Alain de Benoist
En peu de mots, quelques phrases, une brève analyse, Alain de Benoist dit au fil de l’entretien qui suit, [Boulevard Voltaire, 23.02] ce qu’il convient de penser d’Emmanuel Macron, du moins selon lui comme selon nous. Chacun sait que nous avons ou avons eu avec ce brillant intellectuel, de fort anciens débats et certains points de divergence. En tout cas, face à l’imminence de dangers très évidents et très certains, pour la France, comme, en général, pour la civilisation européenne, nous partageons les mêmes points de vue sur un certain nombre de sujets essentiels. Ces convergences méritent, nous semble-t-il, d’être signalées et utilisées. Lafautearousseau
Emmanuel Macron comme Donald Trump : le phénomène est plus intéressant que le personnage lui-même. Comment expliquer l’actuel phénomène Macron, qui se veut candidat hors système, alors qu’il est justement un pur produit du système ?
On peut facilement ironiser sur le personnage. Le petit Mickey travesti en Rastignac, la petite chose qui veut se faire aussi grosse qu’un président, le Micron transformé en Maqueron, le Ken du couple Ken et Barbie, le télévangéliste christique débitant à chacun les niaiseries qu’il veut entendre. Mais tout cela ne cerne qu’imparfaitement le phénomène. Ce qui frappe d’abord, c’est qu’Emmanuel Macron est le premier candidat postmoderne que l’on ait jamais vu se présenter à l’élection présidentielle. Les arguments raisonnés, les promesses lyriques, les démonstrations destinées aux électeurs, tout cela faisait encore partie de la modernité. Avec la postmodernité, on est dans l’affect à l’état pur, dans l’émotion, l’amour, l’extase. Le sentiment submerge tout, comme dans le discours des gourous.
Certains reprochent à Macron de n’avoir pas de programme et de multiplier les déclarations contradictoires. Mais on perd son temps à s’indigner ou à vouloir lui répondre. En régime postmoderne, les contradictions n’ont aucune importance, et ce n’est pas avec des programmes que l’on conquiert l’opinion. C’est avec des postures et des incantations. Ce ne sont pas les mots qui comptent, mais le métalangage, pas le réel mais le plus-que-réel, pas le textuel mais l’hypertextuel. En recourant à des stratégies narratives, à des mécanismes persuasifs fondés sur ce que lui indiquent les algorithmes, Macron ne cherche à convaincre que d’une chose : qu’il faut communier avec lui, fusionner avec lui, qu’il faut l’aimer autant qu’il s’aime lui-même (« Parce que je veux être Président, je vous ai compris et je vous aime ! »). Il est plein de vide, mais ce vide le remplit mieux que tout autre contenu. Une bulle, certes, mais qui continue à enfler.
Un mutant politique, un phénomène typiquement postmoderne.
Dans L’Obs, le philosophe Michel Onfray – qui faisait récemment la une de votre revue, Éléments – assure qu’Emmanuel Macron « est en réalité l’autre nom de l’ubérisation de la société ». Vous confirmez ?
Bien sûr. Au-delà des banalités et des platitudes qu’il accumule avec un aplomb que rien ne vient entamer, Macron se situe dans une perspective bien précise qu’on peut résumer de la façon suivante : la mondialisation heureuse, l’ubérisation de la société et la précarité pour tous. De ce point de vue, Macron est un libéral au sens complet du terme : libéral en économie, libéral en matière « sociétale », libéral en tout. C’est pourquoi il séduit à la fois la gauche « branchée », les économistes hors-sol et les centristes fascinés par la Silicon Valley, Jacques Attali et Bernard Kouchner, Alain Minc et Corinne Lepage, Renaud Dutreil et Pierre Bergé. Nathalie Kosciusko-Morizet ne déparerait pas dans ce paysage !
Macron se dit au-delà de la droite et de la gauche. Vous venez vous-même de publier un livre intitulé Le Moment populiste – Droite-gauche, c’est fini ! (Pierre-Guillaume de Roux). Ce positionnement apporte de l’eau à votre moulin ?
La grande caractéristique du populisme est de substituer au clivage horizontal droite-gauche un clivage vertical entre le peuple et les élites (« ceux d’en haut » contre « ceux d’en bas »). Mais l’effacement du clivage droite-gauche ne se constate pas seulement à la base. Par réaction, il se retrouve aussi dans la classe dominante, avec l’idée d’une « union nationale » destinée à faire barrage au populisme et à neutraliser les « récalcitrants » des deux bords. Il y a, là, une certaine logique : en même temps qu’il coalise à la base un électorat venu de la gauche et un électorat venu de la droite, le populisme suscite à la tête un regroupement de factions hier encore antagonistes, mais qui n’ont pas de mal aujourd’hui à réaliser que rien ne les sépare vraiment.
