Pas plus que l’article qui précède n’émane de Lafautearousseau, les lignes qui suivent, puissantes et pénétrantes, toutes marquées d’authentique esprit contre-révolutionnaire, ne sont de Charles Maurras, venues de temps lointains … Mais du premier des conseillers du précédent président de la République française, Patrick Buisson. « Le doute n’habite-t-il pas le système lui-même ? » demande-t-il. Il en fut l’un des rouages les plus hauts placés de 2007 à 2012. Sans illusion et sans abandon ni de ses convictions de fond ni de sa lucidité critique. Est-ce folie de supposer possible qu’en certaines circonstances déterminées un tel régime pourrait s’effondrer sur lui-même, se défausser, laisser la place ? A méditer. Lafautearousseau
« Il y a quelque chose de particulièrement sinistre dans l’atmosphère qui nimbe les heures crépusculaires d’une fin de règne en régime démocratique. Au sentiment d’inachevé, que souligne l’impuissance à s’inscrire dans le temps long de l’histoire, se mêle la sourde aversion que suscite chez tout esprit épris d’unité la perspective d’être de nouveau confronté au fanatisme mou d’une campagne électorale, au mimodrame d’une guerre civile. Telle est ma fracture intime : avoir développé une expertise au sujet d’un processus dont la résultante collective ne me paraît pas toujours ordonnée au bien commun. Car si l’élection présidentielle est bien ce moment où l’on confronte les projets, c’est aussi le moment où s’accomplit un rituel de séparation qui dresse les Français d’abord en plusieurs factions rivales, puis en deux camps apparemment irréconciliables. Là est la malédiction du nombre abstrait, anonyme, informe, que Victor Hugo résuma en une formule fulgurante : « Je suis le Médiocre immense. […] Je suis Tous, l’ennemi […] de Tout. » Là est aussi la critique la plus aiguë de la démocratie : la multitude opposée à l’unité, la fragmentation à l’indivisibilité, le dénombrement contre le rassemblement. Le doute n’habite-t-il pas le système lui-même ? La célèbre sentence de Churchill qui fait de « la démocratie le pire régime à l’exclusion de tous les autres » ne semble-t-elle pas nous dire que, finalement, la démocratie n’est rien d’autre qu’un pis-aller, une forme de résignation, presque un expédient pour basse époque ? Dans le feu de l’action, le gérant démocratique ne se pose que rarement ce genre de question. Sauf à l’heure des comptes. Alors, il vacille, titube, se perd dans une interminable introspection traversée par un fort sentiment d’injustice dès lors qu’il en vient à envisager la défaite. » •
Patrick Buisson
La Cause du peuple – Perrin – 2016 [Pages 283-84]
Je suis en train d’achever le livre de Buisson, qui fut présenté, quand il sortit en librairie, il y a quelques mois, comme un ramassis de ragots et de médisances pour presse « people ».
Que non ! C’est cent fois mieux que ça : c’est riche, structuré, profond. Et, en plus, vivant, parce que la chronique politique du quinquennat Sarkozy facilite la compréhension de la pensée de Buisson, pratiquement en tous points la nôtre en donnant des exemples.
Je suis heureux de partager, sur le livre de Buisson, le sentiment de Pierre Builly.
NKM avait dit la vérité : Buisson ne voulait pas faire gagner Sarkozy mais les idées de Charles Maurras.
Tentative ratée. Mais reste un capital d’idées et d’expériences à mon sens inestimable.
On pourrait peut-être dire que son livre est à la fois oeuvre de mémorialiste et de penseur politique, l’un et l’autre genres étroitement mêlés, nourris l’un par l’autre. Une vraie réussite.
Une fois de plus nos idées étaient au centre du pouvoir et n’ont pu l’investir.