Entretien par
[Figarovox, 22.09]
Appels répétés à la manifestation, refus d’alliance avec quiconque à gauche… Les méthodes et la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon rappellent celles de Lénine, analyse Jean-Christophe Buisson. Pour lui, la prise de pouvoir par les Bolcheviques hante et inspire le chef des Insoumis. Une comparaison intéressante qui éclaire sur la personnalité de Jean-Luc Mélenchon. LFAR
Vous avez écrit un livre sur l’année 1917. Peut-on considérer que le mouvement mené par Lénine cette année-là puisse inspirer Jean-Luc Mélenchon. Existe-t-il des correspondances ?
Militant trotskiste dans ses jeunes années, Jean-Luc Mélenchon connaît sur le bout des doigts les détails de la révolution russe de 1917. Je ne peux pas croire qu’il ne soit pas hanté, en cette période où on commémore le centenaire du coup d’Etat bolchevik, par la manière dont Lénine (flanqué de Trotski pour l’aspect militaire) a réussi à s’emparer du pouvoir politique au gré de circonstances qu’il a en partie favorisées.
Ces circonstances, quelles sont-elles ? Durant l’hiver 1917, un vaste mouvement dégagiste naît en Russie : fatigue de la guerre et rébellion contre un commandement souvent incompétent et brutal (le pays compte près d’un million de déserteurs, d’« insoumis » refusant de continuer à servir sous les drapeaux impériaux), rejet d’un système politique autoritaire à bout de souffle, désir de changement réel, notamment dans les campagnes où prévaut une organisation quasi féodale, etc. Ce mouvement se cristallise en février-mars 1917 avec des manifestations populaires qui aboutissent au renversement de la monarchie russe. Lui succède un gouvernement provisoire qui maintient la révolution à un niveau « dantonien » : des terres sont redistribuées, un vaste assouplissement des institutions est organisé, la Russie maintient ses alliances militaires traditionnelles en continuant à faire la guerre aux empires centraux aux côtés des Alliés, etc.
La révolution à petits pas, en quelque sorte. Or, pendant ce temps, que fait Lénine, dont tous les écrits montrent qu’il est obsédé par la figure de Robespierre et convaincu que seule une violence extrême peut accoucher d’un monde nouveau ?
Lui-même, qui avait dit récemment craindre de ne pas voir de son vivant une révolution, revient en Russie grâce à la bienveillance des Allemands et s’installe comme premier opposant au pouvoir réformiste en place en prônant une véritable révolution, considérant que le régime en train de se mettre en place ne va pas assez loin dans le changement.
Via les soviets de soldats, d’ouvriers et de paysans élus au printemps, les responsables bolcheviks, quoique minoritaires dans le pays (le parti ne compte que quelques milliers d’adhérents), harcèlent le gouvernement et encadrent les mécontentements sociaux qui se font jour dans le pays. On est alors un peu dans la France de l’été 2017…
En quoi la terminologie de la France Insoumise rappelle celle de 1917 en Russie ?
La violence de la terminologie, que relate dans ses détails Stéphane Courtois dans sa biographie éblouissante de Lénine, « inventeur du totalitarisme », est connue. Elle se résume en quelques idées qui sonnent avec une certaine familiarité à nos oreilles.
Selon lui, la légitimité démocratique (sinon électorale) née de la révolution de février-mars doit céder le pas à celle de la rue, qui se manifeste quotidiennement dans des manifestations encouragées par les bolcheviks contre la faim, la guerre, les inégalités sociales, etc.
Il est temps pour le peuple, dit-il, de « déferler » dans toute la Russie pour en finir avec le gouvernement provisoire bourgeois. Le but est de « conquérir le pouvoir » – par la force, s’il le faut.
Selon Lénine, il y a eu une sorte de confiscation de la révolution qui n’a pas tenu ses promesses sociales. Un « coup d’Etat social » , en quelque sorte…
Au-delà des vocabulaires qui se ressemblent, les situations sont tout de même extrêmement différentes. Est-ce que votre analogie n’est pas un peu forcée ?
Comparaison n’est pas raison mais observons de près les choses et acceptons d’être un peu troublés.
L’homme qui a accédé au pouvoir après la révolution dégagiste de février-mars 1917 s’appelle Alexandre Kerenski. Il n’a pas 40 ans, vient de la société civile (il est avocat), séduit les foules par sa jeunesse, sa beauté, son charisme, son aisance oratoire, son romantisme, son talent à se mettre en scène.
