Par André Bercoff
HUMEUR – André Bercoff revient avec humour [Figarovox, 10.07] sur la petite phrase d’Emmanuel Macron qui a tant fait parler. Lors du G20, le Président de la République a lié lutte contre le terrorisme islamiste et lutte contre le réchauffement climatique, provoquant une vive polémique. Nous avons souvent dit aimer le style d’André Bercoff, langue, pensée directe, grand bon sens, humour, qui nous changent du style professoral qui est à foison sur la toile, comme sur les ondes, ou le papier … On pense à ce que disait Maurras de Léon Daudet : « sans lui nous aurions été un journal de grands professeurs ». André Bercoff moque – un peu seulement – l’usage sibyllin que fait souvent Macron de cette pensée complexe dont nous parlions lundi dernier. Et nous nous demandions qu’est-ce qui prévaudrait chez lui de l’idéologue ou du pragmatique. En l’espèce, la réponse est plutôt claire. LFAR
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.» L’on comprend qu’Emmanuel Macron limite au maximum ses conversations avec les folliculaires en mal de petites phrases. Une pensée complexe ne se dévoile pas devant le premier venu. Elle se mérite. Elle doit être distillée au compte-gouttes, selon la théorie de la parole rare chère à certains gourous de la communication. L’ex-candidat déjà, lors de sa foudroyante campagne présidentielle, nous avait donné quelques échantillons de cette complexité en marche, cette manière à la fois humble et majestueuse de ne respirer qu’aux cimes. Sur la culture, la colonisation, l’instantanéité, sa dialectique du « et en même temps », par son spiritualisme, allait bien plus loin que le matérialisme d’un Marx ou d’un Mao. La vision d’un Hollande, emploi fictif pendant cinq ans, commentateur non-stop de sa propre inaction devant la quasi-totalité des journalistes de France et de Navarre, l’avait visiblement laissé songeur. D’où, depuis un mois, le rétrécissement des dialogues et les sanglots longs des violons médiatiques à l’annonce d’un 14 juillet sans interview.
Mais heureusement pour nous, le président parle lors des sommets, des rencontres internationales et bilatérales, des commémorations. La parole jupitérienne s’y déploie avec le faste et la subtilité qui lui sont naturels. Ainsi, quand Big Mac nous explique, en substance, qu’il sera impossible de vaincre le terrorisme sans lutter contre le réchauffement climatique, il se range d’emblée dans la catégorie des hommes d’Etats visionnaires. L’avalanche de quolibets qui a suivi cette déclaration a de quoi étonner. Le raisonnement macronien est en effet le suivant : les terroristes sont financés par l’argent du pétrole. En se mobilisant pour les énergies renouvelables et en finissant avec les fossiles, on assèchera tôt ou tard la nappe où croissent et se multiplient les barbares daeshistes. CQFD.
Certes, des esprits chagrins objecteront que s’il faut attendre la fin de la dernière goutte de pétrole, on aura peut-être réglé la question de la guerre contre le fanatisme, au mieux, à la fin du XXIème siècle. Et que lier la guerre mondiale déclenchée par la nouvelle idéologie totalitaire et génocidaire au trou de la couche d’ozone et au gaz à effet de serre, apparaît quand même comme une incongruité monumentale. On a pu voir à quel point les COP 21 et 22, avaient fait trembler de peur les nombreux émules d’Abou Bakr El Bagdadi. A ce compte, il faudrait nommer séance tenante Nicolas Hulot à la tête de la coalition antiterroriste. La force de frappe écolo serait, à cette aune, plus efficace que Trump, Poutine, et toutes les armées du G20. Décidément, Emmanuel Macron a tout compris. Il a tracé le cap, il ne nous reste plus qu’à admirer, à suivre et à nous rendormir. •
André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre, Donald Trump, les raisons de la colère a été publié chez First (2016).
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