Par Altifashi
Cette rétrospective historique très documentée reçue dans les commentaires de Lafautearousseau nous a beaucoup intéressés. Il s’agit d’une réaction à un article publié ici : « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée ». Et ce commentaire nous apprend ou nous rappelle beaucoup de choses peu connues ou oubliées. Bonne lecture et s’il y a lieu les historiens débattront. En tout cas, merci à l’auteur. LFAR
Connaitre l’histoire de la Régence d’Alger de sa fondation en 1515 jusqu’au débarquement de 1830 est absolument indispensable pour comprendre tout ce qui se passe après ! Les pieds noirs eux mêmes (dont je fais partie avec toute ma famille) ont tendance à penser que l’histoire de l’Algérie commence avec leur histoire ; c’est faux Il est important aujourdhui de revenir sur la raison qui a motivé Charles X à prendre Alger qui était toute simple : faire chuter le régime tyrannique du Dey d’Alger qui faisait peser depuis trois siècles un joug humiliant sur les nations chrétiennes.
Depuis leur arrivée en Afrique du nord, les arabes ont très vite pratiqué la piraterie, commerce facile et juteux qui s’est développé considérablement en 1519 avec son annexion à l’empire ottoman par Kheir-ed-din Barberousse. Le sultan ottoman Selim 1er le nomme beyglierbey (gouverneur général) et lui envoie une puissante armée de plusieurs milliers de janissaires. Les navires de la « Régence d’Alger » armés par les corsaires de Barberousse, aidés par les puissants janissaires turcs (Odjeac) vont « allègrement » piller les navires chrétiens sans défenses.
Pendant plus de trois siècles, la Régence d’Alger va devenir le fléau de la chrétienté, attaquant sans pitié les navires marchands chrétiens s’enrichissant de leurs dépouilles. Elle vit ruisseler sur ses marchés l’or du Mexique, l’argent du Pérou, les diamants des Indes, les soies et les brocards du levant : les marchandises du monde entier ! Chaque jour des galères pavoisées rentraient dans le port traînant des navires lourdement chargés de vivres, de richesses et surtout d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards qui alimentaient cet immense marché aux esclaves : le Batistan ! C’est ainsi que s’emplissait le trésor de l’Etat et que tous, depuis le plus audacieux des corsaires jusqu’au plus modeste paysan, s’enrichissait sans peine de façon crapuleuse. Les coteaux voisins se couvraient de villas et de jardins décorés des marbres ravis aux palais et aux églises d’Italie et de Sicile. La ville elle-même où l’or si facilement gagné se dépensait plus vite encore, offrait aux aventuriers l’attrait d’une fête perpétuelle et l’appât des plaisirs faciles…
Mais lorsque François 1er signe une alliance avec l’empire ottoman pour se protéger de l’ambition de Charles Quint, des accords sont conclus entre la Régence et la France. Ils seront violés régulièrement par les corsaires barbaresques jusqu’à Napoléon qui menaça en 1802 le dey Mustapha de débarquer 80 000 hommes et de détruire la Régence s’il ne restituait pas les navires battant pavillon français !
Quant au consul Pierre Deval, ses détracteurs l’ont toujours présenté comme un personnage ambigu. Son père était drogman du levant à Constantinople, il fut donc élevé dans un milieu oriental dont il garda les manières. Un turc aux manières orientales ne choquait personne, alors qu’un français oui ! Lorsqu’il vient rendre visite au Dey Hussein le 30 avril 1827 pour lui présenter ses hommages à l’issue du jeûne du Ramadan, il en profite pour lui demander la restitution de plusieurs navires couverts du pavillon blanc et de la protection de la France, injustement capturés ! De très méchante humeur à cause de l’aide que portait l’Europe à la Grèce révoltée contre la Turquie, Hussein reproche à Deval de favoriser les intrigues des juifs Bacri et Busnach au sujet de la dette contractée par le directoire à son prédécesseur le Dey Hassan. Le dialogue devint très vite animé et à la suite d’une réponse un peu vive du consul, le Dey le poussa avec l’extrémité de son chasse mouche et le menaça de prison ! Il est vrai que ce coup de chasse mouche fit à Paris un effet papillon, et que le Roi de France Charles X avait du mal à assoir son autorité face au parti des ultras qui voulait la guerre et à l’opposition libérale qui la redoutait.
