Par François Marcilhac
Emmanuel Macron serait-il déjà en train de perdre le crédit très relatif qu’il avait auprès des Français ?
En tout cas, l’affaire Pierre de Villiers laissera des traces. Et pas seulement auprès de l’armée, envers laquelle, pourtant, Macron avait entamé un travail de séduction dès son intronisation, lorsqu’il avait remonté les Champs-Élysées sur un véhicule militaire. Non, auprès des Français aussi, qui voient progressivement apparaître le vrai visage de leur nouveau président. Dans les média serviles, c’était à qui verrait, chez Macron, le retour du sens de l’État, une attitude gaullienne, une posture régalienne… Cette « verticalité
» du pouvoir – mot à la mode pour ne pas dire transcendance – que Sarkozy et Hollande, le premier par sa vulgarité, le second par sa normalité, avaient abolie, Macron l’avait de nouveau investie, au sens premier du terme, c’est-à-dire en revêtant le costume de la fonction, par une attitude ferme et pleine de hauteur, comprenant que les Français, qui sont restés profondément monarchistes et donc attachés à la dignité de la fonction suprême, n’avaient pas pardonné à leurs deux prédécesseurs leur médiocrité. On est allé jusqu’à évoquer Louis XIV : vainqueur de la Fronde, celui-ci ne s’était-il pas fait représenter par Charles Poerson avec les attributs de Jupiter ? Soit, mais en sachant toujours « raison garder
». Il est vrai qu’après l’avachissement de la fonction présidentielle durant dix années, voire quinze, Chirac ayant joué au roi fainéant durant son second mandat, il n’était pas difficile pour Macron de faire illusion. Même si, s’agissant de salir la France, ses propos indignes lors de la commémoration de l’horrible rafle du Vel d’Hiv, voulue par l’occupant allemand, se sont inscrits, eux, dans la plus indigente continuité. Mais, devait-il penser, par la jeunesse, une certaine prestance physique, des mises en scène soignées, des entretiens accordés ici ou là rompant habilement avec une pratique du pouvoir rejetée par les Français, il serait facile de leur faire prendre des vessies pour des lanternes et la manifestation d’un ego démesuré pour une posture royale. Dans notre précédent éditorial, nous nous inquiétions, après le discours de Versailles, de savoir si le nouveau président de la République avait le sens de la mesure. Nous constations que le vernis commençait de craquer. Nous ne pensions pas que les faits allaient nous donner raison si vite.
N’est pas Jupiter qui veut
Car n’est pas le Roi-Soleil, ou Jupiter, qui veut. D’autant que le chef d’État-Major des armées (CEMA) n’avait organisé nulle fronde – ni nulle tentative de putsch ! Il a, comme c’était son droit, et plus encore son devoir dans un régime de séparation des pouvoirs, informé à huis-clos la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale de l’état réel de celles-ci et donc de l’impossibilité dans laquelle il était de cautionner un nouvelle baisse de leur budget que, du reste, le président de la commission, un macroniste, a lui aussi déplorée. Mais avec Macron, c’est bien Bercy, et non l’Olympe, qui a pris le pouvoir. La décision, dont le comte de Paris a dénoncé « l’éternelle courte vue
», de soustraire 850 millions d’euros aux armées, soit 20 % de l’effort demandé, comment la justifier, d’autant que certains ministères sont touchés bien plus que d’autres ? Ainsi, Bercy ne l’est qu’à hauteur de 268 millions. Ne faut-il pas, il est vrai, financer la dotation de 100 millions que va recevoir le parti du président, ainsi que le futur budget de Madame ? Une baisse en tout cas insupportable pour la Défense qui augure mal de la volonté réelle de Macron de porter à 2 % du PIB le budget des armées d’ici à 2025. Surtout qu’il ne s’est pas contenté de cette première faute morale, doublée d’une « faute politique majeure
» (Jean-Dominique Merchet à 20 Minutes), qu’a été ce « recadrage médiatique
» consistant à désavouer publiquement le CEMA, le 13 juillet, devant le gratin de l’armée rassemblé à l’Hôtel de Brienne : il a récidivé dans Le Journal du dimanche, à la suite de la dernière « lettre à un jeune engagé
», publiée le 14 juillet par le CEMA, dans laquelle ce grand soldat écrit : « Méfiez-vous de la confiance aveugle ; qu’on vous l’accorde ou que vous l’accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité. Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être aveuglément suivi. La confiance est une vertu vivante. Elle a besoin de gages. Elle doit être nourrie jour après jour, pour faire naître l’obéissance active, là où l’adhésion l’emporte sur la contrainte.
» Des propos admirables.
