Refaire l’Histoire, c’est un peu comme imaginer ce qu’on ferait si, un beau matin, on gagnait au Loto. Et l’Histoire, on le sait depuis Cléopâtre jusqu’aux ailes du papillon, tient parfois à pas grand-chose. Tenez, si le comte de Chambord, en ce 27 octobre 1873, n’avait pas signé cette lettre dans laquelle il rappelait qu’il faisait du drapeau blanc un principe non négociable – sa ligne rouge, comme on dit aujourd’hui -, qu’en serait-il devenu de la France, de l’Europe ?
La monarchie traditionnelle aurait-elle été rétablie ? Une monarchie traditionnelle mais en même temps revisitée, pour parler moderne, si l’on en juge le manifeste que le petit-fils de Charles X publia le 5 juillet 1871, au sortir de cette guerre contre la Prusse qui avait conduit notre pays au désastre. « Dieu aidant, nous fonderons et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garanties à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel, honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres, et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. »
Et l’Europe – et nous en resterons là – aurait-elle été précipitée dans le carnage de 14-18, l’Empire austro-hongrois aurait-il été anéanti sous les coups des idéologues ?
Ainsi donc, en ce 27 octobre 1873, il y a 144 ans, Henri, comte de Chambord, aîné de la maison de France, alors qu’il se trouve à Salzbourg, met les choses au clair, définitivement, en écrivant une lettre à Charles Chesnelong, député d’Orthez et l’un des chefs du parti légitimiste. Une lettre publiée dans le journal L’Union qui achèvera l’espoir d’un rétablissement de la monarchie, alors même que l’Assemblée nationale était royaliste, qu’elle avait renversé Thiers au mois de mai, lequel avait déclaré « La monarchie est impossible », et alors qu’en ce mois d’octobre les chefs du parti royaliste s’affairaient pour préparer le retour du prince.
Le duc d’Audiffret-Pasquier, notamment, qui fut l’un des négociateurs principaux entre les différents partis royalistes, avait préparé une résolution dont l’article 3 précisait que « le drapeau tricolore est maintenu ; il ne pourra être modifié que par l’accord du roi et de la représentation nationale ». Cet article était, comme l’expliqua le duc de Castries dans son magistral ouvrage Le Grand Refus du comte de Chambord (Hachette, 1970), une solution provisoire pour assurer la rentrée du roi en France. Il ne restait à courir que le risque d’un désaccord postérieur…
Mais dans cette lettre, le comte de Chambord réitère son refus de devenir le « roi légitime de la Révolution ». Il ne peut « consentir à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse ». Et rappelle, dans une phrase qui est restée célèbre : « Ma personne n’est rien, mon principe est tout. »
L’Assemblée nationale comptait alors 396 royalistes sur 644 députés. Quatre ans après, ils n’étaient plus que 55 sur 521 députés. Ceux qui pensent, aujourd’hui, que la droite ne peut pas disparaître devraient méditer l’Histoire qui n’est pas qu’une loterie… •
Le Grand Refus du comte de Chambord
Funeste anniversaire qu’il eût mieux valu ne pas célébrer ainsi ou bien pour déplorer l’entêtement suicidaire du Comte de Chambord.
De plus la lecture de sa correspondance publiée sous l’égide de Philippe Delorme fait apparaitre un prince plutôt réactionnaire pas vraiment soucieux d’un compromis historique entre la tradition républicaine et la monarchique et royale. Ce que fît imparfaitement le général de Gaulle par la Vè République sans aller jusqu’au bout en faisant du Comte de Paris son successeur.