En 2008, la France réintégrait le commandement militaire de l’Otan. François Fillon explique aujourd’hui que « l’idée était de rassurer nos alliés afin de faire avancer la défense européenne. Cela n’a pas fonctionné car nos partenaires n’ont pas bougé d’un iota… »
On reste abasourdi par tant de désinvolture et d’amateurisme qui ont conduit à cette faute politique que partagent également Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Hubert Védrine.
La préparation de la loi de finance 2017 ramène heureusement à plus d’intelligence et de professionnalisme grâce aux regards lucides du délégué général pour l’armement (DGA) et des chefs d’état-major. Ces derniers, soucieux, à juste raison, que la masse salariale ne mange pas les crédits d’équipement, ne courent pas après les effectifs : l’amiral Prasuck veut ainsi « privilégier une marine de compétences à une marine d’effectifs ».
Là où il fallait jadis cinq cents marins pour armer le Colbert, il n’en faut aujourd’hui plus que cent pour une frégate moderne aux capacités bien supérieures. Mais la marine a besoin des compétences rares. Six cents atomiciens sont nécessaires pour les douze réacteurs nucléaires des sous-marins et du porte-avions.
Le général Bosser, patron de l’armée de terre affiche lui aussi « une ambition assez faible en matière d’effectifs ». La moitié des 77 000 jeunes soldats de la force opérationnelle terrestre passent 5 mois par an en OPEX. Célibataires à 70%, ils acceptent bien cette surchauffe. En métropole, « Sentinelle » a été repensé : les troupes ne sont plus statiques aux ordres de la police mais dynamiques aux ordres de leurs chefs de corps. Le dispositif, plus efficace, passe ainsi de 10 000 à sept mille hommes.
Le projet de loi prévoit 33 milliards pour la Défense, soit 1,77% du PIB avec le voeu pieux de remonter ce pourcentage à 2% d’ici 2020. L’inflexion positive de la loi de programmation après trente ans de baisse et les succès à l’exportation de notre industrie d’armement suggèrent un optimisme que le DGA tempère : sur les 10 milliards d’équipements prévus en 2016 pour nos armées, le gouvernement en a gelé 2. Le report de charge en 2017 pourrait atteindre trois milliards, soit 30% du budget d’équipement subrepticement effacés !
Pourtant, au-delà de l’indispensable modernisation de la dissuasion nucléaire, les besoins ne manquent pas. Malgré des performances tactiques exceptionnelles en Afrique, les onze premiers Airbus militaires A 400 M sont paralysés par des pannes moteur.
On paie, vingt ans plus tard, le partage industriel de leur développement entre quatre nations européennes. Après cinq échecs successifs de coopération sur un drone européen « longue endurance », une nouvelle tentative est lancée en limitant cette fois le nombre des partenaires. En attendant, les drones Reaper achetés à Washington rendent bien service en Afrique. L’Europe de la défense ? Une aubaine pour l’industrie américaine !
Certains se sont émus du remplacement des vieux FAMAS par le fusil d’assaut allemand HK 416 ? C’est un excellent choix : une arme performante en acier « made in France », déjà adoptée avec enthousiasme par nos forces spéciales. En retour, l’Allemagne achète à la France des satellites espions pour un montant global bien plus élevé !
De son côté, la Marine modernise intelligemment sa flotte de surface et commande les nouveaux sous-marins Barracuda. Par contre, rien n’est dit du sort de ses 46 Rafale pendant les 2 ans de carénage du porte-avions. Ce bateau reste d’ailleurs la seule variable d’ajustement capacitaire du prochain gouvernement. •