« L’Europe, faites la mais ne faites pas comme si c’était fait » Charles Maurras
Sommes-nous, comme nous pourrions parfois le donner à croire par maladresse, antieuropéens ? Sommes-nous contre l’Europe ?
Nos positions ne doivent pas être des foucades. Nous devons être attentifs à leur formulation. Il faut distinguer les plans, ne pas ignorer les nuances qui s’imposent : elles peuvent être importantes. Nous devons veiller à n’être ni apparaître comme des acteurs négatifs dans le spectre politique français ou comme des esprits simplistes, sectaires, psychorigides. Parce que nos volontés ni nos doctrines politiques ne nous conduisent vers rien de tout cela.
Dans l’affaire européenne, nous sommes carrément opposés à l’esprit de Bruxelles comme à sa réalité technocratique, niveleuse, en fait mondialiste, immigrationniste et multiculturaliste. Cette Europe-là a commencé par refuser de reconnaître ses racines, notamment, mais pas seulement, chrétiennes. Toutes ses racines nées de l’Histoire. Par-là, elle a rompu avec sa réalité. Elle a voulu se construire par dépassement et effacement des Etats-Nations alors qu’elle ne peut exister que par le concert des mêmes. D’origine, l’Europe au sens bruxellois a voulu se construire par l’économie, se définissant seulement comme un « marché ». En ignorant que l’argent n’unit pas. Il divise*. Conséquemment, l’U.E. a travaillé à rendre ce marché homogène, à l’unifier, et même le massifier en édictant un grand nombre de réglementations des plus tatillonnes. Plus récemment, elle a voulu imposer l’accueil massif de migrants, obliger chaque Etat à des quotas réinventés pour la cause. Le rejet des peuples et de certains Etats courageux a suivi, fatal, d’un bout à l’autre d’une Union qui n’en est pas ou plus une. Ainsi l’un des principaux reproches que l’on peut adresser aux hommes et aux institutions qui ont eu la charge du projet européen est précisément d’avoir gâté cette grande idée, de l’avoir peu à peu discréditée aux yeux des peuples et d’avoir provoqué le rejet, voire le mépris, qu’aujourd’hui elle inspire. Peut-être pour longtemps.
Une autre Europe était et reste possible et nous n’avons pas à nous en dire « partisans » : nous en sommes, nous sentant profondément européens d’une Europe réelle, faite de ses différences, de ses peuples divers, de ses langues et de ses cultures, de sa riche palette de climats, de paysages et de mœurs, de son enracinement spirituel diversement mais partout majoritairement chrétien, de son patrimoine intellectuel, de ses scientifiques et de ses techniciens, de ses littératures et de ses arts, différenciés et formant pourtant une évidente communauté de civilisation, à défaut de constituer une unité politique. Par tradition, par héritage, par respect de l’Histoire, par sens et goût des traditions, des racines et des terroirs, par attachement au principe dynastique qui, au cours des siècles fondateurs a façonné l’Europe, uni tant de fois les familles princières du continent, relié leurs Etats et leurs peuples, les royalistes sont par essence européens. Peut-être plus naturellement, plus spontanément que d’autres.
C’est cette Europe-là que nous prônons. L’Europe des intérêts, économiques, sociaux et politiques n’a jamais cessé d’être divisée. Elle l’est aujourd’hui plus que jamais. Sans-doute par définition et pour longtemps. L’Europe communauté de civilisation, en revanche, à condition qu’elle s’éloigne de son tropisme de repentance et d’excessive autocritique, est une réalité qui n’a nul besoin d’une armada de technocrates pour exister. Les mêmes qui provoquaient déjà l’ire de De Gaulle autour de 1960 … Echanges scientifiques, universitaires, culturels, estudiantins, grands projets d’intérêt commun, grands travaux unificateurs du Continent, peuvent se réaliser sans eux. Le Conseil des chefs d’Etat, des gouvernements ou des ministres concernés y suffirait.