Pour affirmer sa souveraineté il prend une demi-mesure en ordonnant le blocus de la Régence. Le Dey reste sur ses positions et ne veut ni restituer les navires, ni présenter d’excuses, il se contente de rappeler la créance Bacri- Busnach.
Alors, cette créance qu’en est-il ? En bref voici les faits : au début des années 1790, la France voit presque toute l’Europe se dresser contre elle. Les anglais en particulier intriguent auprès du Dey Hassan pour empêcher la livraison d’énormes fournitures de grain, de viande salée de cuir et d’autres denrées alimentaires destinées à l’alimentation du midi et surtout à la subsistance des armées napoléoniennes. Le Dey résista aux instances des anglais et se montra fort chevaleresque en prêtant au Directoire une somme d’un million sans demander d’intérêt. Mais plutôt que de traiter l’affaire lui-même il passa par l’intermédiaire des deux fameux négociants qui géraient la fortune du Dey et avaient la main mise sur toutes les transactions de la Régence : Bacri et Busnach.
C’est alors qu’ils imposèrent leurs conditions au Directoire : les mesures de blé étaient revendues à prix d’or, sans que le Dey n’en sache rien ! En 1797 Bacri fait monter la dette à 7 943 000 francs ! Le Directoire autorise le versement d’un acompte de 4 500 000 francs, mais le Dey ignore tout des sommes versées à son mandataire… En 1819 Bacri réclame un arriéré de 24 millions, le gouvernement de la Restauration reconnait la dette et décide que la somme de 7 millions sera payée par le trésor public.
Duval reçut alors la délicate mission d’expliquer au Dey que la somme due avait été réglée au seul créancier officiel : Bacri. Dans cette affaire tout le monde fut dupé par ce Jacob Bacri, et le Dey en particulier qui ne verra jamais son argent !
Le 30 juillet 1829, le navire « La Provence », mouille en rade d’Alger sous pavillon parlementaire. Le commandant De la Bretonnière propose alors au Dey une réconciliation sous condition, mais le Dey sait que s’il présente des excuses une révolution suit et sa tête tombe inévitablement, il pense aussi que l’Angleterre le protègera. En quittant le port d’Alger le vaisseau parlementaire est bombardé lamentablement par les canons des batteries du port qui le touchent onze fois. Le commandant, fier de son pavillon parlementaire, ne riposte pas ! Le gouvernement ne peut tolérer l’insulte faite au drapeau français. On prie le Sultan de Constantinople à contraindre le Dey à des réparations qui échouent. On propose au pacha d’Egypte, Mehmet Ali 28 millions, et 4 vaisseaux de ligne pour faire tomber le Dey, également de rendre la Régence à la Grande Porte : mais la Turquie ne voulait plus s’embarrasser d’un vassal ingérable !
Charles X n’avait aucune velléité de conquête, mais il n’avait plus le choix : il ordonna l’expédition d’Alger pour laver un affront fondamental, et que l’humanité n’ait plus à gémir de la tyrannie des barbaresques, ni le commerce à souffrir de ses déprédations.
Quant au livre de Pierre Péan, il est basé sur une rumeur qui courait dès septembre 1830 dans les rangs de l’opposition : l’armée française a pillé le trésor personnel du Dey ainsi que le trésor de la casbah ! Quand on est contre tout ce que fait le gouvernement, que les protagonistes de la prise d’Alger ne sont plus là pour répondre, et que l’action s’est déroulée de l’autre côté de la Méditerranée, il est facile d’affirmer de tels mensonges !
Que s’est-il passé vraiment ? D’abord, dès la reddition du Dey, des pillards juifs et maures se sont introduits dans la Casbah pour dérober des objets sans grande valeur abandonnés de part et d’autre par la famille du Dey. Ses réclamations et celles de son gendre porteront uniquement sur quelques sommes d’argent : c’est ça, le pillage de la Casbah !
