possible. Mais il fallait bien concéder cela à quelques associations. Résultat : un modèle d’équilibrisme qui va permettre au projet de se poursuivre après « quelques amendements ». Et ce constat sublime : « Le projet EuropaCity porte une vision de l’évolution de la société qui n’a pas fait l’unanimité. »
Résumons donc. La richesse maraîchère de l’Ile-de-France n’est plus depuis longtemps qu’un folklore d’ouvrages culinaires. Qui se souvient encore des asperges d’Argenteuil ? Pourtant, les terres entourant Paris étaient les plus fertiles. Vergers, maraîchage… Il y avait là de quoi nourrir l’innombrable plèbe urbaine. Mais il n’en reste presque plus rien. Peu à peu, les dernières fermes ont été vendues, les dernières terres agricoles recouvertes de goudron, de supermarchés et de parkings aménagés. Ah, si, il reste quelques champs du côté de Gonesse. Aussi de grands esprits ont-ils décidé de venir à bout de ces résidus des temps anciens.
Un génie, dans le groupe Auchan, a imaginé de bâtir là un complexe pharaonique. Hôtels, restaurants, cinémas, centres commerciaux… Allez, soyons fous, on vous met aussi une piste de ski – pardon, un « snowpark » pour « freestylers ». Et puis, est-ce pur cynisme ou bien faut-il y voir le stade ultime de la stupidité progressiste et de son art de transformer le vrai en faux, on ajoutera même une « ferme pédagogique ». On présente le projet à Jean-Paul Huchon, alors président de la région Ile-de-France, qui trouve ça formidable. Manuel Valls, Nicolas Sarkozy, tout le monde est emballé. Les maires aussi. Il faut dire qu’Immochan, la filiale immobilière du groupe Auchan, sait trouver les arguments : 30 millions de visiteurs par an, dont 6 millions de touristes, 12 000 emplois créés. Le nirvana de l’élu local. Avec l’argumentaire directement issu du cerveau de marketeurs drogués à la boursouflure langagière : une «expérience à 360°» avec « show-émotion », « sun-émotion », « Xtrm-émotion » (traduction pour les ploucs et les plus de 25 ans : « émotion extrême »). Bien entendu, le projet est « écoresponsable ». D’ailleurs, le groupe invite les Franciliens à le « coconstruire ». Comme le précise le sociologue payé pour l’occasion, EuropaCity « anticipe des formes possibles de rupture dans nos modes de vivre » (sic). Bienvenue dans le cauchemar orwellien.
Toute personne à peu près saine d’esprit serait saisie d’un doute. On prétend donc que 30 millions de personnes, 6 millions de touristes par an, se transformeront en ces « déambulateurs approbatifs » que moquait Philippe Muray, et viendront dépenser l’argent qu’ils n’ont pas (pour ce qui est des Français) et se pâmer devant ce qu’ils auront pu voir à Dubaï ou n’importe où ailleurs. Quintessence du consumérisme festif, Disneyland sans le prétexte de la souris à grandes oreilles. Les zombies contemporains s’ennuient, ils ont besoin de distraction.
Il a fallu attendre la toute fin du débat public pour que soit produite une étude contradictoire mesurant le nombre d’emplois détruits dans l’ensemble des centres commerciaux existant déjà alentours. Résultat : de 12 000, on passe à 1 200 emplois créés. Au mieux. Peu importe. La région Ile-de-France, désormais présidée par Valérie Pécresse, a rendu en juillet un avis favorable au projet EuropaCity. Pardon, un « feu vert conditionnel ». Traduction : on a compris que tout cela est une aberration environnementale, une promesse de saturation des axes routiers (pas grave, on bétonnera encore pour élargir les routes) et un mensonge pur et simple en matière économique, on a compris mais on le fera quand même. Parce que c’est moderne. Parce qu’on est « tourné vers l’avenir ».