Une fois nommé à la tête du gouvernement provisoire (après avoir fait partie du gouvernement précédent…), au début de l’été 17, il s’applique à réformer le pays mais en se refusant à un extrémisme socialisant. Au point que les membres du parti KD (constitutionnel-démocrate), de centre-droit, le soutiennent parfois.
De l’autre côté de l’échiquier politique, que se passe-t-il ? A la tête d’un mouvement, je le répète, très minoritaire, Lénine suit une stratégie qui peut paraître étonnante : pas d’ami à gauche. Plutôt que de s’attaquer frontalement à Kerenski, il n’a de cesse d’attaquer les rivaux de son propre camp (mencheviks, socialiste-révolutionnaires, etc) et de refuser toute alliance avec ceux que son ami Trotski, dans une formule célèbre vouera bientôt à « finir dans les poubelles de l’Histoire ».
Son objectif ? Etre le seul à incarner une véritable opposition à Kerenski. Lénine est persuadé que celui-ci va devenir impopulaire par sa politique et sombrer dans une forme d’hubris qui détournera ses admirateurs de février de leur passion initiale. Et c‘est ce qui arrive.
Ivre de son pouvoir, Kerenski multiplie les fautes. La plus remarquable : chasser brutalement de l’état-major de l’armée son chef, le général Broussilov – coupable de ne pas lui avoir envoyé une garde digne de son nom à la descente d’un train.
On peut imaginer que Mélenchon trouve dans toutes ces anecdotes certaines analogies avec la situation actuelle. Quand celui-ci passe son temps à tancer ses concurrents à gauche (Hamon Laurent, etc), il est pour moi dans une stratégie très léninienne.
Quel est l’objectif de cette stratégie ?
D’abord, faire en sorte qu’il soit le seul adversaire digne de ce nom du pouvoir en place. La droite étant en pleine (et pénible) réorganisation, l’extrême-droite en train d’exploser, il ne lui restait qu’à imposer son leadership (fût-il provisoire) à gauche : c’est fait.
Susciter une agitation sociale dans tous les secteurs de l’économie (fonctionnaires, retraités, ouvriers, jeunes, etc.) sans qu’il en apparaisse forcément l’organisateur: c’est fait – même si sa tentative de prendre le contrôle du syndicat étudiant UNEF il y a quelques semaines a échoué.
Attendre que les mouvements de révolte sociale et syndicale coagulent et suscitent un rejet du gouvernement, créant les conditions d’une prise de pouvoir dans un minimum de violence (ce qui fut le cas en octobre-novembre 1917, n’en déplaise aux historiens marxistes décrivant la prise du Palais d’Hiver en geste héroïque quand elle n’aura mobilisé que quelques centaines de combattants, le pouvoir étant tombé alors comme un fruit mûr), ce n’est certes pas fait.
Mais c’est sans doute le rêve de Mélenchon, 66 ans, qui n’a sûrement pas envie d’attendre quatre ans pour diriger la France. N’a-t-il pas lui-même dit qu’il ne se représenterait pas en 2022 à l’élection présidentielle ?
En ce cas, comment compte-t-il accéder au pouvoir suprême sinon au bénéfice d’une situation de type de celle de la Russie de l’automne 1917 ? •
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l’année qui a changé le monde, vient de paraître aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.
