Par Antoine de Lacoste
Le 5 juin dernier, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar, ainsi que d’importantes mesures de rétorsion : fermetures des frontières terrestres et maritimes, suspension des liaisons aériennes, restrictions sur les déplacements de personnes.
Aussitôt, l’Egypte, le Yémen, Bahreïn et les Maldives ont emboité le pas : sous perfusion financière de l’Arabie Saoudite, ces pays n’ont rien à lui refuser.
Le grief avancé fait sourire, puisque qu’il concerne « le soutien au terrorisme» . Il est vrai que le Qatar a soutenu des groupes islamistes pratiquant le terrorisme, notamment en Syrie. Mais chacun sait que l’Arabie Saoudite a fait exactement la même chose (mais en faveur de groupes rivaux) et que plus largement, par le biais du financement de mosquées salafistes dans le monde entier, elle a plus fait pour le développement du terrorisme qu’aucun autre pays au monde.
En réalité, deux raisons plus sérieuses expliquent cette soudaine décision.
La première tient à l’excessive modération du Qatar à l’égard de l’Iran. La grande puissance chiite, remise en selle grâce à ses succès dans le conflit syrien et à l’accord sur le nucléaire signé en juillet 2015 avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, est l’ennemi mortel de Riyad. Pour des raisons religieuses bien sûr mais, au-delà, pour la domination du Proche-Orient.
La cause de cette modération qatarie, bien réelle, est simple : l’Iran et le Qatar se partagent un gigantesque gisement gazier dans le Golfe persique et cela nécessite un minimum de dialogue. Et puis Riyad et Doha ne s’aimant guère, il est bien évident que le second ne va pas suivre aveuglément les diktats diplomatiques du premier.
La deuxième raison, plus importante encore, est le soutien constant du Qatar envers les Frères musulmans. Cette fameuse société a été fondée en 1928 en Egypte. Organisation intellectuelle prônant le renouveau de l’islam, elle est officiellement hostile à la lutte armée. La réalité est plus complexe, mais ce qui est certain c’est qu’il y a une rivalité très forte entre les salafistes et les Frères musulmans pour la suprématie au sein de l’islam sunnite.
L’Arabie Saoudite, en tant que principale puissance salafiste, ne peut que regarder d’un mauvais oeil tout soutien à cette organisation concurrente dont l’influence est importante dans plusieurs pays arabes : en Egypte bien sûr où elle a même été au pouvoir avec Mohamed Morsi jusqu’au coup d’Etat du Maréchal Sissi. Au sein du Hamas palestinien ensuite (c’est une des causes du rapprochement entre Israël et l’Arabie Saoudite), en Turquie depuis longtemps, en Jordanie également.
L’un de ses succès d’influence les plus réussis concerne l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, le fameux OSDH. Installé à Londres (longtemps soutenu par les services secrets britanniques), il est aujourd’hui l’unique source d’information (de désinformation devrait-on dire) de nombreux medias occidentaux sur le conflit syrien. Ses informations orientées et distillées en fonction des intérêts ponctuels des groupes armés islamistes ont beaucoup contribué à entretenir la fiction de rebelles modérés.
Le Qatar est donc le principal soutien des Frères musulmans et l’Arabie Saoudite ne l’accepte plus. Ainsi, Doha abrite plusieurs chefs du Hamas et Ryad exige qu’ils soient expulsés et livrés aux Israéliens. Le paradoxe n’est qu’apparent quand on examine le fond des choses…
Le plus cocasse dans la mise au ban du Qatar, c’est que les Américains ont été pris de court.
En effet, à aucun moment, ils n’ont été informés de la décision saoudienne. Mieux, ils ne l’approuvent pas et, embarrassés, appellent au dialogue et à la modération. Tout comme la France d’ailleurs, qui ne voit pas d’un bon oeil une brouille durable s’installer entre ses deux principaux alliés arabes.
