Par Robert Redeker
TRIBUNE – Les tweets de l’Élysée rendant compte des vœux du président, le 31 décembre, ont été émaillés de fautes de français grossières. Robert Redeker pointe ici [Figarovox – 4.01] cette stupéfiante désinvolture. C’est celle d’un Système déliquescent auquel aucune indulgence n’est due. LFAR
Anecdotique en apparence, la multitude de fautes d’orthographe constatées dans les tweets présidentiels à l’occasion du passage à l’an 2017 ne sont pas des accidents. Ils s’inscrivent au contraire dans une lignée d’innombrables petites attaques contre la langue française dont François Hollande, à la suite de son prédécesseur à l’Élysée, et à l’image d’une foule de politiciens, de journalistes et d’artistes de variétés, s’est rendu coupable.
François Hollande s’adresse au peuple de la plus détestable des manières : en usant et abusant redoublement du sujet. Exemple : «la police, elle a ma confiance ». Cette mauvaise manie puérilise (Malraux emploie le verbe puériliser dans L’Espoir) aussi bien son propos que ceux à qui il s’adresse. À travers cette horreur syntaxique, le chef de l’État parle aux Français comme à des enfants de grande section de maternelle, voire à des demeurés.
De leur côté, les journalistes audiovisuels, à commencer par ceux des chaînes tout-infos, ignorent la concordance des temps, ne savent pas que le subjonctif présent existe, accordent le verbe avoir avec le sujet (« l’erreur que le candidat à la primaire de la droite a fait »). Ils emploient supporter comme en anglais, ne sachant pas qu’en français il signifie souffrir : « souffrez ma présence… », « supportez ma présence… ». Les journalistes du matin sur France Info, pourtant chaîne publique, emploient un français si fautif qu’un professeur de lettres digne de ce nom ne l’accepterait d’aucun de ses élèves de seconde.
La quasi-totalité de ceux qui font profession de parler, «la caste palabrante » stigmatisée par Donoso Cortes, a sombré, paradoxalement, dans l’oubli de ce qu’est la langue. De l’essence de la langue. Cet oubli témoigne de la généralisation d’un état d’esprit utilitariste. Les mots, supposent ces gens, sont des instruments à mettre au service de la pensée ou de l’ambition. Voici la langue confondue avec un outil à double face : exprimer sa pensée (quand on en a une, richesse devenue rarissime dans les milieux politiques et médiatiques), et influencer l’opinion (opération confiée à la «com », entraînant la soumission servile de la langue aux impératifs de la communication). Or, la langue n’est pas qu’un outil. Elle est la chair de la nation. Maltraiter la langue est blesser cette chair – la déchirer toujours plus.
Chacun sent battre en lui la nation et son histoire lorsqu’il parle sa langue avec attention et fidélité. L’idée d’attention – parler et écrire avec attention – met en lumière le soin que la langue exige de chaque Français. L’objet de ce soin n’est pas seulement de maintenir notre langue en vie ; il est aussi de maintenir dans l’existence un ensemble de significations qui lui sont liées : l’histoire, la nation, le regard. La grammaire est le liant des idées. Elle lie aussi les hommes entre eux, les unissant en une nation et à leur histoire. La grammaire est politique. L’histoire de la France et de son peuple se condense dans sa langue, qui en est le précipité. Les liant à leur histoire, cette langue lie les Français entre eux : elle est une certaine façon d’être ensemble. Et enfin, elle est, à travers son vocabulaire et sa syntaxe, un certain regard sur le monde. L’ensemble de ces significations forme ce qu’on appelle la civilisation française.
Comme la France n’est pas une nation ethnique, ce n’est pas la naissance qui fait l’unité, mais l’histoire et la langue. L’inconscient tapi derrière la dislocation de la langue mise en œuvre par les « élites » de notre pays est celui de la dislocation nationale. Faute morale et politique : disloquer la langue, comme s’y est accoutumé François Hollande, c’est disloquer aussi l’histoire et la nation, rendant vide le regard. Mépriser la langue c’est mépriser l’histoire. C’est mépriser le peuple. C’est mépriser la nation.
L’orthographe est le rapport d’un peuple à son passé. Les mots sont des monuments. Ils sont l’existence dans le présent d’états passés de la langue. À travers eux continuent de subsister des façons de voir le monde qui se sont effacées. Leur écriture et leur lecture est toujours un voyage dans le temps. Les mots sont des fenêtres ouvertes sur le passé. Maintenir l’orthographe est aérer le présent en ouvrant ces fenêtres. L’intransigeance dans la juste graphie des mots est la signature des intelligences ouvertes qui refusent le cloisonnement de la langue dans la prison du présent.
Ni François Hollande ni de nombreux journalistes ne parlent plus français. Ils parlent un ersatz de français, misérable en vocabulaire et rachitique en syntaxe. Aucune idée ni pensée de peut naître en pareil désert. Remplacement il y a : une néolangue prend peu à peu la place du français. Dans les écoles elles-mêmes, le prétendu enseignement du français vise à la destruction de la langue française puisque, comme la presse vient de le révéler, selon la parole officielle la grammaire « est négociable » !
