Par Mathieu Bock-Côté
Dans cette tribune du Journal de Montréal [25.01] Mathieu Bock-Côté pointe avec raison l’égalitarisme scolaire qui vise à couper tout ce qui dépasse, et nuit aux plus doués, abaisse dramatiquement le niveau culturel de nos sociétés, empêche la formation d’élites cultivées. Mathieu Bock-Côté a raison. Et ce qu’il dit pour le Québec vaut évidemment pour la France. LFAR
Le dossier du Journal sur le mauvais sort réservé aux surdoués à l’école en dit beaucoup sur certains travers de la culture québécoise.
On veut croire qu’ils n’ont pas de besoins particuliers. On fait presque comme si leur intelligence était un défaut : elle fracture l’illusion égalitariste à laquelle le milieu de l’éducation tient beaucoup. On refuse de croire à la diversité des talents.
Intelligence
Si des enfants sont plus doués que d’autres, on l’explique seulement par leurs origines sociales. Tous les enfants seraient également intelligents : c’est seulement que certains auraient profité d’un milieu avantageux pour cultiver leurs talents, et d’autres non.
Un certain égalitarisme pousse à couper tout ce qui dépasse. On veut bien qu’il y ait une élite sportive ou artistique, mais certainement pas une élite intellectuelle.
On le constate au quotidien, d’ailleurs. Celui qui s’exprime avec trop d’aisance en français et qui ne s’interdit pas l’usage de mots auxquels nous ne sommes pas habitués sera accusé de snobisme.
Celui qui se permet quelques références philosophiques ou historiques dans la vie publique sera présenté comme un pelleteur de nuages seulement bon pour inspirer les moqueries.
Faut-il rappeler qu’à la radio comme à la télévision, on ne trouve aucune émission exigeante et de qualité consacrée aux livres et aux grands débats de société ?
Il faudrait avoir le courage d’un certain élitisme scolaire. Non pas pour séparer les plus doués de l’ensemble de la société, mais pour leur permettre de développer leur plein potentiel.
Pourquoi faudrait-il s’en vouloir de créer des classes de douance pour ceux qui en sont capables ?
Les parents sont à la recherche de cette culture de l’excellence scolaire, ce qui les pousse vers l’école privée, où ils croient trouver un certain encadrement pour leurs enfants.
Mais on se raconte des histoires quand on s’imagine que le privé est le gardien d’une définition substantielle de la culture. Lui aussi a cédé, très souvent, à la négligence culturelle qu’il croit compenser par la surdose technologique.
À quoi pourrait ressembler une politique de l’élitisme scolaire ? Fondamentalement, elle devrait chercher à identifier les jeunes les plus doués, quel que soit leur milieu d’origine. Elle devrait même faire un effort de plus vers les milieux défavorisés pour repérer le talent brut qui n’a pas été exploité. Il s’agirait ensuite d’élaborer un programme permettant leur plein épanouissement.
Il faut savoir aussi quelle idée de l’excellence on valorise. Elle ne devrait pas relever seulement de l’obsession mathématique et scientifique.
Culture
Le mauvais sort réservé à la littérature, à l’histoire et plus largement aux humanités est quasi criminel. Une élite de qualité est une élite cultivée.
Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il faut accorder aux surdoués un monopole sur la culture. Cela veut encore moins dire qu’ils ont le monopole de l’intelligence. Tout le monde a droit à une éducation de qualité.
Cela veut seulement dire qu’on donne à ceux qui peuvent en faire plus l’occasion d’en faire plus. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Mathieu Bock-Côté est encore une fois perspicace et ce qu’il dit pourrait s’appliquer à la France .
La prééminence donnée aux disciplines scientifiques , déplace , de fait la recherche de l’élitisme ( pour simplifier » la » ou les Mathématique ( s ) – remplacent le Grec et le Latin ) . Plutôt un fils ingénieur que prof dans la hiérarchie sociale des bonnes familles .
Ceux qui ne découvrent pas l’élitisme à l’école le découvriront dans la vie adulte .
Pour ce qui est du langage soigné l’observation montre qu’il n’est pas le monopole des milieux d’en haut ; Les simples » sous doués » ont l’intelligence de faire preuve d’humilité en ce domaine ; les sots , par contre bâtissent des concepts : la culture serait passéiste ( heureux que l’on ne sorte pas le révolver ) , signant le pédantisme voire le maniérisme ; il faut discréditer pour faire taire et , pour le coup , les vieilles méthodes sont toujours d’usage .
Et celui ou celle qui » s’embête » en classe ( il y en aura toujours ) et qui devient plombier ou coiffeuse , il en faut aussi . Une jolie coiffeuse fera parfois un meilleur mariage qu’une fille passée par les longues études et » défraichie » à l’arrivée . Le plombier peut aussi être plus censé qu’un diplômé uniquement focalisé sur son domaine de formatage .