Quand j’ai annoncé, autour de moi, en 2005, que j’allais m’établir un certain temps à Mohammedia, l’ancienne Fédala, sur la côte atlantique entre Rabat et Casablanca, plusieurs voix, goguenardement, me lancèrent : « Quelle idée, toi qui as toujours vécu dans l’Histoire, d’aller te fourrer dans un endroit sans Histoire ! » (…)
Mal vu ! À peine avais-je transporté quelques-unes de mes pénates entre le cap Fédala et la Casbah de Mansouria, sur le littoral de la Chaouïa, que je me rendis compte – en arpentant ruelles et campagnes, en discutant avec les gens du cru, en feuilletant quelques antiques revues acquises dans une joute ou prêtées par des pieds-noirs restés fidèles au poste, en ouvrant quelques livres d’hier et d’aujourd’hui – que si l’actuelle Mohammedia était bien une « ville nouvelle », déjà centenaire quand même, fondée ou plutôt refondée par le maréchal Lyautey et quelques autres Français entreprenants, dont la fratrie industrielle Hersent, sous le règne et avec l’onction du sultan Youssef le Sage (1912-1927), elle n’en reposait pas moins sur un substrat préhistorique et historique consistant, en terrain humainement giboyeux, puisque faisant entrer en scène, sur l’immuable base de la vigoureuse race berbère : Phéniciens, Romains, Byzantins, Vandales, Arabes, Portugais, Espagnols, Français; tous ayant laissé des traces visibles ou invisibles dans cette « cité des 10 000 palmiers» et ses entours. •
Péroncel-Hugoz
2000 ans d’histoires marocaines, 2e édition, 2014, p.7.