Faut-il y voir un symptôme parmi d’autres de l’effondrement intellectuel et moral de notre société ? C’est par le biais de la bande dessinée qu’une experte en risques terroristes familière des chaînes d’information continue a choisi de raconter les événements du 13 novembre 2015 à Paris.
Si les victimes sont quasiment absentes de cette histoire, réduites à des visages flous et terrifiés, définitivement englouties dans l’anonymat de leur mort cruelle et prématurée, les tueurs, eux, apparaissent dans ces pages comme les protagonistes incontestés, pour ne pas dire les héros, d’une sorte de road movie sanglant.
L’on n’ignore plus grand-chose de leur vie, leurs centres d’intérêt, leurs objectifs, jusqu’au déchaînement de violence et de haine qui endeuilla la capitale. Eux ont des noms, des visages, beaux parfois, des objectifs, pour odieux qu’ils soient … Information ou fascination pour ces assassins décidés et méthodiques, aux antipodes de ceux et celles qu’ils massacrèrent ?
François Hollande et ses ministres sont les autres contestables vedettes de cette soirée tragique. En choisissant le noir et blanc, et un style très différent de celui dont il use dans ses albums habituels, Brahy a limité l’horreur de la réalité du bain de sang, se concentrant sur les traits figés et les regards hallucinés des terroristes.
L’album refermé, l’on a le sentiment de n’avoir rien appris que l’on ne sache déjà, mais une sorte de malaise vous point : faut-il ajouter à l’aura de romantisme mortifère dont une jeunesse déboussolée entoure déjà les égorgeurs de l’État islamique ? •
Anne Giudicelli et Luc Brahy, 13/11, Reconstitution d’un attentat, Delcourt, 125 p, 14,50 €.