par Gérard Leclerc
Faut-il ériger l’historien Yuval Noah Harari en prophète de notre temps ? On pourrait sérieusement l’envisager, rien qu’à constater le nombre de lecteurs enthousiastes que suscite son best-seller intitulé Homo Sapiens, traduit en une quarantaine de langues et diffusé à plus de huit millions d’exemplaires. Le président Barack Obama s’est passionné pour cet essai qui prétend nous raconter l’histoire de l’humanité en une synthèse complète. Et il est rejoint par un nombre impressionnant de personnalités, acteurs majeurs du monde actuel, tels Bill Gates ou Mark Zuckerberg. Et il semble que le second essai d’Harari, intitulé Homo Deus. Une brève histoire de l’avenir, rencontre un succès identique. Le savoir-faire de l’auteur y est pour beaucoup, car il faut du talent pour rendre crédible un tel tour de force. Mais il faut ajouter que sa prétention à nous offrir une explication globale de l’aventure humaine et à nous révéler vers quel accomplissement nous nous dirigeons a de quoi intriguer et même fasciner.
Les deux livres d’Harari font penser à une œuvre de jeunesse d’Ernest Renan L’avenir de la science, car nous y trouvons le même projet qui consiste à imaginer le devenir de notre espèce grâce à la trajectoire du développement scientifique. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons affaire à une sorte de gnose scientiste, un substitut de religion, puisqu’il s’agit de donner du sens à l’existence, tout en s’émancipant des âges révolus de l’humanité.
Renan se demandait si la science n’obtiendrait pas l’ultime secret du monde, celui qui donnerait à l’homme le pouvoir de créer, qui jusqu’ici n’appartenait qu’à Dieu. Harari, lui, est aussi fasciné par les progrès de l’esprit de l’homme, mais il se montre angoissé par le développement d’une intelligence artificielle, que ce même homme a fabriquée et qui risque demain de le mieux connaître que lui-même ne se connaît. Ce n’est plus exactement la gnose scientiste de Renan, mais elle est encore plus inquiétante avec sa projection transhumaniste. Et c’est dans ce climat culturel-là, que les chrétiens ont à faire connaître la Bonne Nouvelle, dont saint Irénée montrait, qu’avec le Christ, elle était la nouveauté absolue. C’est un sacré défi ! •
En bon teilhardien je ne perçois pas de contradiction majeure. L’humain est un Projet en devenir constant, pas un produit clé en main. Les vrais – seuls – ennemis de ce Projet ? Les tenants de la vision mortifère de Heidegger et de ses exégètes lourdingues. : Être-à-la-mort qu’ils disent, tout émerveillés par leur sublime audace négativiste.
Aboutissement logique : Regardez la démographie allemande comme prémisse de la marche de l’humanité vers sa dissolution douce. Ou l’idéologie de la décroissance des Verts, reprise par nos Mélenchon Polony and Co ;: l’humain est posé comme ennemi irréductible de leur chère Nature et c’est lui qu’il faut détruire par extinction : zéro enfant etc..,
Dans la même veine, il faut lire aussi « L’islam sans soumission » d’Abdennour Bidar pour qui, l’homme, vu comme héritier de Dieu (et non plus soumis), prendrait progressivement sa place et, grâce aux progrès de la science, parviendrait à l’immortalité sur terre plutôt que dans l’au-delà.
Tout ça – que je n’ai pas lu – me fait songer à quelque chose qui eut beaucoup de succès dans les années 60 et 70 : l’idéologie « Planète », revue portée par Louis Pauwels, porté par l’immense succès du « matin des magiciens » : une sorte de vision spiritualo-scientiste…
J’ai adoré ça quand j’avais 20 et 30 ans ; quand j’ai relu, à 50, je me suis étouffé de rire… et pourtant, j’adore le progrès technique et ne voudrais pour rien au monde vivre il y a 50 ans, sans Internet et l’air climatisé dans les bagnoles