par Gérard Leclerc
Une chronique, une information, une réflexion à propos de Michel Onfray qui pourront intéresser ceux qui croient au Ciel comme ceux qui n’y croient pas. LFAR
Michel Onfray surprendra toujours. Sa dernière initiative ? Un séjour à l’abbaye de la Trappe, située dans le département de l’Orne, dans cette Normandie si chère au cœur du philosophe. Imaginer l’auteur du Traité d’athéologie, une sorte de bréviaire de l’athéisme, dans une abbaye, non pas en simple touriste passager, mais comme une sorte de retraitant accueilli par les moines dans leur hôtellerie et participant aux offices, c’est un choc. Attention, il ne s’agit nullement d’une conversion : « Je n’ai pas la foi et ne la demande pas, je ne suis pas en quête d’une grâce ou d’une révélation ; je n’attends pas une conversion comme Claudel derrière son pilier, je ne suis pas en demande de visitation ; je ne crois pas que fréquenter le lieu où d’aucuns prient Dieu le fasse apparaître. » Néanmoins, la vie monastique l’a toujours intéressé.
Situation singulière pourtant. L’athée proclamé peut-il faire le signe de croix ? Oui, il le fera au réfectoire et à l’église. La foi lui manque, il n’éprouve pas le désir de la trouver, mais ce qu’on appelle les racines judéo-chrétiennes de la France ne lui sont nullement indifférentes. Les nier, dit-il, c’est impossible. Il s’en explique au moyen d’une curieuse image : un gland pourrait-il récriminer contre le chêne en prétendant qu’il n’a rien à voir avec lui ? Donc il se signe, avec le sentiment qu’il dessine la croix sur son corps : « Je la faisais entrer dans ma chair. Symboliquement, se signer c’est se saigner. »
Et puis l’homme de culture qu’est Michel Onfray ne saurait échapper à l’histoire littéraire de sa Normandie. C’est ici, à la Grande-Trappe, que le fameux abbé de Rancé est venu au Grand Siècle rétablir la stricte observance de la règle de saint Bernard, au lendemain d’une conversion qui a transformé l’abbé libertin qu’il était en terrible ascète, digne des Pères du désert. Chateaubriand a raconté sa vie dans un dernier livre, et le philosophe a voulu lire ce livre dans les lieux mêmes où Rancé a passé trente-sept ans ! Mais du coup, c’est un torrent de mémoire qui s’abat sur lui, avec toutes les querelles sur la grâce qui ont occupé le dix-septième siècle. Et puis il y eut aussi la fameuse querelle entre ces deux géants que furent Rancé et Mabillon à propos de la nécessité ou non de l’étude dans l’Église. Là où Rancé ne voit que curiosité, dissipation, contestation, Mabillon affirme l’impérieuse intelligence de la foi. Michel Onfray se passionne pour cette querelle. Et ce faisant, il nous montre qu’un athée n’échappe pas à cette culture qui nous définit et continue à nous nourrir. •
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 28 décembre 2017.
http://www.lepoint.fr/dossiers/culture/onfray-rance-trappe/#xtatc=INT-1420—
Si on se réfère au dictionnaire Larousse, Athée vient de dieu, Théos en grec. Donc un athée nie l’existence d’une quelconque divinité. Toujours sur le Larousse, la divinité y est définie en premier comme celle de Jésus Christ. C’est le choix qui découle de nos racines chrétiennes. En second viennent les divinités antiques. La grâce divine qualifiée par le merveilleux , l’exquis n’est pas réservée aux seuls croyants guidés par l’église. N’est ce pas tout simplement la construction toujours plus moderne du cerveau humain. Faut il encore que l’homme dans le sens général y impose des barrières sécuritaires pour les autres. La domination des esprits sur les esprits, c’est le monde humain; et l’espoir d’un au delà fait vivre une grande partie de l’humanité. Vivre sans espoir, c’est la rôle réservé aux bêtes.
Pardonnez-moi, Monsieur, mais le rôle réservé aux animaux n’est pas de vivre sans espoir mais de vivre sans conscience de la mort. Dès lors l’esprit tragique – rester digne et se battre tout en sachant que la mort sera victorieuse – n’est nullement une attitude bestiale, mais au contraire un choix humain parmi les plus élevés.