Par Marc Rousset
« Ainsi périrent plusieurs civilisations du passé, lorsque leurs défenseurs naturels renoncèrent à la lutte et à l’effort. Ce ne fut jamais l’abaissement de l’intelligence qui causa la ruine des peuples, mais celui de leur caractère »
« La force de la Cité n’est pas dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses hommes »
Thucydide
Au début du XXI° siècle dans les sociétés occidentales, les héros sont une race en voie de disparition. Nous vivons l’époque du remplacement du militaire par l’humanitaire, du héros par la victime, de la conviction par la compassion, du courage par l’art de plaire, de la virilité par la féminité.
Le chroniqueur médiéval italien, Giovanni Villani, écrivait déjà : « L’Empire romain entra dans sa décadence quand, comme une ruine, le nom de César tomba sur la Cité » précisant encore : « La Cour impériale accueillait les hommes vils au lieu des forts, les flatteurs au lieu des hommes d’action, et le passage des gouvernements aux mains des plus mauvais entraîna peu à peu la ruine de l’Empire »
Si l’intérêt personnel individualiste est le seul fondement du pacte social, on ne voit pas ce qui interdirait à chacun d’en profiter au mieux de ses intérêts et de ses appétits, de se servir au lieu de servir. Cela d’autant plus que le discours de la société marchande, par le truchement de la publicité, fait à chacun l’obligation de jouir, plus exactement de n’exister que pour jouir.
La fin de l’exemple du courage et de l’héroïsme dans l’enseignement de l’histoire
L’homme européen ne peut vivre sans mythes et se contenter d’une forme de pensée technicienne, aride, froide, sèche. Les héros des anciens livres d’histoire représentaient des « surmoi » propres à éveiller le courage. Au moins jusqu’à 1963, ils formèrent en France des hommes d’une vaillance très supérieure à la mollesse de nos contemporains, nonobstant l ‘appât du gain. A partir de cette date, les réformes successives de l’enseignement de l’histoire ont chassé les figures chevaleresques. La Nation France est démâtée, emportée dans la dérive des continents par « l’histoire connectée » qui étudie les interactions et les interdépendances. On n’enseigne plus que la Révolution française, version les droits de l’homme oublieux du citoyen, et la Shoah ! Le patriotisme est devenu ringard ; l’histoire est remplacée par la morale. L’erreur est de tout démythifier dans un monde froid, aseptisé, hors-sol, pacifiste, technologique et numérique.
Les Français se souviennent de la façon dont la III° République tenta de façonner une conscience républicaine, laïque, égalitariste en droits. Elle le fit « en racontant des histoires » aux enfants du peuple. Le manuel, partout le même en France et dans les colonies, de l’école primaire présentait une trentaine d’images fortement « marquées » idéologiquement et accompagnées d’un court récit qui méritait pleinement le qualificatif de « mythique ». De « Nos ancêtres les Gaulois » au « regard fixé sur la ligne bleue des Vosges », en passant par Bouvines, le panache blanc d’Henri IV, la prise de la Bastille….tout concourait à présenter l’image idéale, quasi divine, de la Nation jacobine. Dans une école sans épopée, la disparition de Bayard appelle bien au contraire le triomphe des terroristes et des loubards.
La fin du dépassement de soi, d’un idéal et de l’esprit de sacrifice
La plupart des Occidentaux n’ont pas vraiment de conscience nationale : Peu importe ce qui se passe dans mon pays tant que ma vie personnelle n’est pas affectée.
« Toute collectivité sans cohésion sacrificielle, si efficace qu’en soit l’organisation, n’est qu’un agrégat sans volonté commune, anonyme et sans responsabilité »
L’Académicien et poète français Pierre Emmanuel (1916-1984)
L’homme ne peut accepter de donner sa vie que pour sa famille, une collectivité, une nation, une culture, une civilisation, une foi, une croyance, un idéal… On ne meurt pas pour des sociétés individualistes et matérialistes qui n’ont rien d’autre à offrir à leur jeunesse que le sexe et l’argent. L’histoire apprend que riches ou pas, puissants ou pas, orgueilleux ou pas, les nations, les empires et les civilisations disparaissent inévitablement sous les coups de bien moins puissants, bien moins armés, mais animés de la foi dans leur projet, fut-il- criminel. Avec un idéal et la foi chevillée au corps des hommes décidés peuvent déstabiliser et renverser un Etat, un Royaume, un Empire !