Mais la rumeur sera prise très au sérieux par le gouvernement de Louis- Philippe, et le Moniteur du 21 octobre 1830 publie le résultat des enquêtes sur le trésor de la Casbah : « La prise d’Alger et de son trésor a été pendant longtemps le sujet des rapports les plus propres à flétrir la réputation d’hommes honorables employés à l’armée d’Afrique…une commission d’enquête a été nommée …tous les fruits de soustraction et d’infidélité…sont autant de fables dénuées de fondement… » .
Le général en chef Clauzel, successeur de Bourmont, signe le 22 octobre un ordre du jour afin d’apaiser la grogne des 30 000 soldats de l’armée d’Afrique : « …La déclaration expresse de la commission est que rien n’a été détourné du trésor de la casbah et qu’il a bien été, après inventaire, envoyé à Paris pour intégrer les caisses de l’état ».
Ce fameux trésor, butin de l’infamie barbaresque, a constitué le butin de guerre qui servira à rembourser les frais d’expédition. Il n’y a pas eu de pillage. •
Sources
Henri Delmas de Grammont » Histoire d’Alger sous la domination turque » (1887 éditions Bouchène)
Daniel Panzac « Les corsaires barbaresques, la fin d’une épopée » (1999)
Alfred Nettement « Histoire de la conquête d’Alger » (1867)
Léon Godard « Soirée algériennes, corsaires esclaves et martyres de Barbarie « (1857)
Georges Fleury « Comment l’Algérie devint française : 1830-1848 » (Perrin 2004)
Aristide Michel Perrot « La conquête d’Alger ou relation de la campagne d’Afrique » (1830)
Augustin Bernard « Histoire des colonies françaises, tome II » (1930)
Pierre Serval « La ténébreuse histoire de la prise d’Alger » (La table ronde 1943)
Ce livre existe aussi avec le même texte sous le titre « Alger fut à lui « édité par Calmann-Lévy en 1965.
Lire l’article et les autres commentaires …
Demandez donc aux Algériens s’ils n’ont pas été colonisés avant de raisonner depuis Sirius. Charles X eut été mieux inspiré d’assurer son trône par la modération politique qui consiste à écouter et tenir compte de ceux qui ne pensent tout à fait comme vous.
Un ancien dessin humoristique datant de l’affaire Dreyfus montrait une tablée ou les convives disaient : surtout ne parlons pas de l’affaire Dreyfus ; une seconde image montrait la table sans dessus dessous et les distingués convives s’écharpant avec la légende : ils en on parlé !
Pareil pour ce sujet . Passionnants articles du point de vue du savoir historique mais il serait préférable d’ en rester là .
Ecouter et tenir compte de ceux qui ne pensent pas comme vous, c’est justement ce que vous ne faites pas Cording. Vous faites la leçon à tout le monde et c’est tout.
Non Richard. Il faut pouvoir parler de tout, ne rien s’interdire
Bon rappel historique d’Altifashi. Un point a y ajouter : les pirates barbaresques n’attaquaient pas seulement les navires ,ils pillaient et ravageaient villes et cotes du sud de l’Europe ,qu’ils avaient au début colonisées , Cording…….! En 1830 ce qui n’est qu’une « zone géographique » est ,au plan humain ,un conglomérat de tribus ou règne la loi du plus fort ( Les plus opprimées soutiendront les Français dés leur arrivée…..) Les colonisateurs turcs n’occupent que les villes et une faible part de leurs alentours (Le pouvoir du Dey ne s’étend pas plus loin que la ou son ane peut le porter en un jour ironisent les gens du peuple…..) ..Depuis les Romains l’Ifrikya a toujours été une colonie ,depuis ces derniers la colonisation française est ,trés objectivement ce qui lui est lui est arrivé de mieux……Elle retrouve enfin la paix et la justice garanties ,le respect de la religion et des coutumes ,le souci du bien-etre général (L’immensité de la tache a pu rendre sa réalisation incomplète) ..Et ,aprés 130 ans c’est un pays extraordinairement moderne ,doté de l’immense potentiel du pétrole et du gaz qui est remis clés en mains a des gens qui vont gacher les chances de ce qui était devenu un peuple ,l’amenant aujourd’hui a un état catastrophique..
Par ailleurs ,Richard,ce n’est pas un « savoir historique » pour universitaire qui est en jeu .C’est la falsification globale de l’Histoire ,la meme ,mise en oeuvre par les memes ,que celle de 1500 ans de royauté chrétienne,qui s’exerce ici. Avec le négationnisme des horreurs de la Révolution comme des atrocités du FLN….
