Entretien – d’un grand intérêt, notamment pour nous, royalistes – paru dans l’Action Française 2000 [[n° 2951 du 16 Mars 2017]]].
Un roi immédiatement : tel est le titre de votre dernier livre. La Ve République ne répondrait-elle plus à sa définition de monarchie républicaine, conciliant un exécutif fort avec les exigences d’un parlementarisme raisonné ?
La Ve République n’a plus rien à voir avec le régime que les constituants avaient imaginé en 1958. Pas seulement pour des raisons institutionnelles – certes, les institutions ont un peu évolué et l’Europe a changé la donne –, mais aussi et surtout à cause de l’esprit politique qui a conduit depuis quarante ans à hypothéquer d’abord l’avenir – pardon de parler d’argent, mais je pense à la dette que nous allons rembourser encore longtemps, nos enfants naissant avec plus de 30 000 euros de dette publique dans leur berceau –, ensuite le présent – c’est-à-dire les politiques que nous n’avons plus la capacité de mettre en place en raison de cette dette – et enfin le passé – le capital qui nous a été transmis et que nous allons dilapider pour payer cette dette. Aucun régime ne résiste à une dette aussi énorme que la nôtre, qui touche à la fois l’héritage, l’action présente et l’action future. Le quantitatif agresse le qualitatif, la civilisation est menacée par notre compte en banque, et le scandaleux destin de la Grèce nous pend au nez. Quand vous êtes en quasi-faillite, vous n’avez plus d’espace politique, plus de souveraineté, vous n’avez plus le droit de penser votre avenir tout seul. Le roi est nu. Il ne vous reste qu’à espérer que le régime a assez de force pour redresser la situation. La Ve République était un régime supposément fort et équilibré. Pas sûr qu’il résiste au stress de la faillite. Quant au parlementarisme raisonné, l’expression avait un sens quand l’exécutif était raisonnable et les parlementaires exagérément généreux : les parlementaires dissipaient, l’exécutif gardait, et les finances publiques étaient bien gardées. Aujourd’hui, les deux dissipent…
La Ve République vous semble avoir laissé de côté la société civile. Une monarchie vous semblerait-elle mieux à même de laisser vivre et se développer les élites du pays réel ?
Le pays réel… Je ne vais pas vous taquiner là-dessus. Disons plutôt le pays du principe de réalité. Le pays des Français qui ont une certaine idée d’eux-mêmes, de leur réalisation, de leur idéal, et qui se frottent aux réalités. Quand d’une part les réalités deviennent très dures et l’idée qu’ils se font de leur réalisation est méprisée, et que d’autre part la source de ce mépris et de ces difficultés est la même, c’est-à-dire tout ce qui est “officiel”, où il y a le gouvernement mais aussi les médias et la vie culturelle, alors le résultat est mécanique, politique, humain, ce que vous voulez, mais il est clair : ils détestent cette source. D’aucuns l’appellent le “système” ; dans le système, le principe de réalité n’agit pas, tout simplement. S’il agissait, nous aurions le sentiment d’une certaine raison dans les politiques et d’une certaine stabilité dans la situation. Dans l’idéal, la monarchie apporterait une réponse à cette question, en distinguant les citoyens – ou les sujets, je ne suis pas très regardant sur la terminologie – qui seraient véritablement utiles ; et au sommet, véritablement nobles, c’est-à-dire ayant administré la preuve qu’ils font passer leur honneur, lequel est toujours au service des hommes et donc de la société, avant leur intérêt personnel. Le principe de réalité, c’est tout simplement le champ d’application de l’intelligence pratique qui vise un principe. Je vise quelque chose, j’ai des moyens pour le réaliser et je cherche la bonne combinaison. Quand j’écoute beaucoup de responsables politiques, je me dis que l’intelligence les a désertés. Non pas qu’ils soient idiots, mais l’esprit de l’intelligence ne leur est tout simplement pas utile pour réussir. Il leur suffit de se promener avec des grilles de lecture en l’air, comme des cerfs-volants, pour réussir.
Par sa présence
, écrivez-vous dans votre livre, le roi fait peuple
. Pouvez-vous préciser votre pensée ?
