Rachel Notley
Par Mathieu Bock-Côté
Une tribune publiée hier dans le Journal de Montréal [5.09].
Il y a quelques jours, pour marquer l’Aïd al-Adha, une fête majeure pour les musulmans, la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, a diffusé une vidéo où elle leur souhaitait les meilleurs vœux en se voilant.
Ce n’était pas la première fois. En 2016, dans un contexte semblable, elle s’était aussi voilée. Sachant que Rachel Notley n’est pas musulmane, on doit donc conclure qu’elle a décidé de se déguiser en musulmane.
Voile
Manifestement, elle croit envoyer un signal d’inclusion aux musulmans en empruntant leurs symboles.
On peut voir la chose autrement. En se déguisant en musulmane, elle nous rappelle malgré elle le principe qui caractérise le multiculturalisme, c’est-à-dire l’inversion du devoir d’intégration.
Ce n’est plus à l’immigrant de s’adapter à la société d’accueil, mais à cette dernière de se transformer pour l’accommoder. On adoptera même ses symboles identitaires et religieux.
C’est ce qu’on appelle de nos jours l’ouverture à l’autre. Ce terme masque souvent une incapacité de la société d’accueil à assumer sa propre culture, sa propre civilisation.
Mais plus encore, Rachel Notley envoie un étrange message aux musulmanes.
Doit-on comprendre, à la regarder, que les vraies musulmanes sont celles qui sont voilées ?
On nous répète sans cesse que le voile est optionnel dans l’islam, qu’une femme est libre de le porter ou non. Alors si tel est le cas, pourquoi Rachel Notley se voile-t-elle ?
Islamisme
Pourquoi normalise-t-elle le voile islamique, qui demeure un symbole trouble ?
Pourquoi reprendre la consigne des islamistes qui veulent imposer le voile comme un marqueur identitaire des musulmanes et comme le symbole de leur conquête de l’espace public ?
Les islamistes ne risquent-ils pas de voir là un symbole de soumission ?
Pourquoi ne pas soutenir les musulmanes qui, justement, veulent se délivrer de ce qui est souvent vu comme une marque d’oppression ?
La générosité mal comprise peut faire faire des bêtises. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).