Le concile Vatican II [1962-1965]
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam, et il travaille maintenant à Casablanca pour le 360, l’un des principaux titres de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
Mohamedia, 9 Mars 2015
Toujours à la messe du 8 mars (voir mon précédent article du Journal), j’ai dû subir les paroles stupides d’un de ces cantiques qui ont remplacé nos beaux chants traditionnels en latin ou français d’avant le concile-dévastateur Vatican II. « Notre cité se trouve dans les cieux / Nous verrons l’Epouse de l’Agneau / Resplendissante de la gloire de Dieu / Céleste Jérusalem ! »…
Qui est cette épouse ? L’Eglise ? On ne sait trop… Si des musulmans qui, déjà, se moquent de ces catholiques « adorant un mouton puis mangeant la chair de leur dieu » entendent parler de cette « Epouse de l’Agneau », ils seront renforcés dans leur idée baroque du christianisme… •
Retrouvez l’ensemble des textes parus depuis le 14 janvier 2016 en cliquant sur le lien suivant : Journal d’un royaliste français au Maroc.
Je trouve singulier que LFAR se complaise dans ce traditionalisme ensoutanné et puéril de la messe en latin et des balourdises ante conciliaires. Si de braves gens veulent prier en latin, c’est leur affaire. mais moi, qui suis un catholique d’aujourd’hui, je ricane plutôt devant les cantiques niais que regrette M. Péroncel-Hugoz.
Ceci n’a rien à voir avec le combat monarchiste : si des roycos aiment s’ensevelir dans l’archaïsme de la lampe à huile et de la marine à voile, c’est leur affaire. Mais pour qui tient la monarchie pour une institution constamment adaptée à son temps – c’est d’ailleurs une de ses plus éminentes qualités – les jérémiades tradi ont autant d’importance que celles qui déplorent qu’on, ait inventé le téléphone et Internet.
Pierre Builly devrait se montrer moins critique à l’égard des traditionalistes catholiques. En effet, devant les positions de l’Eglise postconciliaire (peine de mort, Europe, immigration, mondialisme, anti-discrimination, souveraineté, et tant d’autres) les termes de l’alternative pourraient être, non plus Eglise conciliaire ou résistance de la tradition, mais démission ecclésiale ou antichristianisme. Cette perspective devrait l’inquiéter.
Je ne puis imaginer qu’un catholique puisse être encore partisan de la peine de mort en 2017, sauf, évidemment, en cas de haute trahison, ou lorsque les services spéciaux éliminent des individus dangereux pour le pays (mais ce sont là des actes de guerre, niullement des vengeances sociales). Pour le reste, sur l’Europe et tutti quanti, si davantage de catholiques comme nous s’impliquaient dans la vie des paroisses, l’Église ne s’en porterait que mieux. Au lieu de cela, les gens de notre sensibilité vont perdre leur énergie dans des combats ridicules et archaïques, comme la soutane ou le latin. Des trucs qui n’ont aucune importance, qui ne sont pas défendables en termes théologiques ou évangéliques, qui s’accrochent simplement à des « bons vieux temps » mythifiés.
Les églises orientales rattachées à Rome prient en d’autres langues que le latin, la soutane est une mode du 18ème siècle (imagine-t-on nos femmes vêtues aujourd’hui de robes à paniers ???), les cantiques d’aujourd’hui ne sont pas plus idiots que ceux de nos grands-mères (et, je le concède, pas moins).
Comme en politique, il faut « en être » pour pouvoir changer les choses…
Mon opinion est exactement inverse de celle de Builly. L’évolution du christianisme depuis deux siècles est due à des causes politiques. La peine de mort, comme l’a bien montré Pierre Manent, est une question politique, et les raisons pour l’Eglise de la condamner sont en relation avec le rapport de l’Eglise avec le pouvoir temporel. Les églises orientales, rattachées à Rome ou non, n’utilisent pas le latin pour leur liturgie, mais non plus des langues vernaculaires: l’araméen, le grec liturgique, le vieux slavon, l’arabe rituel, l’arménien ancien, l’amharique antique, le démotique. Son observation est donc sans fondement. Il en est de même pour sa critique de la soutane. L’adoption du « complet clergyman », en soi, n’est pas catastrophique, mais elle s’est faite dans le but de faire disparaître le vêtement ecclésiastique. Enfin, je pense que, au rebours de ce qu’il affirme, il n’est pas possible, de l’intérieur, de ramener le christianisme à la tradition politique. A partir des années 1880, l’Eglise a commencé, par petites touches, à se rallier à la démocratie idéologique, qu’elle avait jusque là combattue avec une extrême violence. On ne peut espérer (et favoriser) un déralliement que de l’extérieur. Car l’Eglise est une admirable machine à maintenir dans l’obéissance.
