par Louis-Joseph Delanglade
Reprenant les propositions des ministres de la Défense allemand et français, M. Juncker, président de la Commission européenne, vient de souhaiter une Défense commune de l’Europe (état-major et ressources militaires communs, fonds d’investissement dans la recherche militaire). Ce nouveau projet de Défense européenne n’est pas sans rappeler la chimérique C.E.D. (Communauté Européenne de Défense), sorte de pilier européen de l’OTAN aux ordres des Etats-Unis, qui a fait long feu dans les années cinquante. Gageons que l’absence d’un pouvoir politique européen, donc d’une politique étrangère commune, devrait être fatale à ce nouvel « espoir ».
Quelques jours avant, lors de la récente Université d’été de la Défense, M. Valls s’est montré plus réaliste en affirmant que l’augmentation du budget de la Défense nationale de 1,7 à 2% du PIB, au plus tard en 2025 (selon les recommandations de l’OTAN) constitue un objectif souhaitable et atteignable. On ajoutera qu’il est vital, la Défense nationale étant garante de l’existence même de la nation. Le pouvoir politique, même de gauche, a ainsi fini par admettre que le sous-armement programmé depuis des lustres confine au désarmement, donnant raison au général de Villiers, chef d’état-major des armées pour qui nos forces sont surmenées et usées et leurs moyens matériels insuffisants. On ne peut donc que se féliciter du consensus que révèlent les propos de Mme Adam, présidente socialiste de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale, et de son homologue au Sénat, l’ancien premier ministre M. Raffarin.
Cependant, il conviendrait de ne plus opposer, pour choisir, force nucléaire et forces conventionnelles, et d’investir d’urgence dans les moyens de la guerre asymétrique qui nous menace jusque sur notre territoire. Par ailleurs, pourquoi ne pas être plus exigeant, plus ambitieux ? Pourquoi se caler sur le chiffre et le calendrier de l’OTAN ? Evidemment, un budget encore supérieur (2,5% ?) constituerait un très gros effort financier mais, outre qu’elle fait la guerre (c’est quand même M. Valls, Premier ministre, qui ne cesse de le répéter), la France pourrait y (re)trouver son compte dans d’autres domaines.
D’abord, et de façon à peu près certaine, dans le nerf de la guerre lui-même, c’est-à-dire l’argent. Un investissement « militaire » est un investissement souvent productif et rentable car susceptible de retombées industrielles civiles (ce fut le cas dans le domaine nucléaire) et de bénéfices commerciaux très importants (grâce à la vente d’armes sophistiquées). Ensuite, mais ici le conditionnel reste de mise, dans le domaine politique. Nul doute qu’existe un lien entre le recentrage stratégique des Etats-Unis sur la zone Pacifique et les propos de M. Juncker évoqués ci-dessus. Dès lors que l’Union elle-même n’est pas « crédible », la France a l’occasion, en privilégiant son budget Défense, de jouer sa propre carte et de se réaffirmer comme la grande puissance militaire continentale. Le bénéfice serait double au plan européen : rétablir l’équilibre avec une Allemagne forte d’abord de son économie; se montrer plus européenne qu’en s’engageant dans un vain processus de défense intégrée et cornaquée par une OTAN inféodée à Washington.
De l’armement comme facteur de prospérité et d’indépendance nationale, mais aussi comme brevet d’européanité… voilà qui ne plaira pas à tout le monde, mais qu’importe. •
LJD se risque donc à une prévision. C’est que les actuelles velléités « européennes » de Défense commune feront long feu comme jadis la CED. C’est le privilège de ceux dont les analyses se font sous le regard de l’Histoire que de prévoir ainsi avec une assez forte probabilité d’exactitude.
D’autant que – au temps de la menace soviétique – la CED avait une apparence de justification assez évidente. Elle fut tuée dans l’œuf par les nationalismes persistants – et résistants – dont au premier chef le nôtre. La prévision de LJD n’a donc, me semble-t-il, que très peu de chances d’être démentie.
D’autant qu’en matière de Défense européenne, il n’est, en réalité, que deux acteurs véritables : la France et le Royaume-Uni lequel, justement, vient de quitter l’UE…
Ainsi, non seulement, il n’y aura pas de défense européenne commune, mais, désormais, la France et l’Allemagne se disputeront l’alliance anglaise, se jalouseront pour elle en secret, et se suspecteront d’être en passe de la réaliser.
Qui a écrit récemment que nous en revenons au bon vieux – et à vrai dire éternel – « concert des nations » ? C’est l’évidence. Et c’est pourquoi LJD a bien raison de titrer « Oser la Défense ».
Merci LJD de nous offrir l’opportunité de nous arrêter sur cette fonction régalienne essentielle. Les piètres gesticulations de monsieur Le Driant ne trompent personne d’un peu attentif à des évènements fondamentaux de la scène européenne.
Au sommet de Bratislava, hier, l’Italien Matteo Renzi vient de se révolter publiquement en disant aux autres qu’il ne savait plus quoi dire à son pays, et qu’il était saturé de ces parlotes parfaitement creuses (liens http://fr.euronews.com/2016/09/17/colere-de-matteo-renzi-contre-une-europe-trop-timide / http://www.lesechos.fr/monde/europe/0211303100239-ca-se-passe-en-europe-en-italie-la-colere-de-matteo-renzi-en-allemagne-merkel-sous-pression-2028338.php )
Et donc l’autre chapitre ancien et rodé, est de parler de défense européenne quand on n’a plus rien d’autre à dire …
Revenons sur terre, en Europe. Nous pourrions éventuellement croire à un tel projet quand mme Merkel aura demandé aux 41.000 troupes américaines aujourd’hui dans son pays, de bien vouloir rentrer chez eux. Alors que les renforcements américains en matériels blindés, et en aviation, n’ont cessé tout au long de l’année 2016, dans la ceinture autour de la Russie (la liste est publique). Avec le point d’orgue du sommet de l’OTAN à Varsovie les 8 et 9 Juillet dernier et un communiqué final d’inspiration US, particulièrement odieux aux oreilles des Européens en traitant la Russie en pariah. Les pays qui intoxiquent les media avec ce genre de projet se moquent de nous.
On ne souligne pas assez le degré de sophistication dans le mensonge auquel les grands garçons du Texas sont parvenus, et le premier d’entre eux, celui qui signe, prix Nobel de la paix neuf mois après son installation. Il nous a été donné de connaitre publiquement depuis quinze jours que le montant total des armements livrés à l’Arabie Séoudite en 2016, sera supérieur à la totalité vendue depuis le pacte Quincy en 1945 (!!), le détail ici http://www.ciponline.org/research/entry/u.s.-arms-transfers-to-saudi-arabia-and-the-war-in-yemen , et qu’il vient d’être signé avec solennité le plus gros contrat d’armement avec Israel, des Etats Unis avec un seul pays (du jamais vu). Les chiffres donnent le vertige, 3.8 BUSD annuel pendant les dix prochaines années. Braves garçons. Cela vaut bien un prix Nobel de la paix. Et surtout le baratin infâme d’un désengagement du Moyen Orient et du Levant. Renaud GIRARD vient de faire un papier de synthèse dans le Fig sur l’hiver de la diplomatie française ; tout y est, une honte.
P.S. : n’exagérons pas les accords de Lancaster avec les Britanniques ; il s’agit surtout de vendre à Londres des heures de calculs du CEA au profit de la maintenance de leur armement nucléaire ; le CEA compte aujourd’hui les ordinateurs les plus puissants du monde (simulation de nos propres armes) mais sous utilisés. Rien de plus.