Ce qui est frappant au terme des législatives, c’est de voir à quel point la démocratie française est devenue un problème pour elle-même. Pour ses propres croyants ou pratiquants : politiciens, journalistes et intellectuels du conformisme.
Entre 1870 et 1914, la France a vécu sous le règne de la reine Revanche ; entre 1914 et 1918, ce fut la monarchie de la Guerre. Les législatives conclues hier se sont déroulées sous le signe de la reine Abstention qui ronge la démocratie française au cœur.
La lassitude démocratique gagne du terrain chez les Français depuis plusieurs décennies. Peut-être, en fait, est-elle un sentiment de toujours. Mais plus encore depuis que, à cause du quinquennat, les législatives se font dans la foulée de la présidentielle ; et plus encore depuis que l’on a eu la bonne idée des primaires, à cause desquelles la France vient de vivre au moins une pleine année d’élections.
Des abstentions qui se sont montées hier à 58% mettent le Système en question dans son principe même. Les sondeurs nous disent que seul un tiers des jeunes de 18 à 34 ans a voté ; et que, par contre, les deux tiers des Français âgés, eux, votent. De sorte que, avec le temps, l’abstention ne peut que croître et embellir, transformant la démocratie française en gérontocratie minoritaire. Faut-il rendre le vote obligatoire ? La question vient d’être posée. De droit, le vote deviendrait ainsi contrainte et obligation…
Bainville qualifiait l’électeur de « pauvre souverain d’un jour ». Peut-être ledit électeur a-t-il pris aujourd’hui conscience des illusions de cette souveraineté. Peut-être sommes-nous à la fin pure et simple du cycle démocratique. Du moins tel que la France, née royaume, l’a vécu – plutôt mal – depuis la funeste année 1789. •