Vincent Trémolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/opinions du Figaro et du FigaroVox
Comme toujours comparaison n’est pas raison en effet nous sommes en 2017 et il n’y a pas de raison de douter que Mélenchon et les siens ne soient des démocrates convaincus qui s’inspirent plutôt de Chavez et de sa révolution bolivarienne;
Le néo-bolchevique Mélenchon a estimé hier que la rue avait battu les rois, le CPE, le nazisme et Alain Juppé. Par-delà le caractère grotesque ce ce rapprochement et l’absurdité historique qui consiste à dire que » la rue avait battu le nazisme », on remarquera une singulière mais tout à fait prévisible absence. En effet Mélenchon n’a pas parlé d’une rue qui aurait abattu le totalitarisme communiste, et pour cause. Tout d’abord pour ne pas déplaire aux vieux staliniens du PCF avec lesquels il copine, lesquels n’ont jamais fait leur deuil de la chute de l’URSS. Ensuite comme le dit Buisson, parce que Mélenchon reste fasciné par Lénine et sa technique du coup d’État. Technique léniniste du coup d’État qui, selon l’écrivain Curzio Malaparte a servi de modèle à la prise du pouvoir par Mussolini. Inquiétant, Mélenchon ne l’est pas parce qu’il risquerait de s’emparer du pouvoir par la force, ses outrances verbales à la Jean Marie Le Pen vont rapidement lui faire perdre des soutiens, mais inquiétant malgré tout parce qu’il incarne parfaitement cette gauche dont Orwell disait qu’elle était antifasciste, mais pas anti-totalitaire. Thierry Wolton, auteur d’une magnifique trilogie sur l’horreur du communisme faisait remarquer dans une interview que ceux qui ont adulé le totalitarisme communiste avaient les yeux de Chimène pour l’islamisme, cette autre version du totalitarisme dont nous ne sommes pas près d’être débarrassés. Le mouvement de Mélenchon commence à courtiser cette mouvance par l’intermédiaire de sa députée Obono, liée aux islamistes du Parti des Indigènes de la République. Certains diraient que la boucle est bouclée.
« La rue a abattu les rois, les nazis… »Le début de ce style oratoire digne des conventionnels de 1793 m’indigne et m’inquiète comme il inquiète J. C. Buisson beaucoup plus informé que moi sur l’histoire léninienne! « La rue », c’est la révolution et non pas l’exercice de la démocratie parlementaire… Ce Mélanchon ferait le rêve de prendre l’Elysée par « la rue », de détruire un pouvoir légitime donc ne m’étonnerait pas. Et quand je pense à Louis XVI, Louis XV…les mettre sur le même niveau que « les nazis » me fait bondir. Décidément, les criminels fanatiques de la Révolution ont fait des petits aussi dangereux que leurs géniteurs idéologiques !
MELENCHON, s’il n’était aussi grotesque serait presque comique. La rue a abattu les NAZIS ( Nationaux SOCIALISTES), NOUVEAU!!!!!!!!!!!!n Jean Claude MAILLY de FO l’a bien rappelé, ce sont les Alliés: Américains, Britanniques, Soviétiques et FRANCAIS, dont l’ Armée d’Afrique qui ont chassé l’occupant, et non la rue qui s’est manifestée vigoureusement….. APRES le DEPART des ALLEMANDS.
Petite devinette posée par une habitante de Saint Petersboug en 2002: quelle fut la meilleure marine du XXème Siècle, je répondis la Royal Navy, la Royale ou l’US Navy
Faux me dit-elle, ce fut la marine RUSSE, car un SEUL obus tiré à blanc du croiseur AURORA sur le Palais d’Hiver fit plus de CENT millions de morts, est-ce à cela que rêve le Camarade MELENCHON, 100 ans après!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Mélenchon a pris le parti des destructeurs, de ceux qui détruisent avec jubilation ce que les autre sont mis patiemment avec difficulté à construire , vaille que vaille. Son appui à Obono est rédhibitoire.
Le problème c’est qu' »il s’oppose à un pouvoir ou régime dans un mauvais procès . Macron a promis d’honorer ses promesses de campagne sur la PMA. , attendant l’occasion . Là il est véritablement destructeur à court terme de tout ce qui donne sens encore à la famille Et là bien sur Mélenchon ne pipe mot. Plus grave ses partisans sont prêts à en découdre avec violence, (celle de l’ultra gauche, qui monte on l’a vu récemment encore avec les policiers lynchés en flamme, ce qui est du niveau de Daech, et a vec les soutiens que reçoivent les incendiaires) avec tous ceux qui voudraient manifester à leur tour dans la rue ce refus viscéral, de nos consciences, de détricoter ce qui reste de famille. Par ses outrances sur un sujet moindre et presque mineur, Mélenchon offre un boulevard à Macron, follement obstiné( il l’a dit aux protestants ) dans son impasse sur la famille et la protection de la vie. Devant cette » Sainte Alliance inversée » des nihilistes, qui amusent ou font pleurer la galerie, que devons nous faire? Rester lucides et montrer que l’histoire nous appartient aussi. Comment? Réfléchissons mais agissons..;
Si mes souvenirs sont exact, la rue n’a pas plus fait tomber le bolchévisme que le national-socialisme ( nazi occulte le mot socialisme ) ; le bolchévisme s’est écroulé tout seul ; le premier signe précurseur ayant été la déroute en Afghanistan face aux ….musulmans qui , contrairement aux chrétiens ne tendent pas la joue droite lorsqu’ils sont frappés sur la joue gauche .