Le devoir de mémoire ,dont on nous rebat les oreilles pour d’autres causes, doit jouer pour l’oeuvre française en Algérie ,dans sa vérité , elle est due aux 100 a 150000 harkis massacrés pour s’etre rangés aux cotés de la France et placés sous sa protection ( « Il faut se débarrasser de ce magma » a dit de Gaulle en 1962) ,aux milliers de Pieds Noirs tués ou « disparus » , et au million qui doit souffrir depuis 55 ans la calomnie ajoutée a la douleur de l’exil.,
Mieux que le devoir de mémoire : le souvenir ; Les Pieds Noirs le cultivent et le font partager car ils ont le bagou et la chaleur humaine . Le Général prend cher pour utiliser une expression familière actuelle ( combien de bouteilles de champagne furent débouchées en 69 voire 71 – conservées depuis 62 ! )
Sans vouloir insister lourdement , il faudra bien , un jour donner priorité à l’aspect historique du sujet ; déjà Napoléon III tenait l’Algérie pour un boulet que la France trainait attaché à ses pieds ; de Gaulle n’ a donc rien inventé sauf la manière et là , la cause est entendue .
Seuls les colonisateurs peuvent avoir une bonne opinion de la colonisation, pas les colonisés. Heureusement que l’Algérie est devenue indépendante.
Charles X a été le naufrageur de la monarchie par son intransigeance, son refus d’écouter ceux qui ne pensaient pas comme lui et sa nostalgie de l ‘ Ancien régime.
derniere intervention sur le sujet,les lecteurs de LFAR ayant surement d’autres préoccupations….
Mais trop c’est trop……quand on on a des idées reçues ,Cording,il faut parfois se demander de qui on les reçoit….Puis ,comme vous le dites si bien ,écouter ceux qui ne pensent pas comme vous .Plus précisément ,sur ce sujet ceux qui savent de quoi ils parlent…..Un petit exemple : Quand ,il y a une quinzaine d’années il a été question du Goncourt pour le magnifique « Serment des barbares » de Boualem Sansal au cours d’une longue « interviouve » dans le Figaro le journaliste fait part de son étonnement : » Vous semblez presque regretter la colonisation !? » . »Non , ce n’est pas la colonisation ,comme les deux tiers de mes compatriotes ce sont les Pieds Noirs que je regrette…… ». Des exemples de cet ordre j’en tiens de quoi faire un livre a votre disposition . Il me semble que ce dont les PN étaient porteurs ,malgré tout ,c’était bien la colonisation . C’est tout le paradoxe d’une page d’Histoire dont la complexité ne peut qu’échapper a des esprits manichéens et nourris de mauvaise propagande reçue sans examen comme le votre. Allons ,un autre (Et dernier) exemple :Tapez « Kofi Yamgnane » sur internet vous pourrez voir cet ancien ministre de Mitterrand raconter comment dans la brousse togolaise (sa double nationalité lui avait permis d’etre candidat a l’élection présidentielle du Togo ) les Anciens ,désabusés ,lui ont dit : »C’était tout de meme mieux du temps des Français , hein Kofi…..? ».
La revendication d’indépendance ,aprés un temps de colonisation est un fait parfaitement compréhensible (NOUS avions créé l’Algérie la conséquence en était prévisible….) et légitime car tout peuple conscient de son identité (Meme si elle est de fraiche date….) a droit au « fait national »,au « roman national ».Deux choses sont inadmissibles :la premiere est que ce sont les memes qui dénient ce droit aux Européens et particulierement aux Français qui le défendent pour les Algeriens …..! La seconde est de dire que notre colonisation fut »un crime contre l’humanité ». Entre cent preuves que tant d’Algériens aient embrassé jusqu’au sacrifice suprème la cause de la France est un tragique démenti de cette ignoble falsification. C’est de cette vérité que les PN se sentent porteurs et ils la défendront jusqu’au bout ,peut-être jusqu’a lasser certains , mais tant pis…… , parce qu’ils ne peuvent supporter ,comme le disait Kipling » D’entendre leurs paroles (Et leurs actes) travesties par des gueux pour exciter des sots ».