Courage et héroïsme : la véritable richesse d’un pays
Les jeunes de 20 ans qui offrent leur vie quand la République le leur demande, méritent reconnaissance, respect et considération, même s’ils ne font pas fortune! Ces jeunes constituent la plus précieuse des richesses de la Nation, car elle est faite d’humanité, d’idéal, de dépassement de soi, et surtout de chair et de sang !
Aucune machine ne pourra jamais faire le métier de soldat. Les hommes sont condamnés à rester l’instrument premier du combat. Mais en trouvera-t-on encore longtemps pour porter les armes ? Rien n’est moins sûr si la France continue d’ignorer l’histoire de ses héros. Une société « fabrique » des défenseurs en les honorant, en leur offrant une place et une reconnaissance particulière pour leurs mérites, leur utilité, leur esprit de sacrifice. Elle suscite alors des vocations de volontaires qui feront le choix du métier des armes malgré des contraintes exorbitantes. Le risque pour la France de ne plus en trouver parmi ses fils, si l’on songe à la fin de l’Empire romain, n’est pas nul.
Les sociétés hédonistes matérialistes et d’argent considèrent les soldats-héros comme des Idiots utiles
Une démocratie ne peut durer si elle devient un amas d’individus égoïstes qui souhaite être défendu par un corps militaire digne et loyal, dont l’efficience et la fidélité reposent sur le sens du devoir et du sacrifice. On exploiterait alors les nobles sentiments et l’impécuniosité des militaires pour préserver le confort d’une masse de riches égoïstes sans idéal. Sans un minimum d’élévation morale partagée, tout héros mort pour la patrie ressemblerait à un idiot qui se serait fait escroquer. Nos démocraties européennes décadentes actuelles, c’est à peu près cela !
Qui dit héros, dit gloire et modèle à imiter, dit multiplicateur d’énergies, dit capacité à se battre, à vaincre la peur, à s’imposer. En rendant un culte au héros, on favorise la cohésion et les chances de survie de la cité .
Qui dit victime, dit mise en cause, culpabilité et judiciarisation à outrance, dit aussi atrophie des énergies, des volontés et des intelligences, dit enfin méfiance et incapacité à se battre. Endosser le statut de victime pour des soldats morts en opérations, c’est prendre le risque à terme, de ne plus trouver quiconque pour exercer correctement ce métier.
Le service de la cité dans sa forme la plus exigeante qui est celle du métier des armes, mérite, non pas une émotion compassionnelle, ostentatoire et fugitive, mais une véritable, sincère, durable et profonde reconnaissance empreinte de dignité et de respect. Autrement dit, doivent accéder au statut de héros, ceux qui, bravant la mort, ont fait honneur à leur pays.
Selon Henri Hude, directeur du cours d’éthique à Saint-Cyr : « Sans un minimum d’élévation morale partagée, tout héros mort pour la Patrie ressemble à un idiot qui se serait fait escroquer ». L’esprit héroïque holiste de sacrifice du citoyen au service de l’hédonisme individualiste du consommateur relève de la quadrature du cercle et n’a donc aucune chance de perdurer à terme. •
Ancien Directeur Général, Economiste, Géopoliticien, Ecrivain, Prix de l’Académie des Sciences Morales et Politiques
Auteur de « Adieu l’argent-roi ! Place aux héros européens ! Critique de la Civilisation de l’argent et Apologie de l’héroïsme « 500 pages – Editions Godefroy de Bouillon-2016.
Merci pour ce bel article dont j’ai fait usage ici :
Pleurons sans entrave … avant Noël … [MAJ 24/12 – 11 h 15 ]
http://cril17.org/
Joyeux et saint Noël à tous vos lecteurs