Les américains ont sans doute aidé les afghans comme ils aidèrent les anglais et l’URSS lors de la seconde guerre mondiale mais il fallait bien des combattants pour tenir les fusils et bazookas , ce ne sont pas des GI’s qui l’auraient fait ( leur débandade en Asie du Sud Est les ayant bien calmé )
Article Valeurs actuelles
Jean-Luc Mélenchon partage l’idéologie révolutionnaire du président vénézuélien Maduro. Et, dénonce l’avocat Philippe Fontana, prône la même feuille de route violente et anticonstitutionnelle.
Devant quel tribunal Jean-Luc Mélenchon sera-t-il jugé pour son apologie réitérée du régime de Maduro ?
En 2013, le chef de La France insoumise « saluait la victoire » du président vénézuélien, qu’il décrivait comme une « source d’inspiration ». Le président Macron qualifie aujourd’hui le régime de « dictature » quand Mélenchon, lui, « condamne l’opposition ». Dans le futur, le président Maduro pourrait pourtant être traduit devant la Cour pénale internationale. Il y a seulement quelques jours, le haut-commissaire aux droits de l’homme à l’Onu, s’appuyant sur un rapport d’août 2017, évoquait « la possibilité que des crimes contre l’humanité aient été commis » par son gouvernement, qui écrase systématiquement les institutions démocratiques et les voix critiques qui s’élèvent.
Si le sang ne coulait pas au Venezuela, si les journalistes et les avocats ne risquaient pas d’être abattus ou emprisonnés pour leurs condamnations du caractère dictatorial du régime, si les médicaments ne manquaient pas au point que la délégation reçue par le président Macron en ait réclamé la livraison d’urgence, la position de Mélenchon serait risible.
Que fait le régime de Maduro ? Contesté depuis son élection au forceps, contraint à la cohabitation après sa défaite aux élections législatives de décembre 2015 face à une coalition inédite entre tous les partis, le président a d’abord tenté (sans succès) de s’approprier les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Après cet échec, Mélenchon passa du rôle d’idolâtre de Maduro à celui d’inspirateur de la convocation d’une Assemblée constituante.
Chacun sait que les deux hommes partagent la même idéologie révolutionnaire et son corollaire : le recours à la violence. Cette fascination va au-delà, il existe une méthode commune pour l’imposer, en piétinant allégrement l’état de droit. D’abord, ils créent une situation préinsurrectionnelle, recourant à la rue. Si, profitant du chaos, ils sont élus, le pouvoir est alors confisqué en contournant la Constitution existante.
Cette proposition de Constituante, point essentiel du programme de Mélenchon, était passée inaperçue lors de la dernière élection présidentielle. La manière par Mélenchon de l’exposer est abrupte : « La nouvelle Constitution dont la France a besoin doit être radicalement nouvelle, y compris dans sa méthode d’écriture : elle ne peut être un simple rafistolage de la Ve République, ni se résumer à quelques réformes octroyées par le futur président de la République. C’est le peuple lui-même qui doit s’emparer de la question et s’impliquer tout au long d’un processus constituant. » Au dire d’éminents professeurs de droit, cette feuille de route est totalement anticonstitutionnelle puisqu’elle passe par un référendum, alors que les assemblées doivent préalablement voter une loi constitutionnelle. Le spécialiste de droit constitutionnel à Paris-I, Dominique Rousseau, interrogé sur ce point précis du programme présidentiel de Mélenchon, avait même employé l’expression de « coup d’État » pour le qualifier.
Maduro a suivi à la lettre la suggestion de son camarade Mélenchon. Lors de l’été, une nouvelle Assemblée constituante a été élue au Venezuela. Le référendum préalable a été oublié. L’élection s’est déroulée dans des conditions délétères ; la fraude a été dénoncée ; les membres des partis politiques étaient déclarés inéligibles d’avance.
L’inauguration a été faite au nom du « peuple vénézuélien rebelle ». Si le terme utilisé avait été celui d’insoumis, l’analogie entre les rêves de Mélenchon et leur réalisation par Maduro eût été parfaite.