En réalité, cette offensive saoudienne inattendue est la conséquence directe de la récente visite calamiteuse de Trump à Riyad (voir notre article précédent).
En dénonçant, contre toute raison, l’Iran comme l’axe du mal (les Américains adorent désigner des méchants à l’opprobre internationale), et en faisant à nouveau de Riyad le pivot de la politique américaine dans la région, Trump lui a donné, sans même s’en rendre compte, un blanc-sein, un droit d’agir sans retenue dont on voit déjà le premier résultat.
Ironie de l’histoire : aujourd’hui la seule puissance capable de parler à tous dans la région, c’est la Russie. •
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Que cherchent les Américains en Syrie ?
Il faut se féliciter de cette collaboration d’Antoine de Lacoste à Lafautearousseau.
Ces analyses et ces informations de première main nous apportent un éclairage précieux sur l’un des principaux théâtre d’opérations, hautement géostratégiques. Merci et bravo.
effectivement bravo! Lumineux ,éclairant une grande partie de l’imbroglio moyen-oriental . Conduisant d’ailleurs a s’interroger sur les composantes complémentaires de cet imbroglio. Par exemple qui ,au MO peut avoir interet a l’entretenir ,en jouant sur les aptitudes profondes des musulmans a se diviser et se dechirer ?Qu’en sortira-t-il? Ces profondes divisions sont-elles et seront-elles a l’avenir un avantage ou un inconvenient pour nous ,Français et Européens qui ,du fait d’une ahurissante politique migratoire partageons déja nos pays avec une forte minorité musulmane qui sera un jour majorité ,inéluctablement ,a cause de l’immigration et de la natalité differentielle.. En clair le futur européen connait et connaitra le terrorisme (On nous le répète depuis le sommet de l’Etat…..) . Connaitra-t-il aussi la guerre civile intra-islamique ?Serons-nous voués a etre le champ de bataille entre Sunnites et Chiites et autres ? Devons-nous souhaiter le maintien de leur désunion ou leur union ,si elle risque de se tourner contre un adversaire commun : nous?
A Marseille le projet de Grande Mosquée ,pourtant soutenu par tout l’echiquier politique ,FN excepté ,est en panne depuis dix ans (Personne ne sait ou sont passés les fonds…..) a cause de la division entre six tendances ,religieuses et nationales (extra-françaises bien sur….) .Doit-on s’en feliciter ou en craindre les conséquences? Les deux peut-etre .
C’est ce que l’on appelait dans mon pays (L’Algérie française) une histoire arabe : « Quand ils ont fini de te la raconter et de te l’expliquer tu comprends encore moins qu’au début…… »
Boutade ,sans doute ,mais qui me fait de moins en moins rire…….
Je ne partage pas complètement cette analyse qui laisse penser que les Saouds agiraient par eux-mêmes.
L’Arabie Saoudite est une base US et aujourd »hui israélienne qui ne peut pas bouger un petit doigt sans l’accord de Trump. Ils n’ont aucune initiative. Les Saouds ne sont pas des Erdogan !
Trump a renouvelé la protection américaine aux Saouds, une sorte de nouveau Qincy avec de nouveaux termes ;
1. Isoler l’Iran pour préparer son attaque et plaire aux israéliens, Trump doit subir une pression énorme des israéliens et néocons US. Il lâche du lest. C’est pour cela qu’il a choisit le général Mattis qui est depuis toujours anti-iranien.
2. Réduire les forces terroriste en présence en Irak et en Syrie en divisant leurs sponsors. Le qatar finance Al Nosra qui est le proxy de la France , de la GB et de l’Allemagne. En agissant sur le financier d’Al Nosra, Trump souhaite liquider cette mouvance et réaffirmer sa position contre celle des européens. Après Trump liquidera les autres. Etape par étape.
L’OSDH est une officine de propagande qui correspond a un membre unique présent dans un bureau, crée par le MI6, comme les casques blancs qui eux oeuvrent sur place.