Saïgon à l’époque française
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Peroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam, et il travaille maintenant à Casablanca pour le 360, l’un des principaux titres de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
SAIGON 1950 CONSIDERE DEPUIS CASABLANCA
Un lecteur fidèle, et qui connaît mes goûts, m’envoie de la documentation sur l’expo du Havre consacrée à Roger Chapelet (1903-1995), ce peintre de marine voyageur qui retranscrit le monde vu du large, de Gibraltar aux glaces nordiques, du Maroc à Saïgon. Saïgon 1950, avec ses gros bateaux blancs et ses frêles jonques noires, sur le Mékong, au bas même de la capitale de Cochinchine. 1950, c’était le début de la fin, avec encore des raisons d’espérer de pouvoir garder un pied français dans ce qui fut l’un de nos paradis coloniaux, avec ces femmes indigènes à la grâce si légère et qui aimèrent tant nos soldats, nos colons et nos fonctionnaires en tenue de toile claire…
Ce Chapelet, au nom sans doute un tantinet ridicule à notre époque moqueuse à l’endroit de ce qui évoque notre religion, est un peu le pendant pictural des Brauquier ou Dekobra des années Art déco.
Pour ma part, je ne vis vraiment Saïgon que vers 2000, moment bête et frustrant où l’ancien empire de Bao-Daï réussissait à marier la stérilité communiste à la vulgarité libre-échangiste, où « Vietnam » était le nouveau nom des trois « Ky » : la colonie de Cochinchine et le protectorat d’Annam et Tonkin; où Saïgon était affublée du nom d’un fauteur de guerre, Ho-Chi-Minh, nom que l’usage populaire refuse toujours, paraît-il, à l’heure où j’écris ces lignes* et où Saïgon recevait le ministre français de la Francophonie, Catherine Tasca (une fille de vichyste, venue par expiation au socialisme mitterrandien et qui avait honte de sa fonction, connotée « colonialiste »…), pour amadouer la France et sa force industrielle car, à la langue de de Gaulle elle préférait depuis un bail déjà le baragouin des Amerlocks …
Eh bien, un demi-siècle après son passage à Saïgon, Chapelet n’y aurait pas été dépaysé : mêmes longs bateaux blancs, mêmes lestes jonques, même va-et-vient d’embarcations donnant le tournis sur ce large morceau de fleuve qui tient lieu de port à la ville cochinchinoise. Je ne sais plus quel vice-ministre ou conseiller diplomatique m’invite comme envoyé du Monde à dîner sur un énorme restaurant flottant : cuisine chinoise, service à la russe et, afin de me « faire plaisir » le directeur de l’établissement vient en personne me dire : « Maintenant un peu de musique française… » Et éclate alors, dans la tiède nuit saïgonaise où j’espérais oublier un moment et la France déchirée actuelle et l’Indochine actuelle en train d’être avalée par l’ogre Marx, l’affreuse rengaine en français ou plutôt en francarabe, « Didi », du grimaçant chanteur algérien planqué en France (pléonasme) Khaled…
Bref, à Saïgon-Ho-Chi-Minh-Ville, je bus le calice jusqu’à la lie… •
* Texte écrit en deux temps
Heureusement que nous avons été vaincu à Dien-Bîen-Phû, car sinon, jamais il n’y aurait eu ce tsunami de conversion des bouddhistes au christianisme à commencer par les chefs communistes. Conversion qui ramène les cœurs vers la France éternelle. Dien-Bîen-Phû c’est la défaite de l’armée de la république, mais la victoire de la France éternelle.
Baudouin.
Bonjour Baudouin. Vous faites allusion à un phénomène parfaitement inconnu de moi. Peut-on en savoir plus sur ce «tsunami de conversion des bouddhistes au christianisme à commencer par les chefs communistes»? Merci par avance.