Bof… Pour un catholique cohérent, l’Église ne risque rien : elle estt d’essence divine et ne s’éteindra qu’à la fin du monde. Ou alors nous nous sommes fait rouler dans la farine depuis 2000 ans.
L’Église a survécu à une infinité de saletés qui seraient venues à bas de n’importe quelle institution : douteuses compromissions avec le Pouvoir politique, goût de l’or, obsessions sexuelles diverses, Papes hérétiques, clergé minable, scandales de toute sorte.
Si elle se perpétue c’est bien que le Bon Dieu est dedans !
L’Église d’aujourd’hui n’est sûrement pas pire que celle de la Renaissance, celle qui indigna tant Luther qu’en 1517, il eut ce mouvement de révolte qui détruisit l’unité de la chrétienté occidentale ; elle est même à la fois plus évangélique et plus raisonnable..
Mais enfin ceci est une autre histoire et ne devrait pas se trouver sur le fil de LFAR… Aussi quelle idée, chers amis, de nous faire part des émois de gazelle de M. Péroncel-Hugoz devant des cantiques qu’il n’aime pas ? Qu’il aille ouïr la messe à saint Nicolas du Chardonnet si ça lui plaît… mais où est là-dedans, le combat politique ?
Je constate que Pierre Builly répond à une question qui n’avait pas été posée, celle de la promesse d’éternité donnée à l’Eglise, et ne répond pas à celle qui l’était: le caractère politique de l’évolution du catholicisme. Après cela il se paie le luxe de dire que ce débat ne concerne pas le combat politique. Au demeurant, parler de l’histoire de l’Eglise n’implique pas nécessairement d’avoir la foi.
Pierre Bully pourrait avoir un peu plus de respect pour ceux qui n’ont pas sa sensibilité. L’attachement à la messe en latin est l’attachement à une liturgie qui résonne à travers les siècles, , une messe qui prend au sérieux la gravité et la beauté de l’office. Rien de passéiste comme il l’affirme. Il peut y avoir des messes recueillies conciliaires, mais c’est plus grâce à l’assistance , qui se prend en main qu’à la liturgie, qui escamote l’offertoire par exemple et n’aide pas toujours à ce recueillement L’attachement à la soutane , c’est simplement le respect attaché au Ministère par son habit.Il peut évoluer , sans être idôlatre, , mais là aussi il y a eu des dérapages
Maintenant si en tant que royalistes nous n’avons pas à prendre partie dans les querelles internes à l’Eglise, nous devons respecter la sensibilité de ceux qui ont été blessés , voyant un peu le sens s’évaporer et les assistants s’évanouir. Être royaliste, c’est aussi creuser notre relation concrète et la plainte de Preroncell-Hugoz mérite une réponse plus amicale.
je connais trop l’attachement invraisemblable de la plupart des gens de notre sensibilité politique pour le passé « en tant qu’il est le passé », leur conservatisme indécrottable et leurs pleurnicheries sur le « bon vieux temps » pour ne pas voir rouge dès qu’on fait d’archaïsmes certes respectables, mais dépassés une cause à défendre.
On se lève contre l’architecture moderne (haro sur les tours !), de la musique moderne, de l a littérature moderne (« Houellebecq est un répugnant pornographe ! » ai-je entendu il y a 15 ans dans une rencontre) ; on ne veut pas entrer dans le présent, moins encore dans l’avenir, on veut retourner dans le passé, si joli.
On veut que la France redevienne paysanne, que les femmes restent à la maison, qu’on reparle les patois provinciaux….
La monarchie est le régime le plus souple, le plus ductile, le plus adapté puisqu’à chaque génération d’homme, elle se régénère (Maurras dit ça beaucoup mieux que moi) ; mais à vous écouter on retrouve le goût des ruines de Chateaubriand, admirable écrivain et piètre homme d’État.
Raisonnement trop facile, Pierre. Ce n’est pas parce que le neuf est neuf qu’il est laid. Qu’y pouvons-nous si les modèles que nous propose la modernité sont affligeants? Devons-nous avec les bobos et les gogos admirer les impostures de l’art contemporain sous prétexte que c’est nouveau? Je sais que tu n’aimes pas les langues régionales, mais elles produisaient des poésies populaires sublimes, des chants délicieux. Tu préfères le rap? Tu aimes l’habitat dans les tours? Tu n’y habites pourtant pas. Quant à Chateaubriand, il aimait le passé, non par nostalgie, mais parce qu’il aimait la ruine. D’ailleurs, il s’empressait d’en détruire les héritages. Arrête donc de nous balancer des lieux communs. Nous te donnons des arguments rationnels, tu nous gaves d’apophtegmes éculés.
