Trois députés européens belges brandissent l’Estelada, le drapeau indépendantiste catalan, au Parlement européen de Strasbourg, 4 octobre 2017. SIPA.
Par Roland Hureaux
C’est, selon son habitude, à une fine analyse que Roland Hureaux se livre ici [Causeur – 3.11]. Une fine et exacte analyse de la situation en Catalogne et de son rapport à l’Union Européenne. Nous sommes moins sûrs que lui que la fête soit finie en Catalogne. Pour deux raisons : Quels résultats, quel parlement, quelle coalition, quel président sortiront des élections du 21 décembre ? Sur ces points-là l’incertitude est grande. Quant au capital de haine envers Madrid, l’Espagne, le castillan, accumulé depuis des décennies par une petite moitié des Catalans, quel scrutin suffira-t-il à l’entamer ? L’avenir nous le dira. Rappelons enfin que Roland Hureaux fut l’un des participants au colloque d’Action française du 7 mai 2016, à Paris, « Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? » LFAR
La Catalogne avait tout pour plaire au courant dominant européen : une forte identité mais régionale – pas nationale – non exclusive d’un vif sentiment europhile, Bruxelles apparaissant comme un garant de l’autonomie face aux tentations unitaires de Madrid ; le souvenir de la guerre civile où cette province se trouvait du côté « sympathique » de la force, celui des républicains ; une large ouverture à l’immigration (13,5% de sa population en 2008) ; la métropolisation (5,5 des 7,5 millions de Catalan vivent dans l’agglomération de Barcelone) ; une grande tolérance de mœurs: « gay friendly » et paradis de la prostitution; sur la voie royale menant du Maroc à l’Europe, le cannabis y est presque en vente libre.
Au sérieux traditionnel que l’on reconnait au peuple catalan, s’ajoutait ainsi une image de modernité progressiste de bon aloi.
On se serait attendu à ce que le mouvement pour l’indépendance soutenu par près de la moitié de la population, avec des appuis à droite mais surtout à gauche et à l’extrême gauche, reçoive tout naturellement l’aval de la nomenklatura politique et médiatique ouest-européenne. Las, les choses se sont gâtées.
Vers la balkanisation de l’UE ?
La perspective de l’indépendance se rapprochant et sur fond de grave crise des partis nationaux (PP, PSOE), les forces qui dominent l’Europe ont vu tout à coup avec effroi le danger que représenterait une indépendance « pour de bon » de la Catalogne: la contagion à d’autre provinces espagnoles, à la Corse, des tensions accrues entre les régions italiennes ou belges, un précédent pour l’Ecosse. Comme il s’en faut de beaucoup que l’idée d’indépendance fasse l’unanimité dans ces régions, où l’opinion est généralement divisée par moitié, les risques de guerre civile pointaient un peu partout. S’agissant de la Catalogne elle-même, qui pouvait dire si l’ordre public serait sérieusement assuré par un gouvernement régional habitué depuis longtemps à se positionner contre l’Etat et sur un territoire qui intéresse de plus en plus les réseaux mafieux ?
L’Union européenne, qui avait si ardemment encouragé la dislocation de la Yougoslavie, et si longtemps prôné une « Europe des régions » destinée à affaiblir les Etats, a, tout à coup, perçu le danger : elle ne peut pas se permettre une dislocation de l’Espagne et une fragilisation de toute l’Europe méditerranéenne, dont les économies sont déjà affaiblies par la toute-puissance d’un euro plus fait pour l’Allemagne que pour elles. C’est toute l’Europe occidentale qui en subirait le contrecoup ; la construction européenne pourrait même être remise en cause.
Au même moment, Bruxelles prend conscience qu’il est plus facile de faire appliquer les directives européennes dans un Etat discipliné comme la France que dans quinze länder allemands : le régionalisme débridé pourrait passer de mode.
La fête est finie
Devant la provocation que représentait l’organisation d’un référendum sauvage par la Généralité, le 1er octobre dernier, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy n’a fait que son devoir en faisant intervenir la police, de manière parfois musclée, pour empêcher les opérations de vote. L’unité de l’Espagne a reçu l’appui du roi Felipe VI. En d’autres temps, l’opinion européenne, toujours portée à la sensiblerie, aurait crié à la provocation, dénoncé les violences d’Etat, la répression policière. Mais elle a au contraire appuyé Rajoy. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, notre bon président Macron et même le pape François sont venus à sa rescousse.
La grande manifestation du 8 octobre à Barcelone a montré que, quand le contexte s’y prête, la fermeté emporte autant l’adhésion que la gentillesse. Et en tous les cas qu’une partie substantielle des Catalans ne voulait pas couper les ponts avec Madrid.
