Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Péroncel-Hugoz, longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, a publié plusieurs essais sur l’Islam, et il travaille maintenant à Casablanca pour le 360, l’un des principaux titres de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà donné des extraits. Nous en faisons autant, depuis janvier 2016, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
Dimanche 9 janvier 2011, Fédala-Mohamédia
Messe à Saint Jacques, dite par un prêtre négro-africain venu spécialement de Casablanca, comme chaque dimanche. Environ la moitié de la centaine d’assistants (pour quelque 1500 catholiques vivant dans cette ville, entre Rabat et Casa) est de la même origine continentale, étudiants à l’Université locale Hassan-II, ce qui confère à notre office une vibration religieuse me rappelant celle de la cathédrale d’Abidjan, à l’époque bénie d’Houphouët-Boigny…
A la sortie, une Parisienne féministe, mariée à un pied-noir pas féministe, me remet une coupure de presse casaouie d’avril 2008 indiquant que « 8% seulement des Marocaines sont hostiles au port du voile. » « Et en Tunisie », ajoute la brave dame, « les islamistes risquent maintenant de vouloir faire la loi. Regardez, même ici, une élue islamiste a eu le toupet de déclarer que si Lalla-Selma [l’épouse de Mohamed VI, mère du prince héritier] sortait en cheveux, c’était pour l’image du Maroc en Occident et que ça ne devait pas être pris pour une désobéissance délibérée à l’injonction coranique d’Allah sur le voile ! »
Je scandalise mon interlocutrice en lui rétorquant : « Mais, madame, laissez ces pays faire ce qu’ils veulent ! Ce n’est pas à nous de leur indiquer la façon d’appliquer les prescriptions islamiques. Même à l’époque coloniale, même en Algérie, nous ne l’avons pas fait, nous contentant de supprimer discrètement les mutilations judiciaires et l’esclavage, et encore même pour ça des mahométans n’ont pas manqué de nous reprocher de nous mêler de ce qui ne nous regardait pas… – Oui, mais monsieur, on n’est plus au XIXe siècle ! – Merci, madame, de me le rappeler mais je vous signale que la ré-islamisation sociale en Tunisie, voile compris, a commencé depuis 15 ou 20 ans et se poursuivra quel que soit le successeur de Ben-Ali…- Mais alors, et le progrès ? – Madame, les musulmans n’en ont pas la même conception que nous, puisqu’ils le subordonnent à leur foi, etc. »
Ma compatriote, qui ne comprend pas qu’elle fait sans le savoir de l’impérialisme culturel, s’en va furieuse… •
Retrouvez l’ensemble des textes parus depuis le 14 janvier 2016 en cliquant sur le lien suivant : Journal d’un royaliste français au Maroc.