par Louis-Joseph Delanglade
Ne nous moquons pas trop et trop vite de M. Puigdemont.
Certes, jusqu’à maintenant on ne peut pas dire qu’il ait donné de lui une image très avantageuse. Certains ont même souligné le côté minable et ridicule du personnage. Pour M. Zemmour, « Puigdemont rappellera aux amoureux de l’histoire de France le destin tragi-comique du général Boulanger » (RTL, jeudi 2). Mais l’avenir seul dira si sa longue marche vers l’indépendance aura été un fiasco. En effet tout cela pourrait encore mal finir. Dès 2006, le nouveau statut d’autonomie, concocté et approuvé unilatéralement par le « Parlament de Catalunya », constituait une véritable injure à l’Espagne. La censure partielle du Tribunal Constitutionnel en 2010 a constitué une réponse légaliste, laquelle n’aura servi qu’à attiser le feu indépendantiste. M. Rajoy ferait donc bien de ne pas pécher par excès de confiance.
L’organisation d’élections régionales en Catalogne répond sans doute à une logique institutionnelle (la tutelle de Madrid n’ayant pas vocation à s’éterniser) mais en les convoquant pour le 21 décembre, et en se plaçant ainsi dans le rôle de celui qui identifie la défense de l’intégrité espagnole à l’application sourcilleuse de mesures dictées par la loi, le chef du gouvernement rabaisse le débat de fond sur la nature même de l’Espagne au niveau purement comptable d’une consultation électorale. Il prend ainsi le risque – qui existe, au vu du rapport de forces actuel – d’être désavoué. Rien ne serait pire qu’un score avoisinant, voire dépassant, les 50% pour les indépendantistes qui, rappelons-le, disposaient de 72 sièges (majorité absolue) dans l’assemblée sortante pour 47,8% des voix. L’Espagne a certes une constitution qui ne reconnaît pas à une de ses communautés autonomes le droit au séparatisme, elle se vit malheureusement aussi comme une démocratie exemplaire, même couronnée. M. Guetta (France Inter, mercredi 1) peut dire : « Indépendance ou pas, ce sont ainsi les électeurs qui auront à trancher […] Majoritaire à plus de 50% des suffrages exprimés, on voit mal comment l’indépendance ne deviendrait pas réalité. »
Les indépendantistes ont de toute façon plus à gagner qu’à perdre dans ces élections car, même battus, ils maintiendront leur revendication, soutenus qu’ils sont par une bonne partie de la jeunesse, littéralement enragée et dévoyée par un enseignement qui, depuis le statut de 1979, trahissant délibérément l’esprit même de ce statut, a fait de la langue catalane une arme de guerre contre Madrid en marginalisant la langue espagnole, langue de l’ensemble du pays. Les séparatistes catalans, pour reprendre les propos de M. Carderera, ambassadeur d’Espagne (France Inter, jeudi 2), « identifient la Catalogne avec eux-mêmes », allant jusqu’à dénier le droit aux Catalans qui ne votent pas comme eux de se dire catalans (propos explicitement tenus par l’ex-président du Parlement, Mme Forcadell). Le fanatisme anti-espagnol de certains n’a, on le voit, aucune limite.
Il conviendrait donc de relativiser la portée du scrutin de décembre en rappelant qu’il ne s’agit nullement d’élections destinées à (in)valider l’indépendance de la Communauté autonome de Catalogne, leur seul enjeu étant la composition d’un nouveau « parlament » en charge de la gestion et de la gouvernance d’une région autonome, rien de plus : le futur parlement catalan, quelle que soit sa composition, n’a pas vocation à s’ériger en assemblée « nationale », ses prérogatives étant déjà très étendues par ailleurs, puisque seules lui échappent la défense, la diplomatie et la fiscalité. On attend donc ensuite de Felipe VI, chef d’Etat du royaume d’Espagne, symbole et garant de l’unité et de la pérennité dudit royaume, commandant suprême des Forces armées, qu’il déclare solennellement qu’aucune élection et qu’aucun référendum, même démocratiques, ne sauraient exclure la Catalogne de la communauté de destin qu’elle forme irrévocablement avec les autres composantes de la nation espagnole, telle que l’Histoire l’a façonnée et laissée en héritage.
Là est la légitimité. Et ceux qui, au mépris des réalités, imaginent, fantasment même, une République catalane, sont des apprentis-sorciers dangereux prêts à toutes les impostures et toutes les tragédies. •
Je partage les craintes de M. Delanglade car j’avais été enthousiasmé par la manière pacifique et « pacifiante » dont a été réalisée en 1978 puis défendue en 1981 la transition du franquisme à la démocratie couronnée du Roi Juan Carlos. Pour moi, la démocratie royale avec de larges autonomies régionales était le modèle à suivre pour nos nations européennes; je souhaite que cette admirable réalisation politique ne soit pas détruite…mais j’ai peur…
Très juste critique de la position de Rajoy, obligé par la doxa démocrassouillarde de se livrer au risque électoral.
Je songe souvent à l’aphorisme de Beaumarchais (dans « Le barbier » ou « Le mariage », je ne sais plus) dans la bouche du comte Almaviva : « prouver que j’ai raison serait avouer que je puis avoir tort ». Il y a bon nombre de sujets qui, littéralement, « ne se discutent pas ».
Au fond, Pierre Builly a résumé cet article en tout point remarquable et juste.
Cet Article résume bien le piège que la démocratie espagnole risque de se tendre à elle même !!! . La légitimité est « chose » parfois fluctuante ! …. Il me semble curieux de n’ entendre jamais considérer que seul, un vote de la nation espagnole dans son entièreté, pourrait , par référendum accorder aux catalans ce qu’ il désirent ! (La comparaison avec la séparation des 3 départements d’ Algérie est ici impossible et incomparable ! )….Quoiqu’ il soit aussi très discutable d’ admettre , que seuls les espagnol de 2017, puissent décider, aujourd’ hui , pour ceux d’ hier et ceux de demain, quant à l’ existence du pays ! … Dans ce qu’ elle a de ponctuelle , la démocratie démontre , qu’ elle n’ est que la gestion d’ un présent éphémère par nature … Reste un Roi, sans doute aussi courageux que le fut son père … et qui symbolise la permanence de l’ Etat … Souhaitons courage au Roi DES Espagnes, Philippe VI .