Par Javier Portella
Nous avons dit presque par accro, aussitôt après l’attentat islamique de Barcelone [Cf. Lien ci-dessous] ce que nous pensons fondamentalement de la question catalane. Sur la situation née du référendum de dimanche dernier, qui, bien-sûr intéresse la France et l’Europe, Javier Portella donne ici une analyse où rien ne manque : connaissance de la situation, clarté et hauteur de vue [Boulevard Voltaire, 2.10]. Nous ne pensons pas autrement que lui, même si, d’un point de vue français, nous ne nous serions sans-doute pas exprimés avec la même radicalité. En tout cas, le point est fait, les justes appréciations sont portées. LFAR
Il y a quelque chose de fascinant, je vous assure, à suivre sur le terrain, à chaud – je me trouve ces jours-ci à Barcelone -, les prolégomènes d’une révolution. Certes, c’est on ne peut plus déchirant et angoissant de voir comment ton pays est en train d’être dépecé avant de tomber dans l’abîme. Mais ce qui devient fascinant, c’est de voir, de constater, jour après jour, le degré absolu de bêtise et de traîtrise de la part des Kerenski sans la collaboration desquels il ne pourrait jamais y avoir aucune révolution.
En l’occurrence, leur claudication remonte à très loin : à quarante ans, lorsque le nouveau régime dit démocratique, craintif et espérant amadouer le fauve, a entrepris la cession la plus complète des ressorts du pouvoir : depuis la police jusqu’à l’enseignement et l’endoctrinement médiatique. Sans oublier l’argent : c’est à 55 milliards d’euros que s’élève, à l’heure actuelle, la dette de la Generalitat envers l’État espagnol. Si celui-ci fermait le robinet, pas un seul policier, pas un seul fonctionnaire, pas un seul des dirigeants de la sédition n’aurait touché, ce 30 septembre, son salaire. En espagnol, on appelle ça « ser, tras cornudo, apaleado ». En français, être cocu et content.
Les résultats obtenus par tous les collabos objectifs de la sécession – depuis Juan Carlos 1er et son fiston jusqu’à l’ensemble des dirigeants de droite, de gauche et du centre – sont maintenant là : une région, la Catalogne, irréconciliablement, mortellement scindée en deux ; et une nation, l’Espagne, vieille de plusieurs siècles, qui risque d’être démembrée. C’est ainsi qu’elle deviendrait le premier État-nation européen à périr.
« Mort à l’État-nation ! », « Vive l’Europe des mille petites régions ! », vont s’écrier certains, tandis que d’autres – les mondialistes qui souhaitent et le Grand Remplacement et le Grand Éparpillement conduisant à la mort des peuples et des nations – vont se frotter les mains. Il faut, certes, œuvrer pour la grande Europe, pour l’Europe vécue en tant que patrie charnelle, puissante, grande, belle. Mais cette Europe, qui passe certainement par la reconnaissance des particularités et les droits de ses régions, ne passe nullement par la dissolution de ces grandes unités de langue, de culture et d’histoire que sont les peuples devenus nations depuis des siècles.
Que va-t-il se passer maintenant en Catalogne ? La révolution gronde, c’est évident. Mais non seulement la révolution sécessionniste. L’autre aussi : celle commandée par les gauchistes et les communistes de CUP, Podemos et Esquerra Republicana, qui voient dans l’indépendance le premier pas vers la dissolution du pays et la révolution totalitaire de leurs rêves. Plus les eaux seront troubles, plus et mieux pourront-ils y pêcher. Or, il s’agit d’une révolution d’un type nouveau. Non pas la révolution des prolétaires (ou prétendus tels), mais celle des bobos. La première révolution du XXIe siècle, la révolution 2.0, celle du « dernier homme », que dirait Nietzsche, la révolution de l’Homo festivus, que dirait Philippe Muray.
La grande question est, dès lors : les enfants de l’angélisme, les bobos à l’esprit Bisounours qui ont, dans un air de fête, occupé tout le week-end les écoles pour rendre possible la tenue, dimanche, d’un simulacre de référendum, les révolutionnaires de ce prétendu « populisme de gauche » qui recueille le plus grand nombre de voix dans les seuls quartiers huppés, en un mot tous ces gens si gentils et charmants, vont-ils être capables de dresser des barricades et d’y laisser vaillamment, s’il le faut, leur peau ?
On peut en douter. Tout comme on peut douter que, lorsque lundi ou mardi la République indépendante de Catalogne sera proclamée, Mariano Rajoy ose prendre les mesures que la loi commande et le moindre bon sens exige : état d’urgence, suspension de l’autonomie de la Catalogne et arrestation du président Carles Puigdemont et des principaux dirigeants du coup d’État. •
Écrivain et journaliste espagnol
A lire dans Lafautearousseau …
Puigdemont et sa clique, les PUC/Esquerra/Podemos, sont des révolutionnaires marxistes-léninistes. Ils n’ont pas hésité a importer l’étoile cubaine marxiste de Cuba sur l’historique blason de la Catalogne, qu’ils dénaturent et détournent sans vergogne. C’est le hold-up d’un vieux combat traditionaliste et régionaliste, enraciné dans les couches catholiques et royalistes de la population catalane, depuis ses débuts, par une minorité idéologue qui veut imiter Robespierre : lui voulait tuer le Roi pour éviter – pensait-il – tout « retour en arrière » et créer l’irréparable, l’irréversible; la hâte frénétique de Puigdemont à proclamer la soi-disant « indépendance » est du même tonneau : créer une situation nouvelle qui interdirait toute possibilité de revenir à la situation d’ « avant ». Ce pauvre Kerenski – comme le dit si justement ici Javier Portella – n’a oublié qu’une chose : la Révolution mange toujours les révolutionnaires. Si par malheur Puigdemont arrivait à ses fins, les loups de la meute révolutionnaire ne tarderaient pas à se dévorer entre eux. Ils ont oublié que, durant la Guerre civile, ce n’est pas Franco qui a tué le plus de « républicains espagnols », mais la République elle-même, et les « républicains espagnols » eux-même, qui s’entr’assassinèrent allègrement et constamment, communistes liquidant les anarchistes, anarchistes liquidant socialistes et autres « tièdes » etc… Dans une Espagne unie dont elle est l’un des plus beaux fleurons, la Catalogne est grande, belle et riche d’une identité et d’une personnalité qui valent bien plus que sa richesse matérielle. Souhaitons-lui de ne pas devenir un Cuba méditerranéen, et à Barcelone de ne pas devenir une La Havane où la misère voisinerait avec la terreur révolutionnaire…
Ce qui n’est pas assez dit ici – à cause d’une vision tubulaire et franco-française des choses – c’est que le gouvernement catalan est pour l’instant occupé par la droite indépendantiste libérale. Sans son engagement pour l’indépendance, les révolutionnaires catalans ne pèseraient pas aussi lourd. La responsabilité de la situation incombe bien davantage à cette droite là qu’aux nostalgiques de toutes les révolutions du passé.
Ne serait-il pas temps que Felipe VI sorte de son étonnant silence?
Il vient de le faire dans un discours très ferme.