Cette Europe-là n’exclut pas une Union qui serait progressivement plus politique par la concertation institutionnalisée de ses Etats. Elle ne l’exclut pas, elle la précède et la conditionne.
La première de ces deux Europes d’esprit si opposé, est en train d’échouer. D’aucuns se demandent si elle n’est pas déjà morte sans le savoir. Rien en tout cas n’est certain de sa pérennité ni de sa capacité de résistance aux épreuves et au temps. Celle que nous appelons de nos vœux pour éloignée qu’elle soit de la doxa postmoderne a au moins pour bases de puissantes réalités sur lesquelles l’Europe de Bruxelles vient aujourd’hui se briser. Notre Europe a le mérite d’être, en plus d’une réalité, une espérance. •
* Guerre fiscale intra-européenne
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Lafautearousseau nous offre ce jour un éditorial particulièrement riche dans les multiples nuances que sa pensée suggère de prendre en compte à propos de l’Europe. Chacun peut y trouver du grain à moudre selon sa position sur le sujet.
En raison des antagonismes nationaux que l’Europe de Bruxelles suscite depuis plusieurs années sur de nombreux sujets de nature souvent technocratique mais pas exclusivement et les irritations qui en découlent au sein des peuples qui la constituent, on peut se demander comment cette Europe là parvient encore à exister et quel est son avenir.
Sans prétendre détenir la réponse à cette question troublante, il est possible de formuler une hypothèse. Au fond, l’Europe de Bruxelles est une Europe d’intérêts matériels et financiers, une Europe de marchands comme on en trouvait dans les foires des villes importantes au Moyen-Age. Des foires qui tournent souvent aujourd’hui à la foire d’empoigne.
Curieusement, cette Europe-là si décriée parvient à durer vaille que vaille, même si elle ne satisfait pas les sentiments européens plus élevés et nobles que l’éditorial de Lafautearousseau décrit si bien.
Elle dure parce que chacun, c’est-à-dire chaque nation qui la compose, fait ses comptes et se convainc de ne pas être globalement perdant comme le serait tout bon marchand. Un exemple vient à l’esprit. Pourquoi la Hongrie qui s’oppose si fort, ces temps-ci, à la majorité de ses partenaires européens sur des sujets quasi existentiels (la conception de la justice, de la liberté de la presse, de l’accueil des migrants, de l’enseignement supérieur, etc.) ne claque-t-elle pas la porte de cette Europe dans laquelle elle peut se trouver si isolée ? Le cynisme sinon le réalisme impose de répondre : parce qu’elle touche tellement d’argent de l’Union Européenne pour son développement qu’elle aurait trop à perdre financièrement à quitter cette Europe qu’elle vilipende si souvent.
Ces commentaires n’épuisent évidemment pas les nombreux sujets abordés par Lafautearousseau.
Le commentaire de Gilbert Claret est bien intéressant.
Il n’envisage pas que l’UE soit déjà « un de ces morts que le courant de la vie emporte ». L’expression est de Mauriac à la fin du Sagouin.
Dans les années 1980 Thomas Molnar qui fut un grand esprit nous expliquait que le communisme à l’Est n’était plus qu’une de ces coquilles vides que l’on voit sur les plages du bord de mer. La coquille était là, vide, la bête en était partie. Nous ne le croyions pas jusqu’à l’effondrement du communisme en 1989-90. Il nous semblait encore invulnérable. C’était faux.
La Grande Bretagne a déjà claqué la porte et c’est autrement important que si c’eût été la Hongrie. Cette dernière restera dans l’UE tant qu’elle pourra à la fois toucher son pactole européen et sauver son existence. Si l’un des deux paramètres manquait elle partirait sans doute.
L’Europe tient aussi par la volonté de survie de sa structure, des dizaines de milliers de fonctionnaires hyper privilégiés et par l’absence d’autre vision de la part des dirigeants européens.
Mais la fin de l’UE ne signifierait pas celle de l’Europe. C’est ce que montre, je crois, l’article de LFAR.