Merci de cette brève et pertinente évocation….. Si on ouvre le coeur de la France après sa mort ( prochaine ) on y lira « Saïgon »……
Bonjour. C’est précisément de Saigon où je me trouve que je vous lis et vous écris. Y venant régulièrement depuis 2000 je constate à chaque fois que le Saigon que nous aimions au parfum de la France d’avant disparaît chaque jour un peu plus sous la pression immobilière de l’argent dont beaucoup de la corruption et du rouleau compresseur -et oui ici aussi – des moeurs de la mondialisation débridée ! Reste les Vietnamiens du sud, leur frénésie et les scènes de rue veritables spectacles permanents. Mais si on fouille bien le passé resurgit parfois de manière inattendue…
Oui Patrik111. La presse est muette car cela voudrait dire que les colonialismes aurait eu raison d’essayer de bloquer le passage aux communistes, mais un jour elle capitulera. Mes renseignements viennes des réseaux catholiques et de personnes qui vont voir leurs familles.
Baudouin
Baudouin, merci de votre réponse. Mais, sans vouloir être indiscret, je reste quand même sur ma faim. Des informations ont-elles été publiées, qu’on puisse consulter? Merci par avance.
Il faut vraiment respirer un grand coup avant d’avaler un morceau pareil !
Dien Bien Phu fut 2.293 tués du côté français (métro et coloniaux), 11.000 prisonniers dont 70 % moururent dans une marche de 700 Kms en travers la jungle, puis dans les camps. Plus tard Pierre Mendès France demanda à des autorités vietnamiennes «pourquoi avez-vous fait ça ?». Mais qu’étaient-ils capables d’entendre ? Dien Bien Phu n’était nullement une cuvette mais une vaste plaine parsemée de quelques promontoires et entourée de montagnes. Sans route normalement carrossable pour l’atteindre facilement (donc y apporter ne serait ce que le ciment pour construire en dur), et à une distance hors d’atteinte de notre aviation de bombardement. La responsabilité du Gal Navarre a été totale, et la mésentente avec son adjoint Cogny, publique et dramatique. Tout le renseignement français observait impuissant l’installation d’artillerie lourde autour du camp, sans qu’aucune conclusion ne fut tirée.
Une étude qui n’est jamais faite mais qui a son importance historique, la révolution agraire lancée par Ho Cho Min immédiatement après le départ des Français du Nord, sur le modèle de la révolution chinoise, et dont le coût humain estimé fut de 90.000 assassinés. Propriétaires terriens et tout possédant qui ne rentraient pas dans les normes du communisme.
Vous voulez l’adresse de la tombe de Boudarel ?
Bonjour Patrick
Vous resterez toujours sur votre faim parce que mes renseignements sont oraux et donnés par des vieux vietnamiens qui ont encore de la famille là-bas et qui par conséquent prennent le pouls du pays. Mais les médias n’en diront jamais rien, sauf quand cela sera devenu une évidence pour tous. Je peux vous dire qu’à la chute du communisme les musulmans de Bulgarie (tous anciens chrétiens) ayant été impressionnés par la résistance des catholiques ont voulu se convertir en masse. C’est alors qu’est arrivé cette étrange affaire de la bulgarisation forcée de leurs prénoms. Beaucoup ont fuit en Turquie et les autres sont restés musulmans. Personne n’en a parlé et je l’ai su par le beau-frère d’un consul de France à Sofia. Mais un jour on saura.
Bonjour Jean-Louis Faure.
Je me range entièrement à votre avis, mais ce n’est pas contre les héros de Diên-Biên-Phu que j’ai parlé mais contre la présence de la République française en Indochine, et non la présence de la France, qui maintenant revient dans les cœurs.
Pour ce qui est de la bataille, elle a été perdue en France par la République socialo-communiste et au Tonkin par Cogny, de sinistre mémoire, qui fut l’instigateur de l’attentat du bazooka contre Salan et qui est mort dans un «accident» d’avion, sans doute pour lui faire passer l’envie d’écrire ses mémoires. Je ne parle pas des américains dont les défenseurs attendaient l’intervention aérienne et qui ont décollé leurs avions quelques instant avant la capitulation du camp retranché, pour les faire ré-atterrir immédiatement après la signature. Tous voulaient la perte de la bataille.