Cette nouvelle stratégie était déjà présente dans l’idée de « troisième voie » théorisée par Anthony Giddens à l’époque de Tony Blair, dont l’objectif avoué était de contribuer au « renouveau » de la social-démocratie dans le sens d’une fusion assumée avec la logique libérale. C’est elle que l’on retrouve en France chez Emmanuel Macron, véritable héritier du blairisme, quand il assure que « le vrai clivage dans notre pays […] est entre progressistes et conservateurs », ou chez le libéral Guy Sorman, pour qui « le récent référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne n’a pas opposé la droite conservatrice à la gauche travailliste, mais les partisans de l’ouverture à ceux de la fermeture ». La « fermeture » étant censée désigner le « tribalisme » et le « repli sur soi », il faut comprendre que l’« ouverture » signifie l’adhésion à tout ce qui transcende les frontières, à commencer par les marchés financiers. La position de Macron représente donc le symétrique inverse du populisme. Elle cherche à unifier les élites mondialisées au-delà des étiquettes, tout comme les populistes essaient d’unifier le peuple.
Personne ne semble réaliser que, dans cette optique, un second tour de l’élection présidentielle opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron, où ne serait donc présent aucun représentant des deux grands partis de gouvernement qui ont en alternance gouverné la France pendant trente ans, représenterait un véritable tournant historique.
Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
Point de vue lucide de Alain de Benoist. Macron pur produit du système, incarnation du libéralisme branché. Une fois de plus je ne comprends pas comment certains ont pu se laisser séduire par les postures de Macron, son hommage à Jeanne d’Arc, sa rencontre avec Philippe de Villiers etc. Macron, c’est l’appel à la marchandisation du monde, à l’adoration hébétée de l’argent ( il faut se rappeler de cet appel de Macron alors ministre de l’économie à la jeunesse » devenez milliardaires » … En effet il n’y a pas de plus bel idéal de vie que de devenir milliardaire ). Mais Macron c’est aussi la haine et le mépris de la France, de son histoire, de sa culture, qui paraît-il n’existerait pas ! Cet individu est dangereux pour notre pays.
Comme tout « brillant intellectuel » il a de sérieuses lacunes, à commencer par celle de se griser de mots et parler à tort et à travers. (Exemple sa sortie sur les « illetrés » son costume de trois mille euros qu’on » peutse payer en travaillant » et plus récemment notre passé de crimes contre l’humanité ! )
Ce jeune homme gâté a encore beaucoup à apprendre, écouter les autres avec la modestie des « grands ».et encaisser les coups. Il est la bouée de sauvetage de la gauche et le chouchou des bobos et des médias.
Espèrons que la France (hors le contexte parisien ) ne suivra pas.
L’attirance qu’exerce Macron sur la classe des 25 -40 ans montre une chose: nous n’avons pas su ou pu transmettre –« comme une lettre scellée » dirait Rilke –l’amour qui nous lie à notre communauté de naissance et donner un objet concret à notre liberté , dans une société qui tourne à vide, qui est un complot contre toute vie intérieure comme dit Bernanos. Pour les uns en banlieue , cela se traduit pour beaucoup par une sourde complicité avec le djihadisme d’où émergent les terroristes, pour les autres trop de parents ont voulu l’abattoir de la réussite sociale, les écoles de commerce ou science po, le vernis et le vide culturel. Le sentimentalisme remplaçant l’effort de creuser sa vie que l’on observe aussi dans la manière de transmettre la foi et l’affadissement liturgique. Deux solutions : ou l’on s’adapte à cette évolution, mortelle entropie, ou l’on réagit, et on résiste. Il y a des signes encourageants. Et à encourager. Je n’ai jamais vu un jeune – en dehors de sa propre famille, où c’est toujours compliqué- nous reprocher, d’être sincère, de le mettre devant ses responsabilités et de chercher un sens à sa vie en dehors des ritournelles usées de ce régime, qu’on nous donne jusqu’ à plus soif. Ne nous plaignons pas , réagissons , soyons présents .Il ne s’agit pas d’ imposer nos idées sur le plan de nos relations personnelles, mais bien au contraire de rendre vivante une liberté, qui a un objet concret c’est-à-dire pour notre pays ( et aussi de manière générale ) de refuser notre dilution ou dissolution .Ce qui est une injure à notre vocation. C’est un combat à multiples facettes .Ne renonçons pas.