C’est d’abord un vieux paradoxe : nous serions plus unis, donc plus peuple, par un roi catholique qui n’aurait pas été choisi que nous ne le sommes par un président qui a été choisi, mais pas par tous, et qui a une durée de légitimité de plus en plus faible. Le roi est à l’abri des trolls de Facebook et d’ailleurs qui font et défont la popularité. Ensuite, c’est une affaire de métaphysique : le roi, c’est la France telle que l’éternité l’a voulue. Pas une sorte de communauté de rencontre que l’on traîne d’accident en accident jusqu’à son éventuelle disparition matérielle. Il faut croire que Dieu a voulu la France, ou alors c’est un nom de marque comme Coca-Cola. Enfin, le roi est une personne, et la république un mot. Le hasard ou la providence, l’éternité, l’incarnation : sous ces trois idées, dans un pays donné, chacun peut se sentir le voisin de l’autre.
Vous demandez un roi immédiatement
. Il y a donc urgence selon vous… Quels sont les principaux défis que notre pays a à relever ?
Un seul : celui d’une belle conscience de lui-même, car il le mérite. Généreuse, forte, intelligente, humble, entreprenante, ardente : les idées de démocratie directe et de monarchie peuvent beaucoup contribuer à introduire ces adjectifs dans la conscience collective et individuelle. Dans ce pays, il nous manque un sommet et une base. Nous avons un milieu en perdition, qu’on appelle le système. Il faut s’en débarrasser sans haine, avec des idées claires sur la manière dont plus de libertés donneraient de meilleurs résultats dans tous les domaines. Mais ne perdons pas de temps.
Votre conception de la royauté est solidaire de votre foi catholique : la laïcité ne vous semble-t-elle pas avoir tenu ses promesses ?
Ce qu’il faut garder de l’esprit de la laïcité, c’est qu’aucune puissance ne doit être autorisée à prendre le contrôle des consciences. L’Éducation nationale doit continuer d’exister, avec le mandat de développer les connaissances, la capacité critique de chacun, mais en lien étroit avec la notion d’intérêt général ; elle doit cultiver une discrétion bienveillante, prudente, respectueuse, en ce qui concerne les croyances de la personne et de la famille de la personne. Il se trouve qu’être citoyen n’épuise pas les aspirations de la personne. La laïcité laisse un vide et laisse une liberté. Laissons le roi donner l’exemple d’un vide comblé, et laissons les hommes libres de le combler à leur guise. Sacrons le roi, et laissons les hommes reconnaître Dieu, ou pas. Garantissons la permanence de la présence du catholicisme en France, et laissons l’Église polariser les âmes si elle le peut. Mais c’est bien au christianisme catholique que nous devons donner les clefs des symboles, c’est-à-dire de l’union de ce qui est séparé. Le lien entre l’homme et Dieu, entre les hommes, entre les sexes, entre la France et les Français. En un prodigieux travail multiséculaire, le catholicisme a délégitimé la violence, a donné à chacun les clefs d’un destin individuel pacifique, utile, aimant, maintenu l’espérance en les fins dernières, et constamment maintenu l’invisible présent dans le visible. Ce n’est pas assez que de rappeler que le catholicisme est dans nos racines. Il est ce que nous sommes. Un roi catholique, c’est le début de la fin de la haine de nous-mêmes. •
Marin de Viry, Un roi immédiatement, éditions Pierre-Guillaume de Roux, mars 2017, 144 pages, 18,50 euros.
Propos recueillis par François Marcilhac
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« Un roi immédiatement » … Un livre dont on parle déjà beaucoup, dont on reparlera
« Un roi immédiatement » … Réactions dans les commentaires …
(Re)vive le roi ! Macron n’a pas de programme, Marin de Viry, oui !
Il suffit d’écouter les bruits de la « Campagne », de regarder les images de leur « République » en danger et de « lire » leur « Monde » du soir finissant, pour crier de joie :
Montjoie Saint Denis
Vite : UN ROI IMMEDIATEMENT
Rien n’a changé depuis la création de ce régime réduit aux aguets: paraphrasant Jules GUESDE, : la République a un Roi, c’est la Haute Finance.
Entièrement d’accord avec votre très juste analyse. Le malheur, c’est que ce qui se profile, sera : « La France risque d’avoir Résident de la République et que ce sera bien la Haute Finance et les Basses oeuvres. »