par Louis-Joseph Delanglade
Tapis rouge pour Mme Hidalgo à son retour de Lima où Paris a été désigné officiellement « ville hôte » des J.O. de 2024.
Accueil d’un triomphalisme déplacé quand on sait que le choix de Paris est le résultat, connu d’avance, de tractations avec l’autre ville candidate, Los Angeles, laquelle aura aussi « ses » J.O. en 2028 et, mieux, touchera une rallonge de deux milliards de dollars : tractations sous l’égide du Comité international olympique et avec sa bénédiction. Mme le maire de Paris, qui n’a pas hésité à se déconsidérer à Lima en surjouant son rôle, offre sa première médaille à la France, médaille d’or du ridicule.
Il n’empêche, diront certains, les J.O. peuvent rapporter gros. Sur l’aspect purement comptable, le scepticisme est de rigueur, le coût global réel des jeux ayant une fâcheuse tendance à augmenter, si ce n’est à exploser, par rapport aux prévisions – à preuve les exemples plus ou moins récents et inquiétants de Montréal (1976), Athènes (2004) ou Rio (2016). Quant au bénéfice pour l’image de la ville organisatrice, il est surtout intéressant dans le cas où il permet à celle-ci de franchir un palier, comme ce fut le cas pour Barcelone qui, en 1992, s’est muée de capitale régionale espagnole en métropole européenne ouverte sur la Méditerranée : Paris est déjà, pour le meilleur et pour le pire, une ville-monde.
On se demandera donc pourquoi des gens qui sont, ou ont été, « aux responsabilités » nous ont fait le coup de l’émerveillement puéril dès la proclamation du « résultat ». MM. Sarkozy, Hollande et Macron auraient pu se dispenser de donner conjointement et très rapidement une caution toute politicienne à la chose, le bon peuple n’ayant qu’à suivre. Et c’est ce qu’il fait, si l’on en croit les apparences, d’autant que de nombreux journalistes et sportifs (eux, on ne peut que les comprendre) se chargent à qui mieux mieux d’entretenir la flamme chez tous ces anonymes pour qui les J.O. de 2024 doivent forcément constituer un événement extra-ordinaire. Comme il est écrit dans Le Monde (14 septembre) : « Journalistes forcément “contents“ et population forcément enthousiaste ».
Pourtant, c’est un fait, les Jeux Olympiques « modernes » ont perdu leur âme en devenant, olympiade après olympiade, un événement où prime désormais l’extra-sportif, à l’identique de ce qui se passe dans les disciplines sportives les plus populaires et les plus médiatisées, disciplines gangrenées par l’argent, le dopage et le chauvinisme le plus primaire. Les exemples sont tellement nombreux qu’on en a la nausée : sommes astronomiques dépensées pour acheter et rémunérer des « joueurs » devenus des mercenaires-esclaves, présence avérée du dopage dans la quasi totalité des spécialités et à tous les niveaux, violence verbale et physique allant jusqu’à des affrontements meurtriers sur les terrains et dans les tribunes.
Il est bien qu’en de certaines occasions, notamment quand l’existence même du pays est menacée, une sorte d’union sacrée puisse transcender les divisions et exalter la population. Mais existe aussi, dangereux, un unanimisme de façade, aux relents idéologiques, auquel on voudrait nous faire croire – tels le multiculturalisme de la « France black-blanc-beur » de 1998 ou les manifestations compassionnelles de « Je suis Charlie ». C’est à celui-là que nous fait penser l’enthousiasme olympique de commande. Alors, entretenir avec Mme Hidalgo, ou même avec M. Macron la flamme d’un olympisme déjà mort, au nom d’on ne sait quelle arrière-pensée ? Non, merci et, à tout le moins, méfiance. •
Presque en rien d’accord avec cet édito : j’ai ressenti, pour ma part, une immense joie par cette désignation. Après les échecs enregistrés pour les Jeux de 1992, 2008 et 2012, Paris ne pouvait pas renoncer à organiser l’événement mondial sportif le plus important qui se puisse.
Les avoir obtenus, dans le « deal » que le CIO a proposé avec Los Angeles, n’était pas anodin ni facile : il fallait surtout tenir bon sur 2024, ne laisser aucune échappatoire permettant de penser que notre Capitale pourrait se contenter de 2028. Cette fermeté têtue a payé et il faut en féliciter les promoteurs de cette candidature.
Se poser la question du « rendement financier » de la désignation est puéril : bien sûr que les Jeux vont – dans une stricte démarche comptable – coûter plus qu’ils ne « rapporteront ».
Eh ! Ne croit-on pas que l’Opéra de Paris, les centaines de musées éparpillés ça et là sur le territoire et dont certains ne reçoivent que quelques centaines de visiteurs par an mais entretiennent gardiens et billeteries sont « rentables » ? Que le défilé du 14 juillet est rentable ?
Outre que l’organisation matérielle des Jeux va transformer radicalement une banlieue pourrie – comme le stade de France, conçu pour la Coupe du monde de football de 1998 l’a fait pour l’autre partie de la Plaine Saint Denis – et laisser à la place de taudis un nouveau quartier, les infrastructures de transport seront accélérées et modernisées, une grande piscine sera construite, etc.