Cette dislocation de la langue – qui, à la suite des élites, verse chaque Français dans la catégorie des syntaxiquement pauvres – est l’expression dans le domaine verbal d’une dislocation plus généralisée : celle de la pensée et celle de la politique. Cette décomposition traduit un projet politique et anthropologique : couper les Français de leur histoire, les muter en zombies. N’étant plus héritiers de leur langue, ils ne le seront plus de leur histoire ni de leur nation. Dans ce gel d’héritage tient – les tweets fautifs le manifestent piteusement – la seule « réussite » du quinquennat de François Hollande. •
« Mépriser la langue c’est mépriser l’histoire. C’est mépriser le peuple. C’est mépriser la nation. »
Robert Redeker
Dernier ouvrage paru de Robert Redeker : « L’École fantôme » (Éditions du Rocher, septembre 2016).
Un grand merci pour ce pladoiyer.
Un peuple qui perd sa langue et ne bat plus monnaie disait- on du temps de nos rois est un peuple qui n’existe plus.
Les cancres d’hier sont devenus les profs d’aujourd’hui et les journalistes ont quitté leur fonction pédagogique en faveur de la désinformation à but politique.
Passe encore les fautes d’orthographe mais les fautes de sens sont impardonnables et jusqu’à la prononciation lorsqu’on confond « mâle »et « mal » … Et que dire des reporters qui ne savent pas lire, respirent à contre-temps en ignorant la ponctuation et nous « éclairent » systématiquement de leur récit d’asmathique en perdition ?
«La quasi-totalité de ceux qui font profession de parler, «la caste palabrante » stigmatisée par Donoso Cortes, a sombré, paradoxalement, dans l’oubli de ce qu’est la langue. De l’essence de la langue. Cet oubli témoigne de la généralisation d’un état d’esprit utilitariste. Les mots, supposent ces gens, sont des instruments à mettre au service de la pensée ou de l’ambition. Voici la langue confondue avec un outil à double face : exprimer sa pensée (quand on en a une, richesse devenue rarissime dans les milieux politiques et médiatiques), et influencer l’opinion (opération confiée à la «com », entraînant la soumission servile de la langue aux impératifs de la communication). Or, la langue n’est pas qu’un outil. Elle est la chair de la nation. Maltraiter la langue est blesser cette chair – la déchirer toujours plus.
Chacun sent battre en lui la nation et son histoire lorsqu’il parle sa langue avec attention et fidélité. L’idée d’attention – parler et écrire avec attention – met en lumière le soin que la langue exige de chaque Français. »
Je ne saurais mieux dire.
Après le « meurtre légal » du roi de France en 1793, la France entre dans une lente agonie. Il faut effacer ce nom trop lié à l’Eglise catholique depuis les origines. Même le paquebot FRANCE n’y échappera pas en 1974 ! Depuis le système libéralo-marxiste mondialisé ne cesse de montrer les dents et de mordre, n’ayant qu’une idée (idéologie) en tête, déchiqueter la France, en déchiquetant sa langue, en déchiquetant son histoire, afin de déshériter les Français de ce qu’ils sont ! Il y a comme une odeur satanique dans ce constat ! Saint Louis, Priez pour la France !
Avez-vous remarqué que les Francais parlent de plus en plus avec leurs mains. ?Partout les gestes viennent en aide aux paroles comme si les mots perdaient leur sens et ne suffisaient plus. Autrefois faisant le charme des gens du midi ces gesticulations deviennent vite désagréables en privé ou à la télévision , les hommes politiques affichent les mêmes sur les conseils de leurs communicants. En fait cela me rappelle la regrettée Jacqueline de Romilly qui disait que les gestes (violents) sont les seuls exutoires de ceux qui ne savent pas s’exprimer.
Admirable Redeker.
» les mots sont des monuments » : en choisissant les mots, leur arrangement, il me semble accueillir des réminiscences,où bruissent encore les promenades de leurs porteurs ( logophore, barbarisme permis ? ) , leurs transporteurs, leurs transmetteurs. Le respect, la gratitude, l’émerveillement, pour cette langue si difficile, qui nous permet d’y naviguer et de découvrir le sens du monde.
» les mots sont des fenêtres ouvertes sur le passè » , mais aussi sur le vivant, le changeant, l’invention, la poésie, la pensée incarnée . Les racines irriguent encore le présent et le futur.
La preuve : la langue de Redeker qui m’entraîne …
Source: https://fr.wiktionary.org/wiki/%C3%A9tiquette#.C3.89tymologie
Nom commun 1) (1387) Attesté sous la forme estiquette avec le sens de « poteau servant de but dans certains jeux » ; (1435) avec le sens de « petit écriteau (indiquant le contenu d’un objet) » ; dérivé, avec le suffixe -ette du radical du verbe ancien français estechier, estichier, estequier, en picard estiquier (« enfoncer, ficher, transpercer »), qui donne aussi astic et asticot.
(Nom commun 2) (1691) De l’espagnol etiqueta, lui-même repris du français au sens précédent et le sens de « cérémonial de cour (noté sur un formulaire) » attesté en espagnol depuis Charles Quint : « j’ay apris qu’il y a de certaines regles établies chez le Roi, que l’on suit depuis plus d’un siecle, sans s’en eloigner en aucune manière. On les appelle les étiquettes du Palais » ; « comme il est marqué dans l’étiquette »