Par Mathieu Bock-Côté
Dans cette tribune du Journal de Montréal [28.12] Mathieu Bock-Côté dit des propos du pape – mieux sans-doute et autrement – la même chose que nous. [Voir article précédent]. La charge du pape François en faveur de l’immigration, au soir de Noël, ne vise en fait que l’Europe. Peut-être surtout, comme on le dit, la catholique Pologne. Mais aussi la France, sans aucun doute. Gardons présent à l’esprit qu’en matière politique, en tout ce qui touche au Bien Commun de notre patrie, nous sommes – ou devrions être – seuls souverains. LFAR
Depuis quelques années, le pape François a multiplié les déclarations invitant l’Occident à s’ouvrir aux vagues migratoires.
Entre les vrais réfugiés et les migrants économiques, il ne distingue pas vraiment : il ne veut voir qu’une misère humaine réclamant qu’on lui porte secours. Même s’il fait quelques nuances, il invite globalement les Européens à accueillir avec le sourire ceux qui entrent chez eux sans même frapper à la porte.
Occident
Il lui importe peu que les Européens se sentent submergés : ils doivent faire un effort supplémentaire de charité pour ne pas renier leur humanité.
C’est dans cet esprit qu’il a récemment comparé les migrants à Jésus et ses parents. On comprend le message : qui ferme la porte aux migrants la ferme au Christ.
On comprend que, pour le pape, un bon chrétien ne saurait jamais s’opposer à l’immigration massive qui transforme l’Europe démographiquement.
Lorsqu’il est question du pape, les médias occidentaux pratiquent l’écoute sélective. Lorsqu’il parle de religion, ils s’en fichent. Mais lorsqu’il plaide pour la dissolution des frontières, ils lui donnent le titre de grand sage et nous invitent à suivre ses conseils.
C’est qu’il radicalise le préjugé sans-frontiériste dominant chez nos élites économiques et médiatiques.
En gros, l’Occident serait devenu riche en pillant la planète et il serait normal qu’aujourd’hui, il se fasse pardonner en accueillant sans rechigner les déshérités du monde entier. Cette vision de l’histoire est fausse et déformée, mais elle monopolise la conscience collective.
Du haut de son magistère, le pape fait la morale sans trop s’intéresser aux conséquences pratiques de cette révolution migratoire. Il y a là une terrible irresponsabilité.
Dans un livre essentiel paru début 2017, Église et immigration : le grand malaise, le journaliste français Laurent Dandrieu, lui-même catholique, décryptait la pensée du pape et, plus globalement, de l’Église, autour de cette question. Il observait une inquiétante indifférence de l’Église devant le droit des peuples à conserver leur identité.
Au-delà des déclarations du pape François, on doit constater que l’immigration massive est probablement le grand enjeu de notre époque. Ce sont des masses humaines qui se mettent en mouvement.
Le phénomène ne date pas d’hier : depuis le début des années 1980, on s’en inquiète, mais personne n’ose le maîtriser, et pour cela, il prend de l’ampleur.
Responsabilité
Et on aura beau sermonner les peuples occidentaux en leur expliquant que la diversité est une richesse, ils se sentent néanmoins bousculés, dépossédés. S’ils veulent bien accueillir un certain nombre de malheureux, ils ne peuvent accueillir pour autant toute la misère du monde.
Les vagues migratoires des dernières années ont quelque chose de traumatisant. On entre illégalement et massivement en Europe. Les pays sont incapables de faire respecter leurs frontières. Leurs équilibres sociaux et culturels sont compromis. Les tensions identitaires augmentent.
L’immigration est une question explosive. Et les irresponsables qui accusent de xénophobie ceux qui voudraient mieux la contrôler et faire respecter les frontières enveniment la situation. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Le pape dans cette affaire de l’immigration semble se consacrer davantage à une surenchère de pasteur évangéliste américain en concurrence avec un de ses confrères en religion, plutôt qu’à celui de chef de l’Eglise qu’il a pour mission de protéger et de développer, notamment en défendant ses membres, ce qu’à l’évidence il ne fait pas.. On ne sait quels intérêts il sert ainsi, mais on peut être certain que ce n’est ni fortuit, ni irréfléchi, et qu’il existe donc une logique derrière ces apparentes contradictions. On commence à craindre de la découvrir pour de bon.
L’ingérence des papes en politique ne leur a pas toujours réussi. Nos rois l’ont subie et l’´Histoire est pleine de leurs conflits.
Nul doute que nous avons un pape anti européen sélectif dans ses affections.
L’Eglise en Europe est en perte de vocations et en Afrique le protestantisme gagne du terrain. Est-ce un coup de « com » ? En ce cas il y’ a plus performant.