Il est des dates joyeuses. Il en est de tristes.
A vrai dire, celle du 24 mars, pour nous, n’est pas triste, à proprement parler, car nous savons où et pour quel vrai Royaume il est parti, nous quittant ce jour-là, nous qui étions ses amis, et lui le nôtre. Mais elle est grave, elle nous ramène à ce que Boutang – qu’il connaissait si bien, qui avait été son maître – appelait le « souci ». Nous partagions en effet avec Jean-François Mattéi – que nous avons eu la grande chance de connaître de très près, et de fréquenter, au sens premier du terme – le souci du Bien commun, de l’Europe et de son futur, de la Civilisation.
Nous étions éblouis à chaque rencontre, à chaque repas partagé avec lui, à chaque Colloque ou Conférence qu’il donnait volontiers, par l’immensité de sa culture, son ouverture d’esprit mais aussi – et en un certain sens, peut-être, surtout… – par sa simplicité, sa bienveillance, son urbanité rare.
Si nous avons eu beaucoup de chance de connaître Pierre Debray, Pierre Boutang, Gustave Thibon, il est clair que nous en avons eu beaucoup, aussi, de connaître, et si familièrement, Jean-François Mattéi.
Le 24 mars, lorsqu’il nous quitta, il ne fut fait aucune mention de lui sur les ondes radios/télés de la misérable chose qui ose encore s’appeler Service public. Par contre, une obscure chanteuse de variétés américaine reçut un éloge funèbre de plusieurs minutes, plusieurs fois répété dans la journée ! Mais laissons-là, pour les plaindre, ces pauvres inconscients, qui ne savent même pas à côté de quoi ils sont passés…
Jean-François Mattéi connaissait bien Lafautearousseau, il l’aimait, le lisait et avait même accepté d’y écrire. Plus que son agenda surchargé, comparable à celui d’un ministre, c’est la maladie et sa mort, soudaine, qui l’empêchèrent de réaliser ce vœu, qu’il ne put concrétiser que pour un seul article, que nous donnons ci-après*, accompagné du petit logo que nous avions imaginé pour ce qui devait être « sa » rubrique. Cet article fut publié le mardi 23 mai 2013, et il traite d’un sujet que Jean-François Mattéi connaissait bien et qui lui tenait à cœur, la théorie du genre...
Moins d’un an plus tard, le 24 mars 2014, dans lafautearousseau, nous annoncions son décès aussi brutal qu’inattendu et cette perte immense pour la pensée et l’esprit français**.
Laissons à un poète – à Frédéric Mistral – l’envoi de ce message d’amitié et d’affection à celui qui, mystérieusement, ne nous a jamais quittés :
« E lou grand mot que l’ome oublido, veleici : la mort es la vido !
E li simple, e li bon, e li dous, benura !
Emé l’aflat d’un vent sutile, amount s’envoularan, tranquile,
E quitaran, blanc coume d’ile,
Un mounde ounte li sant soun, de longo, aqueira…
« Et le grand mot que l’homme oublie, le voici : la mort, c’est la vie !
Et les simples, et les bons, et les doux, bienheureux !
A la faveur d’un vent léger, au ciel ils s’envoleront tranquilles,
Et quitteront, blancs comme des lis,
Un monde où les saints sont continuellement lapidés ! »
(« Miréio » , Chant X) •
* Le Père Goriot et la Mère Vauquer, par Jean-François Mattéi
Décès de Jean-François Mattéi : par dessus tout, une perte pour la pensée française