Une fois que tous les élus auront validé dans l’indifférence médiatique, on sera tout étonné que des citoyens contestent leur décision. Remettre en cause la démocratie représentative et ses merveilleux rouages ? Quel populisme ! La révolte des derniers humains qui refusent le destin de zombies consuméristes infantilisés leur semblera violente. Elle n’est pourtant qu’une trace de vie. •
Ce projet d’un gigantesque complexe de loisirs et de commerce
Je suis entièrement d’accord.
Il est de plus en plus évident que les sociétés libérales et démocratiques ont besoin d’un peuple de consommateurs hébétés voués au divertissement. L’invocation de la création d’emplois est devenue d’autre part la justification de tout et n’importe quoi. Si on annonçait demain la création d’une entreprise de fabrication d’instruments de torture ou l’ouverture d’un camp de concentration qui » créeraient plusieurs centaines d’emplois » on verrait sans doute les élus s’en féliciter avec des mines gourmandes. On se demande parfois ce qu’il y a encore vraiment à défendre de ce monde moderne.
Grand merci Natacha, très bonne analyse et ce n’est pas la première sur notre dérive mondiale. Le système , cette idéologie qui pousse à la mondialisation imposée, conduit nos gouvernants , nos élus de France, à la surenchère. Cette manière de faire , d’être, de gérer , conduit à l’esclavage des petits Français, c’est un système prédateur qui gaspille. Cette oligarchie mensongère trompeuse que nous pensons libérale défend uniquement sa classe de privilégiés. Ce grand ensemble, tout comme notre dame des Landes , ne seront pas des instruments de ruissellement des richesses, mais bien le contraire, ils portent l’idéologie de l’esclavage, et de la société de caste. Cette démarche de la fausse libre concurrence , que nul d’entre nous ne veut voir, précarise l’emploi, l’éducation, la formation. C’est un refus de modernisation du pays, dans lequel nous vivons et ou nous espérons que nos enfants pourront encore mieux vivre.
Postmortem je remercie mon père d’avoir été un dévoreur de bouquin de science fiction. Ado je lui piquais ses lectures. Tout ce qui est aujourd’hui de néfaste était dans ces livres écrits dans les années soixante. Sans aucune faille ! Le portable qui abrutit nos semblables ( bouquin écrit en 1958), les migrations incontrôlées, la standardisation de nos modes de vie ,bolo,ou pôle emploi, télé pernicieuse qui façonne et qui gomme nos individualités, même loisirs et à la même époque (aller chercher son adémone au cagnar et se faire arnaquer) la mal bouffe et ses terribles conséquences qui enrichissent les faiseurs de médicaments bien souvent inutiles etc… Mais je me souviens de l’un d’entre eux écrit par un auteur italien. Il avait pour titre : H sur Milan. Ce livre m’a tant marqué, je devais avoir alors 16 ans, que son horreur me bouleverse encore et j’ai 69 balais!
J’ai peur non de mourrir mais parce que je suis grand père.
J’aurais au moins été prévenu par mon père.
D.P.
Merci à Jean de Maistre, Le Cosquer, Pradier, pour la qualité de ces commentaires. Ils enrichissent notre blog !,
Bonjour à tous ! Madame Polony a une merveilleuse conclusion « remettre en cause la démocratie représentative quel populisme »
Et oui en démocratie on a pas le droit d’être contre la démocratie !Et pourtant ce sont toujours les mêmes qui reviennent !(Juppé ,Fillon , Sarkozy , )Ou encore Hollande Montebourg Mélanchon , .
La démocratie !Il existe un style Louis XIV Louis XV Louis XVI mais connaissez vous un style Pompidou de Gaulle Giscard Mitterand Chirac ?Non bien entendu .;Ces « merveilleux hommes d »Etat ne n’ont même pas été capable de laisser une borne digne d’admiration !Où sont les jardins de la Fontaine à Nimes, , Versailles , les châteaux de Chenonceau , la place Stanlislas à Nancy ? Le centre historique de Montpellier ? La ville de Lyon patrimoine de l’humanité ?
Tout est dit .