S’il y a un antimoderne, c’est bien Houellebecq !
On va s’arrêter là parce que ça commence à fatiguer, du fait des incompréhensions mutuelles. Je dis simplement qu’il faut, si l’on souhaite avoir une action politique possible, sinon « vivre avec son temps », tout au moins ne pas le rejeter systématiquement et, en tout cas, le connaître et essayer de le connaître avec passion, ne serait-ce que pour en combattre les dérives et horreurs.
Je n’aime pas le rap, mais je n’aime pas non plus Beethoven : d’une façon générale, d’ailleurs, la musique m’emmerde, sauf en fond sonore dans les ascenseurs et au supermarché. En revanche, oui, j’adore les tours et si je pouvais, je reviendrais volontiers au 22ème étage de la tour où j’ai vécu de 75 à 83, avec une vue sur tout Paris. Mais peu importe..
Quant à Houellebecq… comment se faire comprendre ? bien sûr, Houellebecq est le plus grand pourfendeur de la modernité que nous connaissions aujourd’hui ; mais précisément, il pourfend les aspects horribles de cette modernité avec un ton moderne…
Bon, on arrête là ; ça m’agace à la longue.
Sans s’arrêter! La ligne de démarcation n’est pas entre moderne et ancien, mais entre constructeurs et destructeurs selon le grand historien, méconnu en France et pas forcement royaliste, Guglielmo Ferrero.. les destructeurs ils emplissent en 2017 la page de nos médias: Nice, Manchester, Paris. Ils ont des devanciers: les massacreurs d’un certain 14 juillet de fidèles fonctionnaires, qui ont entrainé parce q’impunis à leur suite, la grand peur et deux siècles de guerres européennes, On les fête mais le 14 juillet 1790 ne les lave pas de leur péché originel, Et le régime héritier de ce faux fait d’armes, que nous subissons, se décompose- comme sous l’effet d’une malédiction ( 184, 1871,1940) sous nos yeux jusqu’au jour où un recontsructeur un vrai ..
Les constructeurs,c’est à dire, tous ceux ceux qui dans leur famille, dans leur métier au sommet de l’Etat ont tenté de restaurer la paix civile, de fonder en durée. Désolé Beethoven traverse les siècles , le rap ? Nos familles certes imparfaites aussi., car elles sont liées à cette chaine nouricière, mais la famille liée au fantasme actuel, à votre avis?
Quant à l’art ? la beauté sauvera le monde a dit Dostoïevski , bien avant Houellebecq , il a démasqué le nihilisme. Dirons nous qu’ Houellebecq l’actualise, mais sans tuteur.
ma nostalgie: ce que je vais vivre en résonance avec ce qui me précède. C’est tout
Désolé, Henri : Dostoïevski est lui aussi furieusement « antimoderne ». Comme Baudelaire, comme Poe. Tant d’autres. Appelez cela comme vous voulez. Comme vous pouvez, car il est exact que la ligne de démarcation n’est pas entre « ancien » et « moderne » en soi !
Vous avec écrit un très beau commentaire.
Oui Bernard Jacquier Dostoïevski n’était pas du tout moderne, en ce sens qu’il a démasqué le progressisme , une fois pour toute, par exemple dans « les démons », en montrant qu' »il conduisait à la terreur pour tous , ce nous promet Daesh actuellement ,mais ils ont eu des précurseurs.) ; Est-ce l’éternelle tentation gnostique ud’un âge d’or se muant en cauchemar
Mais d’un autre coté Dostoïevski est furieusement moderne,car il échappe à toute caricature, loin de toute nostalgie passéiste, il met le doit de manière inégalable sur nos déchirures et sur notre » incomplétude », et induit à notre conversion; « ici commence une nouvelle histoire » conclut Crime et châtiment . il est donc de son époque, tellement il attache d’importance à chaque instant de notre vie, mais aussi de la nôtre. Aujourd’hui il discuterait à perte de vue dans les cafés avec les électeurs de Mélenchon et d’autres; Il ne se déroberait pas! .Hans Scholl , confesse dans ses carnet, avoir été ébloui en Russie en 1942. par Dostoïevski, qu’il comprend enfin intimement., et on comprend qu’il a nourri sa Résistance. Il nourrit encore la nôtre en 2017. Quoi de plus actuel et donc de plus plus moderne , au bons sens du terme!