Je ne résiste pas à vous donner ce témoignage d’un ancien d’Indochine dont le goum avait été envoyé avant la bataille pour faire des travaux de retranchement. Pendant qu’ils étaient à piocher dans une tranchée, passe un aréopage de hauts gradés, dont le général Navarre commandant en chef en Indochine qui serre la main à mon gaillard et lui demande comment il avait fait la toiture des abris. Il répondit qu’ils avaient mis des arbres de 25 à 30 cm de diamètre et un mètre de terre par dessus. Navarre lui répondit qu’il faudrait doubler car ce qui leur tombera dessus ce sera du 105 mm. Tout le monde est resté perplexe. Finalement son goum a été relevé et ils n’ont pas participé à la bataille. Le commandement français savait donc que les viets avaient une artillerie formidable.
Cordialement. Baudouin.
L’accident d’avion dans lequel le Gal Cogny a péri a fait 90 morts. Que signifie votre suspicion ? Vous écrivez des romans pour les quais de gare ou vous faites de l’Histoire ? En outre que des activistes aient pensé à lui après avoir assassiné Salan, dans le bazar des événements en Algérie ne dit rien de plus … Pour en rester à Dien Bien Phu, ce désastre a été suffisamment cruellement ressenti pour qu’une commission d’enquête soit activée, dont les conclusions furent tenues secrètes. Dans un premier temps … La responsabilité de Navarre est entière et unique. Avoir décidé d’interdire aux troupes de Giap l’accès au Laos, en s’installant dans une plaine impossible à supporter (pour le coup ce fut l’idée initiale de Cogny qui a vainement tenté de faire machine arrière ultérieurement), relevait d’une méconnaissance totale du terrain. Quant à n’avoir tenu aucun compte du Renseignement sur l’installation du vietminh ceinturant nos positions, c’était hautement criminel.
Salut Jean-Louis Faure. Je vais vous raconter une histoire qui n’est pas un roman de gare.
Mon grand père commandait un RAC (régiment d’artillerie de campagne) en 1914-15. Il avait mis au point une méthode adaptée à ses canons et en avait fait monter le rapport à sa hiérarchie, laquelle lui a dit de l’essayer lors de l’offensive de septembre 1915 en Champagne. En face il y avait l’imprenable tranchée des Satyres. Les Satyres furent pulvérisés et les fantassins passèrent quasiment l’arme à la bretelle pour atteindre l’objectif qui était la ferme Navarin. (C’est la seule fois en 4 ans où le front a été percé.) Ils firent 23 000 prisonniers et regagnèrent leur tranchées avec précipitation sous la canonnade des canons français de l’arrière. Blaise Sandrar témoigne de cela dans « La main coupée ». Quant à mon grand père on lui dit le lendemain qu’il était muté à Salonique. Puis on se ravisa mais on lui enleva petit à petit tous ses commandements, si bien que pendant la bataille de Verdun il zonait d’une batterie à l’autre pour aider au réglage. C’est pendant un de ces réglages qu’il fut blessé à un tibia ainsi qu’un adjudant, qui lui eu les deux jambes coupées, par un obus, toujours français. Soignés sur place ils furent transportés à l’arrière par une ambulance pour être opérés. L’ambulance fut détournée sur un chemin de traverse et n’arriva que deux heures plus tard, avec mon grand père mort, les pansements arrachés.
Vous comprenez que quand je vous parle de l’accident d’avion de Cogny, comme celui de Barouin et bien d’autres, (un livre qui a mystérieusement disparu en avait fait l’énumération depuis la Libération) j’ai le sourire aux lèvres. Cogny avait trop de choses à dire qu’il ne dira jamais !
Cordialement
Baudouin