Le Radeau de Mahomet publié en 1983
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam, et il travaille maintenant à Casablanca pour le 360, l’un des principaux titres de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
RABAT, MARDI 5 FEVRIER 2013
Je mets pour la première fois les pieds au Centre français Jacques Bergue à Rabat, un des instruments de notre science orientaliste moderne. D’habitude, j’évite, car j’y suis mal vu : mon royalisme, mon Radeau de Mahomet* me font comme une auréole de souffre parmi tous ces gauchards ultra-politiquement corrects… mais cette fois j’accompagne un vieil ami marocain, un confrère, Abdelkader Mana, avec qui je suis en désaccord sur presque tout mais dont j’apprécie le travail de Téléaste culturel sur son pays ainsi que la francophilie. Il parle ce soir de son maître en anthropologie, feu Georges Lapassade (1924-2008). A un moment, Mana, l’honnête, le spontané Mana, a ce cri du coeur qui pétrifie l’assistance naturellement très « correcte » : « Lapassade a souffert d’une seule chose lors de ses enquêtes au Maroc sur les pratiques confrériques : son exclusion de tel lieu ou de telle cérémonie en tant que non-musulman » … Et toc ! Où était donc passée la fameuse tolérance de l’Islam dont on nous rebat les oreilles, surtout lorsque, comme en ce moment, l’Islam étale justement son… « intolérance » (affaire des caricatures de Mahomet, sort des chrétiens d’Orient etc…)
Le soir, de retour chez moi, j’écoute je ne sais quelle radio où des journalistes français parlent de notre intervention au Mali où commencent – enfin ! – à arriver des soldats africains, maintenant que le gros du travail contre les islamistes a été sans doute accompli par l’armée française… Mais, là, la question est ailleurs : mes confrères veulent dire que les militaires tchadiens sont mieux accueillis au Mali que les militaires togolais ; ils savent que ce meilleur accueil est dû, bien sûr, à l’identité de religion entre Maliens et Tchadiens, la plupart des Togolais étant chrétiens, mais mes confrères ne l’avoueront jamais et donc ils vasouillent, ils bégaient, ils se taisent… •
* Essai sur l’islamisme politique publié en 1983