Bourguiba en compagnie de Benali
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam, et il travaille maintenant à Casablanca pour le 360, l’un des principaux titres de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
Samedi 8 janvier 2011, Rabat
Comme d’hab, depuis un lustre, nous tirons les Rois à Rabat chez la famille Kuntz. Logique : la première fois que j’ai vu Florence Kuntz, alors élue euro-rhonalpine, c’était aux Baux, jadis, pour y accueillir le prince Jean de France.
Au marché, à la superette, chez le mécanicien, le coiffeur, le kiosquier, le traiteur, etc, les Marocains entre eux ne parlent, avec passion, à haute voix, que d’une seule et unique chose : les événements de Tunisie, et accessoirement de ceux qui se dessinent en Algérie. Partira-t-il ? Oui ou non ? Qui ? Le général-président Ben-Ali (dont le prénom, Zine-el-Abidine, « la parure des dévots [d’Allah] » est tout un poème…)
Pour ma part je n’ai jamais prisé ce militaire à esprit flic qui certes a eu beau jeu en 1987 d’opérer un coup d’Etat médical pour écarter un Bourguiba quasi retombé en enfance mais qui, alors, annonça sa couleur en ne prévenant que Washington de cette mesure salutaire – et non point Paris, pourtant traditionnellement aux petits soins pour l’ancienne Régence de Tunis… Au reste, le principal responsable des incertitudes tunisiennes actuelles, c’est Bourguiba, qui faisait risette aux Occidentaux et se laissait volontiers surnommer par les musulmans, el moudjahid el akbar, complaisamment traduit en français par « le Combattant suprême » mais qui, en arabe, veut dire « le plus grand djihadiste »… De même, le quotidien francophone officieux de l’Etat-fellaga d’Alger s’est toujours appelé El Moudjahid (sans traduction, et pour cause). Oui, Bourguiba peut être largement crédité de la présente situation plus qu’incertaine à Tunis, car c’est lui et lui seul, sans demande populaire, qui, en 1957, l’an d’après la fin du Protectorat français sur son pays, déposa Lamine-Bey qui venait de se proclamer roi de Tunisie (comme au Maroc le sultan de l’Empire chérifien devenait le roi, malik). Si l’émir Fayçal, régnait aujourd’hui à Tunis, au lieu d’écrire des romans historiques inspirés par son histoire dynastique (une lignée au départ créto-corse, d’obédience ottomane, sur le trône de Tunis depuis 1705), la transition pourrait sans doute s’opérer plus sereinement, dans le respect de la continuité étatique, ce dont on est loin maintenant, la rue, très excitée, imposant sa loi … •
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