Par Journal d’un eurosceptique désabusé
Un historien nous invite à la rencontre de l’amiral Schwérer, qui devint président de la Ligue d’Action française à l’issue d’une brillante carrière militaire.
Nos lecteurs se souviennent-ils de l’amiral Schwérer (1862-1936) ? Jean-Noël Grandhomme, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lorraine-Nancy, vient de lui consacrer un article dans la revue Guerres mondiales et conflits contemporains. Breton d’origine alsacienne, Antoine Schwérer entre à l’École navale en 1878 ; la marine à voile disparaît sous ses yeux : « entre les bâtiments de guerres modernes et ceux sur lesquels j’étais embarqué en 1880
», écrit-il dans ses Souvenirs, « il y a certainement plus de différences qu’entre ces derniers et ceux du temps de Louis XIII, et à cette transformation du matériel a correspondu un changement complet des habitudes, du caractère et de la mentalité du personnel
».
Avec l’amiral Lacaze
Jean-Noël Grandhomme retrace un parcours jugé « brillant
». En 1894, par exemple, à bord du croiseur Dubourdieu, il est chargé de dresser une carte générale du magnétisme terrestre. En 1914, alors que la guerre vient d’être déclarée, il négocie les accords franco-britanniques confiant à la Royale la direction des opérations en Méditerranée. L’année suivante, il commande des canonnières sur le front. Puis il devient chef de cabinet de l’amiral Lacaze, ministre de la Marine. Au cours du premier semestre 1917, comme le rapporte Jean-Noël Grandhomme, « la Marine
[…] joue un rôle important dans les affaires d’Orient et elle contribue au transport en France des contingents russes qui y sont envoyés par le tsar
» ; « pourtant, Lacaze est de plus en plus ulcéré par les critiques systématiques de certains députés, notamment socialistes
». Alors que ce dernier donne sa démission, « Schwérer se solidarise évidemment avec lui
». Sa carrière se poursuit néanmoins jusqu’en 1924, où il est placé dans la deuxième section (réserve).
C’est alors qu’il rejoint l’Action française. Un moment républicain, il n’aura jamais été démocrate, confiera-t-il par la suite. Candidat malheureux aux élections législatives, où triomphe le Cartel des gauches, il se retrouve bientôt « au cœur d’un nouveau combat, contre un adversaire inattendu : l’Église
». En novembre 1926, lors d’un congrès de la Ligue, il explique que « les croyants d’Action française,
[…] parfaitement soumis à l’autorité religieuse du souverain pontife […], à tous les ordres qu’il leur donnera en ce qui concerne leur religion, prennent leurs directives politiques en dehors du Vatican
». À son décès, en 1936, Mgr Mignen, archevêque de Rennes, lui refuse des obsèques religieuses : « aucune mansuétude n’est de mise pour celui qui a en quelque sorte brandi l’étendard de la révolte anti-papale
», souligne Jean-Noël Grandhomme.
Un travail à poursuivre
L’amiral Schwérer aura présidé la ligue d’Action française cinq ans durant, après avoir succédé à Bernard de Vesins en 1930. « Maurras sait gré de sa fidélité au compagnon des bons et des mauvais jours
», rapporte encore l’historien, qui se montre quant à lui moins élogieux : « son militantisme passionné, qui l’a conduit à se retrouver dans le dernier carré, seul contre tous, ou presque – y compris le clergé et le prétendant – a un côté pathétique, ou chevaleresque, selon le point de vue qu’on adopte
», écrit-il notamment. Son article ne nous éclaire guère quant aux ressorts de cet engagement. Il ne révèle rien non plus du caractère de l’amiral Schwérer. De fait, « bien qu’il ait été l’un des acteurs importants de la controverse autour de la Jeune École, un expert reconnu dans l’affaire des poudres de la Marine (à l’origine de près de trois cent cinquante morts dans plusieurs accidents avant-guerre), un « poilu » sur le front de Champagne et le plus proche conseiller d’un grand ministre de la Marine, Schwérer est aujourd’hui presque complètement oublié
», constate Jean-Noël Grandhomme. Aurait-il entrepris de réparer une injustice ? •