Crèche de Noël, installée dans la mairie des XIIIe et XIVe arrondissements de Marseille en décembre 2014
Rares sont ceux, probablement, qui n’abordent pas avec une certaine perplexité la querelle entourant la place accordée ou non à la crèche dans les bâtiments publics. Non pas qu’elle soit sans intérêt : au contraire, cette querelle pose la question du rapport de la nation française avec le catholicisme, qui l’a marqué d’une profonde empreinte, et qui est encore agissant en elle, malgré la sacralisation de la laïcité républicaine. N’est-il pas légitime que l’identité historique d’une nation s’inscrive de différentes manières au cœur de ses institutions ? En fait, on se demande comment on peut voir dans la présence publique de ce symbole un scandale, à une époque où le catholicisme n’a plus rien de conquérant et semble surtout demander qu’on reconnaisse sa valeur patrimoniale. Faut-il vraiment s’offusquer de cette trace visible de la religion du pays dans ses institutions ? La crèche compromet-elle sérieusement la laïcité ? Qui s’imagine vraiment que le catholicisme français témoignerait ici d’un fantasme de la restauration ?
Mais on le sait, la querelle de la crèche s’inscrit dans un contexte politique fort agité. En un mot, la France est aujourd’hui fragilisée comme jamais. L’immigration massive des dernières décennies a engendré une mutation identitaire majeure que seuls les gardiens de la révolution diversitaire diront heureuse. Spontanément, le pays, de mille manières, veut rappeler aux immigrés qu’ils ne rejoignent pas une page blanche non plus qu’un no man’s land administratif. Il veut réaffirmer son identité trop longtemps occultée. La France n’est pas qu’une république laïque désirant incarner de manière exemplaire des principes universels. C’est aussi un vieux pays aux profondes racines chrétiennes. Si toutes les convictions sont égales devant la loi, toutes les traditions religieuses ne sont pas égales devant la mémoire. Il s’agit dès lors de rendre visible la marque chrétienne de l’identité française, pour rappeler aux immigrés dans quel monde ils arrivent et quel univers symbolique ils doivent accepter et intérioriser.
Mais il faut probablement aller au-delà de ce désir de conserver la particularité historique du pays pour comprendre ce qui pousse plusieurs à se tourner vers la crèche, et peut-être inconsciemment, par-là, vers la croix. La seule référence à la république, aussi essentielle soit-elle, ne suffit manifestement plus à définir ce que les Français cherchent à sauver et à défendre. Et dès lors, s’ils cherchent à se définir autrement, ou du moins, s’ils cherchent une définition plus complète d’eux-mêmes, ils se tournent spontanément vers ce qui semble être leur plus ancienne tradition. Ou du moins, ils semblent croire que les références chrétiennes permettent de toucher la part la plus intime du pays ou ce qu’on aurait appelé autrefois ses origines. La crèche devient donc un symbole politique censé permettre à la nation de se connecter avec ses profondeurs intimes et de réactiver les strates les plus profondes de l’identité nationale. Il s’agit de se mobiliser en rappelant ce qu’on pourrait appeler la part sacrée de la patrie, enfouie sous la modernité.
On aurait tort, toutefois, d’y voir un désir plus ou moins refoulé de confessionnalisation de la vie politique. D’ailleurs, sauf dans les marges les plus lointaines de la vie politique, on ne trouvera personne entretenant cette aspiration. On doit plutôt voir dans cette mémoire catholique politiquement revendiquée une manière de ressaisir une identité plus charnelle, plus substantielle, ne se laissant pas dissoudre dans les seuls paramètres de la modernité contractualiste. Le catholicisme, aussi universaliste soit-il dans ses prétentions, devient alors le symbole de ce qui est spécifiquement français, ou plus largement, puisque ce phénomène est présent aussi dans d’autres pays, de ce qui est spécifiquement occidental dans l’identité française. À tout le moins, il se présente comme une tradition permettant à la France d’assurer sa continuité historique et d’assumer son histoire longue.
