Trois questions à… Charles Saint-Prot, directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques, qui a donné une conférence au Camp Maxime Real del Sarte 2017 sur la place de la France dans le monde. Il répond ici aux questions d’Action française 200O. Charles Saint-Prot est aussi un vieil ami de l’actuelle équipe de Lafautearousseau. LFAR
Vous évoquez la nécessité de la volonté politique en matière de politique étrangère, cependant le problème de nos élites n’est-il pas une méconnaissance de la France en tant qu’entité historique, voire sa négation ?
Il ne peut y avoir de grande politique étrangère sans une ferme volonté politique et sans un cap précis conforme à l’intérêt national puisque le but ultime du politique est de servir cet intérêt. Il est triste de devoir constater que la volonté politique est trop souvent absente ou du moins très timide dans la politique étrangère de la France. Cela est dû au fait que les hommes politiques ont, pour le plus grand nombre d’entre eux, sombré dans la facilité, la routine, la soumission à l’idéologie du renoncement. Ils se sont laissé enfermer dans le piège mortel d’une construction européenne qui se fait sous la forme d’un super-État totalitaire au détriment des États-Nations, à commencer par la France.
Comme je l’expose dans mon ouvrage L’État-nation face à l’Europe des tribus (Cerf), l’eurocratie – dirigée par une Allemagne sûre d’elle-même et dominatrice – rêve de faire sauter le verrou de la nation pour imposer un système supranational s’inscrivant dans le projet mondialiste ultra-libéral. Il semble que la plupart des dirigeants français ne prennent pas la mesure de la menace puisqu’ils acceptent ce diktat supranational, ignorant du coup les lois de la politique française et les leçons de l’Histoire qui enseignent qu’il faut toujours rester maître chez soi sinon on court le risque de perdre toutes ses libertés en perdant son indépendance.
Ne doit-on pas voir dans ce renoncement une conséquence de la faillite de nos institutions (républicaines) ?
Sans doute la situation déplorable de notre politique étrangère est- elle due à l’inconséquence d’un système politique dont les faiblesses sont évidentes. Ce système est générateur de prétendues élites a-nationales et conformistes qui ignorent le bien commun, bafouent les intérêts les plus évidents de la nation et sont déconnectées du pays réel. Ce système est en faillite ; il ne vit qu’au jour le jour, d’une élection à l’autre. Du coup, pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, la thèse exposée par Maurras dans son fameux Kiel et Tanger – dont le président de la République Georges Pompidou louait d’ailleurs la lucidité lors du centenaire de Sciences Po – se révèle exacte : le régime républicain, qui est hélas de plus en plus tributaires des brigues, des factions et des groupes de pression, est impuissant et, par conséquent, incapable de mener une politique étrangère durable conforme à l’intérêt national.
Quelle est la place des droits de l’homme au sein de la diplomatie ?
Une politique étrangère obéit à des objectifs précis concernant le rôle d’une nation dans le monde. Il est clair qu’elle n’a pas à répondre à des critères idéologiques, sentimentaux ou prétendument moraux. Il ne faut pas mélanger politique et morale. Il ne s’agit pas de pratiquer une sorte d’ingérence en donnant à tout bout de champ des leçons aux autres et en se mêlant des affaires intérieures des États souverains. Pas plus d’ailleurs qu’il ne faut se laisser donner des leçons par les autres. La politique étrangère ne consiste pas à se faire le propagandiste d’options idéologiques en faisant la promotion de la « démocratie » et des « droits de l’homme », toujours conçus à sens unique et d’une manière bien hypocrite quand on voit le nombre de situations dramatiques que l’on s’obstine à ignorer (par exemple l’éradication de l’identité tibétaine par la Chine)
Ce qui doit primer dans l’ordre international c’est le principe, posé par les traités de Westphalie (1648), réaffirmé par le Congrès de Vienne de 1815 et exposé dans la Charte des Nations unies adoptée en 1945 : le droit international est fondé sur le principe de la souveraineté, intérieure et extérieure, des États. Sans le respect de la souveraineté s’impose alors la loi du plus fort ou celle d’un super-État artificiel ou encore celle d’obscures institutions supranationales qui n’ont aucune légitimité.
Pour ce qui concerne la place de la France dans le monde, il faut se concentrer sur l’essentiel : la priorité fondamentale c’est la récupération de tous les instruments de souveraineté (politique, monétaire, économique, juridique, linguistique…), le refus de se soumettre à une entité supranationale comme l’union européenne, la reconstruction d’un ordre multipolaire fondé sur la souveraineté des États et respectant la diversité et l’indépendance des nations. •
Repris du site Action française – Publié le 15.09.2017