Qu’on daube sur la dérive financière des performances des sportifs montre aussi en quel mépris on tient, dans nos milieux, le « geste » sportif : pour moi, qui suis depuis toujours fana du spectacle sportif, la performance est bien plus émouvante et admirable que des trucs révérés par ceux qui préfèrent… je ne sais pas, moi, la peinture au kilomètre des Renoir ou des Monet. Revoir Renaud Lavillenie réussir son 3ème essai victorieux à 5,96 à Londres me fera toujours plus d’effet que l’accumulation des gribouillis de Picasso.
Je conçois parfaitement qu’on puisse ne pas aimer l’émotion sportive, qu’on soit insensible à la haute cuisine, qu’une simple ritournelle populaire puisse laisser indifférent.
Je conçois aussi qu’on puisse trouver plaisir aux Offices de nuit de Solesmes, aux solennelles peintures de Poussin, aux tragédies tardives de Corneille : ce n’est pas mon cas et je n’y vibre pas : suis-je si méprisable ? C’est possible, mais je ne suis sûrement pas le seul en mon cas.
Et donc vive les JO, vive les sportifs (surpayés ? dopés ? Et alors ? si vous croyez que les artistes contemporains ne sont ni l’un, ni l’autre, vous vous mettez gravement le doigt dans l’oeil), vive les émotions que nous rencontrerons dans 3 ans à Tokyo, dans 7 ans à Paris !
Le patriotisme « visible » s’est réfugié dans le sport et, à chacune de nos grandes victoires, beaucoup de gens ont eu beaucoup de bonheur à agiter des drapeaux tricolores et à chanter « La Marseillaise » : c’est bien dérisoire ? Possible… Mais c’est déjà ça… À nos gouvernements de profiter de ces moments de communion nationale pour diriger l’émotion populaire sur l’amour du pays.
Et c’est cela la vraie objection, la vraie question : en 1998 le bonheur de la victoire aurait pu donner lieu à un chant d’amour à la France, toutes couleurs confondues, à un moment d’exaltation vraiment nationale ; au dessus des différences visibles, il y avait « notre » victoire…
Espérons…
Je partage globalement l’avis de Pierre BUILLY, après tout les jeux modernes ont été introduits par.
le Baron Pierre de COUBERTIN, Royaliste, et le seul journaliste pré sent aux premiers jeux d’Athènes en 1896, fut un certain Charles MAURRS qui nous a beaucoup appris depuis.
Certes il est regrettable que les jeux soient devenus d es jeux d’argent, notamment en 1996 où les jeux se sont déroulés à ATLANTA, ville de CNN et d e Coca Cola, aux lieu d’Athènes.
Les Romains l’avaient bien compris. Donnons au peuple « du pain et des jeux » ! Cela lui évitera de penser. Les jeux olympiques ne seront qu’une façade. L’arrière-boutique de la France est en ruine. Mais qu’importe ! Selon la formule consacrée de Philippe Muray, rien ne saurait détourner l’homo festivus de ses distractions.
J’approuve quant à moi l’édito de LJ Delanglade, et je ne partage pas l’enthousiasme de Pierre Builly. En 1998 je n’ai nullement éprouvé ce moment de « communion nationale », et je dirai même que j’espérais bien que les croates eussent le dessus sur l’équipe black black beur. La comparaison avec l’opéra de Paris et les musées est fallacieuse car ces monuments sont durables alors que les JO ne sont qu’une flambée éphémère. A propos de flambée, tout va flamber à cette occasion: les prix, les loyers, les denrées, mais aussi la délinquance, le vandalisme, et la situation des parisiens français en sera encore dégradée. Et une fois les monceaux d’ordures nettoyés et les touristes partis, gorgés de mauvaise nourriture et peut-être nantis d’une chaudepisse, il faudra payer l’addition et ce sont les impôts qui vont flamber à leur tour. Vraiment, je ne vois pas une seule bonne raison de me réjouir. Mais peut-être des événements imprévus empêcheront-ils cette bacchanale de se dérouler, et même s’ils charrient de mauvaises occurrences, d’un mal pourra jaillir un bien. En tout cas, comme Montaigne fuyant la peste de Bordeaux, je fuirai Paris pendant les jeux, si toutefois je suis encore en vie.
Tout est dit et bien dit dans cet article de Louis-Joseph Delanglade .
Pour les JO de 2024, comme à chaque fois, ce sera télévision et radio éteinte jusqu’à ce que cela se termine de la même manière qu’on ferme les contre vents la durée de la grêle .
Une pensée pour les Allemands qui ne furent pas invités aux jeux de 1924 pour leur éviter la moindre joie en leurs années de misère ; les JO 2024 = commémoration des jeux de la HONTE .
Arretons de rêver d’un monde tel qu’il était ou tel que l’on voudrait qu’il soit pour prendre la réalité telle qu’elle est. C’est bien que les J.O se déroulent en France, pour tout un tas de raisons.: sociétales, économiques, politiques etc…Regrettons simplement que, comme d’habitude, le gouvernement nous parle comme à des enfants.
Pareil pour l’élection de miss France : c’est bien pour tout etc…