Ce catholicisme patrimonial, censé conduire aux strates profondes de l’identité nationale, n’est donc pas contradictoire, dans l’esprit public, avec la laïcité. On peut, à bon droit, et avec raison, distinguer le catholicisme comme religion culturelle et le catholicisme comme foi, et vouloir accorder ses droits au premier sans se plier aux convictions métaphysiques du second. Les croyants répondront que coupé de sa source, le premier est condamné à la sécheresse. Mais ce n’est pas à l’État à trancher dans cette querelle qui ne le concerne pas vraiment. On ne voit pas pourquoi on lui prêterait une compétence théologique et comment on pourrait empêcher un croyant de voir dans une crèche quelque chose de plus qu’un symbole patrimonial. Mais l’État, toutefois, exprime politiquement une nation historique aux sources identitaires nombreuses, et doit, dans une certaine mesure, s’alimenter à chacune d’entre elles, en sachant que d’une époque à une autre, toutes ne seront pas également sollicitées.
Dans un monde où ce qu’on nomme plus ou moins adéquatement le choc des civilisations prend surtout le visage de l’islam conquérant, on comprend que chaque peuple revienne sur ce qu’il croit être sa propre tradition religieuse. Le paradoxe du monde occidental, aujourd’hui, est d’y revenir sans trop y croire, tout en sachant que ses racines chrétiennes le connectent à une part de l’existence qu’il ne peut renier sans s’appauvrir mais qu’il ne sait plus trop comment symboliser. Une chose est certaine: le politique, quoi qu’on en pense, est lié à une certaine idée de l’homme, ainsi qu’à une certaine idée de sacré. Il s’inscrit, autrement dit, dans une civilisation qui donne une réponse particulière aux grandes questions qui traversent l’âme humaine. Il n’est pas surprenant que l’esprit public, aujourd’hui, refuse de voir une contradiction entre la laïcité et les racines chrétiennes: elles représentent deux visages d’une même civilisation. •
« La seule référence à la république, aussi essentielle soit-elle, ne suffit manifestement plus à définir ce que les Français cherchent à sauver et à défendre. »
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.
Cette chronique fort bien écrite me permet de rebondir sur un troublant ressenti de notre vie sociale et donc politique.
Premier point: On perçoit que le Français de souche et celui qui a fait l’effort de le devenir cherche un avenir au travers des mensonges médiatiques. Les primaires qui remplissent les débats de tous les médiats qui n’ont rien à nous dire en sont la preuve. L’analyse rapide nous montre que sauf M. Poisson, tous les autres prétendants au pouvoir suprême ont délaissé la menace islamique. Les uns se cachant derrière la loi 1905 qui a été uniquement écrite contre l’église catholique , les autres refusant de s’engager dans un combat prétendants que ce serait répondre à un piège tendu? Nous voici revenu au temps de la première guerre mondiale et de la seconde, et nous prétendons avoir le sens politique dans le monde. Et donc la loi de la laïcité va nous protéger des fous.
Deuxième point: Ces candidats de gauche comme de droite nous imposent le néo libéralisme, et donc par déduction du mot, nous devrions avoir plus de liberté individuelles et collectives. Alors pour qu’elles raisons nous perdons nos libertés acquises au fur et à mesure que nos politiques se désengagent de leur responsabilités jacobines. Ce n’est plus la loi d’état qui impose, c’est la loi des complexes privés qui dirigent nos vies. Ce n’est pas l’état qui impose un casque ou des gants certifiés , ce sont les fabricants internationaux, qui fournirons des produits chinois.
Troisième point: La langue française disparaît, oubliant jusqu’au plus haut de la gestion gouvernementale les racines latines, Avec la perte de sa langue, le français perd sa liberté établi pyramidalement. Alors oublié dans la masse d’émigré, il détourne son regard de la femme voilée et oublie que la crèche avec ses santons a été inventé pour répondre à la liberté de penser autrement. On nous impose une civilisation a deux têtes,, alors nous perdons la notre,
Commentaire précédent tres bien,,seul Mr poisson est bien,,,les autres ont connaît
Cordialement