Ces événements, et le retour à l’ordre qui s’amorce, rappellent, après des années de « fête catalane » un peu irresponsable, que la politique est une chose sérieuse et qu’elle peut même parfois virer au tragique. La question de l’unité de l’Espagne ne fut-elle pas, au moins autant que la question religieuse et bien plus que la lutte des classes, au fondement de la guerre civile espagnole de 1936-1939 ?
En Catalogne, la récréation est finie. •
Il y a 20 ans les souverainistes accusaient de Bruxelles de vouloir démembrer les Etats Nations au profit des régions. Ce n’est plus vraiment le cas en Espagne. En fait n’en déplaise aux souverainistes Bruxelles (sauf quelques éléments) n’a jamais voulu démembrer les Etats Nations.
Le 24 octobre j’ indiquais, dans une réponse sur le sur le sujet « Quant à ce démon de Puig-démon, « bobo » , version « Barcelone » , aura-t-il le courage d’ un Lluís Companys, si on lui diagnostiquait le même sort ? … j’ en doute fort… ses discours alambiqués et contradictoires le démontre !… Mais ce qu’ il sait ; c’ est que , quel que soit l’ issue de cette sardane , indépendance ou non , il en sortira vaincu ! … Indépendante , la république de Catalogne se retrouvera à peu près au niveau de la Grèce , mais sans aucun appui de l’ U.E. , et d’une Espagne (et certains autres ?!) qui fera barrage à son entrée dans ce « paradis » … Une Catalogne qui restera dans l’ actuelle Espagne n’ inspirera plus confiance aux autres espagnols, et au investisseurs étrangers qui se méfieront de ces « révolutionnaires » à l’ esprit « boutiquier » … Le réveil sera dur pour ses pauvres catalans » ……
Depuis , Puig-démon a fuit misérablement à Bruxelles, dans une Belgique , ou peu de politiciens ont le sens de l’ Etat , mais ou on a l’ habitude de noyer les poissons dans l’ eau ! La sardane du démon semble terminée ?!
Le croyez-vous réellement ? … je pense surtout que les « faiseurs » d’ U.E. ont horreur qu’ on les piège dans leurs propres intentions ! … chaque chose en son temps….
Article tout à fait remarquable, au demeurant.
Je ne sais pas s’il le croit. En tout cas il dit et faute d’éléments ce n’est guère probant. Ce qui est vrai c’est qu’au moins Junker a compris qu’une Europe de 90 régions serait encore moins gérable qu’une à 27 Etats.
Je ne crois pas la ‘fête » terminée. La société catalane est désormais fracturée pour longtemps en deux parties à peu près égales et les enragés n’ont pas fini leur sale travail.
Certainement Cher Benoît, chez les « inventeurs » de L’ U.E. , le « régionalisme » est un mythe antinationaliste !!! … Mais ils sont confrontés à LA réalité … unir des cultures fortes (française, italienne, espagnole,allemande,anglaise, etc…) se révèle plus ardu qu’ ils ne l’ imaginait !!! La réalité , est, que les » pères fondateurs », ont construit ce château de sable en étant eux même baignés par l’ esprit centralisateur , à l’ origine des nations post 1789. Le fédéralisme est un aspect caché du centralisme … L’ U.E. n’ est viable qu’ en tant que confédération ! … Et ce n’ est pas en diabolisant les souverainistes qu’ on évoluera. Les pitreries catalanes révèlent le risque de chaos ! … Et que 3 nationalistes néo nazis flamands brandissent le drapeau républicain catalan, prouve à quel point nous sombrons dans une farce dangereuse : le mensonge de « politiciens » ,qui, bien que tenant le pouvoir réel en Belgique , n’ ont même pas le courage d’ aller jusqu’au bout de leur programme ! : quand on représente 60% , on ne demande pas « l’ indépendance » au 40% restant , on la prend !!!….
« la fête » catalane dure depuis environ 1480 , et la naissance de l’ unité espagnole ; les catalans n’ ayant jamais accepté l’ évolution en faveur de la Castille. En 1700/1713 , la Catalogne avait encore choisi le mauvais camp, du prétendant Habsbourg . Et pendant les 5 petites années de la 2ème république, elle fut encore dans le camp du perdant, après avoir fait sa première tentative d’ indépendance. Il semble que les catalans détruisent ce qu’ ils ne peuvent dominer. … Puig-démon , a prétendu être le 130ème dirigeant de la « généralitat »??? …. Si vous trouvez l’ explication à ce chiffre, prévenez moi !!!