Un profond aveu de faiblesse
En revanche, cette façon compulsive qu’a Macron de rappeler à tout bout de champ qu’il est le « chef
», qu’est-elle d’autre qu’un profond aveu de faiblesse ? Et cette double faute morale et politique, humiliante par ailleurs pour une ministre de la Défense vouée à l’inexistence par le « chef
», que traduit-elle d’autre que la profonde fêlure intérieure d’un Emmanuel Macron ressentant sa légitimité incertaine de président mal élu comme une offense à son ego ? « Il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique
» : cette phrase lui revient en boomerang. Car c’est Macron qui sort diminué de sa piteuse remontrance. Un chef s’impose de lui-même, dans la dignité marmoréenne, et donc économe de mots, de son autorité. Celle-ci est déjà atteinte s’il croit devoir rappeler qui il est. Comment ne pas penser à Chirac, le 14 juillet 2004, à propos, déjà, du budget de la Défense ? Mais il s’agissait alors de l’augmenter – une augmentation que contestait Sarkozy, le ministre des Finances : « je décide, il exécute
», avait rugi le chef de l’État, avouant ainsi que les rôles n’étaient plus clairement définis. Mais Sarkozy n’était que ministre. En désavouant son CEMA, c’est à l’autorité même de cette fonction qu’il s’attaque, et donc à la cohésion et au moral de l’armée, prouvant qu’il a d’autant moins et le sens de l’État et celui de sa fonction de chef des armées, que des soldats français risquent leur vie tous les jours, et meurent trop nombreux, sur des théâtres d’opération à travers le monde. Quant à récidiver quarante-huit heures plus tard, c’est montrer qu’on laisse son amour-propre dicter définitivement sa loi. Affirmer, enfin, qu’on n’a besoin de « nuls commentaires
», n’est-ce pas reconnaître qu’on ignore ses propres insuffisances ? « Le roi en ses conseils
», disait l’adage. Le roi connaissait, lui, ses insuffisances. Une supériorité fondamentale sur notre Jupiter autoproclamé.
La méthode immature du chef de l’État
N’écouter que soi et risquer d’aller au clash pour affirmer son ego, telle semble être la méthode immature du chef de l’État. Il en est de même avec les collectivités territoriales. S’imposant le lundi 17 juillet au Sénat derrière Philippe, comme si celui-ci ne servait décidément à rien, Macron a confirmé la disparition totale, à terme, de la taxe d’habitation et des coupes sombres dans le budget des collectivités territoriales (13 milliards d’euros) tout en annonçant une refonte de la fiscalité locale, mais sans redéfinir le périmètre des charges qui leur sont dévolues. Or, l’État s’est désengagé sur elles depuis plusieurs années de nombreuses politiques en matière de solidarité ou d’éducation… Le satisfecit du Fonds monétaire international (FMI), qui vient de saluer sa politique économique et sociale (les ordonnances en cours), semble manifestement lui suffire. Pour la finance mondiale, ce roi sans majesté est, comme on dirait dans sa langue, « the right person in the right position at the right time
»… Il n’est pas certain, toutefois, que, décevant déjà les Français, il ne déçoive également bientôt ses maîtres… Le problème Macron ne fait que commencer. •
L’Action Française 2000 du 20 Juillet 2017
Votre analyse semble très partialement sévère; elle serait davantage justifiée si votre position n’avait pas de tout temps été hostile au chef de l’Etat, un chef intelligent, cultivé, qui apprendra vite de ses erreurs à mon avis. Reste que ce mélange de « symbolique » et d’autoritarisme maladroitement exprimé publiquement démontre la justesse de l’analyse célèbre faite par le même E. Macron en 2015 dénonçant « l’incomplétude » de notre démocratie….sans Roi!
Il ne s’agit pas d’être hostile ou non à un Président, mais d’être fidèle à l’amour de notre pays. et de le rappeler sans sectarisme mais sans faiblesse à celui qui peut l’avoir blessé en nous.. Maintenant je ne suis pas si sûr que notre président soit si cultivé; Il a certes une culture de concours celle d’un bon élève , , un peu superficielle qui vise à plaire ( sans oublier ses failles énormes , sur la Guyane ou aurait-il mélangé Napoléon III avec le premier? la Culture , la vraie, c’est autre chose: cela suppose creuser sa fidélité , se découvrir une vraie personnalité., s’évader de son narcissisme impénitent .A ce titre François Mitterrand avait une vraie culture mâtinée hélas d’un cynisme tranchant. ..Nous avons des présidents qui n’ont hérité que de son cynisme., sans vraie culture historique.
Cher Noel Hugues,
La sévérité a été mise à l’ordre du jour par Macron !
En revanche, pour sa maladresse, je suis d’accord; il est bien maladroit.
Sinon je suis comme Henri… je n’aurais pas embauché Macron.