Viktor Orban, Premier ministre hongrois, mène l’assaut des nations contre Bruxelles
Par Hilaire de Crémiers
ANALYSE POLITIQUE. Il est des politiques qui ne tiennent aucun compte du réel. Généralement ça se termine mal.
Les propos du président Macron sont suffisamment clairs depuis qu’il est élu – et déjà avant ‑ pour ne pas se leurrer sur ses objectifs. Sa vision est européenne et n’est qu’européenne. Il préconise l’adaptation de la France à la modernité ou à ce qu’il appelle la modernité, technologique, économique, financière, sociale – et dont sans doute personne ne nie la nécessité, à condition de ne pas en faire un absolu -, mais il n’est pas difficile de comprendre qu’il ne s’agit pour lui que de mettre la France définitivement à l’heure de l’Europe et de la mondialisation qu’il assimile à la notion même de modernité. Cette idée qu’il affiche comme une mission, structure son quinquennat.
RÉFORME FRANÇAISE OU EUROPÉENNE ?
Qu’a-t-il dit aux agriculteurs qu’il ne voit plus comme des paysans mais comme des entrepreneurs ? Laissez-vous conduire par l’Europe où je m’engage à défendre vos intérêts dans le cadre de la mondialisation : ainsi l’avenir de l’agriculture française se trouverait, selon lui, entre les circuits courts et les marchés internationaux, le Mercosur, le CETA. Comme toujours « en même temps » ! Macron oublie que l’agriculture, même ultra-moderne, est d’abord une tradition et un enracinement. L’agriculture française qui est déjà broyée, sera anéantie par secteurs entiers. Après de vaines tentatives de survie.
Toutes les réformes macroniennes sont de même style et de même finalité. Pour la SNCF, c’est caractéristique. Tout le monde admet que cette société, à l’origine nationalisée et surendettée, est dans un état inquiétant, sinon pitoyable. Réformer est nécessaire. Mais il y a un non-dit qui fausse la perspective de cette réforme : c’est la contrainte européenne. En fait, il s’agit d’ouvrir le rail français à la concurrence de nos partenaires européens ; l’obligation est là : l’Allemand, l’Italien viendront circuler chez nous sans qu’il n’y ait plus aucune notion de territoire. Cette réforme est donc le plan – déjà vieux - des eurocrates auxquels toute la génération d’énarchie macronienne est entièrement ralliée. C’est pourquoi, sans raison ni mesure, on a construit, déconstruit, reconstruit les sociétés qui relèvent du chemin de fer français. Il serait amusant de rappeler qu’il y a cinquante ans et plus, quand un esprit libre se permettait d’exprimer un simple doute sur la pertinence d’un État transporteur de voyageurs et de marchandises, vendeur de cigarettes et d’allumettes etc., ceux qui prétendaient être plus intelligents que les autres et, donc, dans la sainte obligation de les gouverner, ouvraient des yeux ronds. Faut-il aujourd’hui tout détruire ? Qui parle de « souveraineté » ?
Les réformes sociales, code du travail, apprentissage, bientôt retraites, chômage etc., tout est programmé dans l’idée de nous conformer aux règles allemandes et nordiques – cela a été dit par Macron – de nous aligner sur les futures règles européennes. Des réformes fiscales sont en cours ; personne n’en voit les tenants et les aboutissants. Rien n’est clair, car là encore, le plan – concocté, travaillé, préparé dans toutes les officines intellectuelles de « la gouvernance » dite intelligente – expression de Macron – est d’uniformiser, autant que faire se peut, la fiscalité européenne. Un exemple : la taxe d’apprentissage dont une entreprise pouvait faire profiter telle ou telle institution de son choix – en circuit court – il y a encore quelques années, est maintenant captée par l’État et les « services » … au profit de quoi, vous ne le saurez jamais.
Il n’est pas douteux que tout y passera ; le grand Paris, les métropoles seront encore un moyen et un prétexte de rafler les trésoreries qui justifiaient les budgets des collectivités. Une dizaine de grands guichets sous dénomination d’agences remplaceront le service au quotidien. Macron souhaite être entouré – il l’a dit à la Cour des comptes – de jeunes énarques qui seront à sa disposition pour prendre ces nouvelles organisations en main. Bonaparte ?
Et tout ça, pourquoi ? Pour l’Europe dans laquelle Macron se flatte d’assurer à la France un rôle primordial.
L’EUROPE N’EST PLUS LA MÊME
Il y a un hic et il est sérieux. C’est que l’Europe que le jeune Macron a appris à considérer, à admirer et à aimer dans ses cours et vers laquelle, sous la houlette de ses professeurs, il tendait de tout son esprit et de tout son cœur, n’est plus aujourd’hui que l’Europe des rêves du passé. Elle n’est plus d’actualité. Il se figure encore qu’il sera le jeune français génial, disciple et émule des Pères fondateurs, qui va rallumer la flamme de l’Europe « souveraine », démocratique, unie, fière et amie des peuples. Il pense mettre ce qu’il faut d’huile pour relancer la superbe mécanique institutionnelle, communautaire et « en même temps » si proche des peuples.
Mais, justement, c’est là que le bât blesse : l’Europe de Bruxelles, autrement dit ceux qui assument « la gouvernance européenne » et… peut-être « mondiale », sont sûrs de savoir ce qu’il faut pour les peuples. Dans leurs esprits ils détiennent le pouvoir du savoir, comme ils ont, pour ainsi dire naturellement, le savoir du pouvoir. Les commissaires européens, les hommes de la Commission, tel Moscovici, tel Barnier, le négociateur pour le Brexit et qui sans doute pense être le successeur de Juncker à la tête de la Commission, sont typiques de leur espèce. Ils s’étonnent et s’indignent : comment les peuples peuvent-ils, osent-ils renâcler ? Sont-ils stupides ! N’ont-ils pas compris où est leur intérêt ? Que faudra-t-il comme « pédagogie » – le grand mot – pour faire accéder les peuples au niveau d’initiation suffisant ?
Et, en effet, l’Europe dont ils vivent et dans laquelle Macron veut fondre la France, se délite un peu plus chaque jour. Après le Brexit, c’est au tour de l’Allemagne, dans une sorte de chaos électoral et de désarroi institutionnel, de ne plus savoir où elle veut aller. Elle qui a su utiliser le projet européen pour en faire un projet allemand et même grand-allemand, connaît dans son peuple de si fortes incertitudes que nul ne sait quel sera l’avenir d’Angela Merkel.
Celle qui prend sa succession à la tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, aura d’autres ambitions. Il y aura un ministère de la Heimat, du « Chez soi », tenu par le président de la CSU bavaroise Horst Seehofer. C’est dire !
L’Europe centrale est pratiquement en sécession par rapport à Bruxelles. Viktor Orban, Premier ministre hongrois, qui sera réélu lors des législatives du 8 avril, mène la danse du scalp, à la grande fureur des eurocrates. Pour lui, pour son parti, le Fidesz, pour la majorité des Hongrois, il n’est pas question que la Hongrie renonce à son histoire, à sa souveraineté, à son droit, à sa constitution. Pas question non plus de lui imposer des quotas de migrants ! Il s’y oppose et il est assez habile pour toucher les subventions européennes ! La Hongrie économiquement se porte mieux. L’Autriche du jeune chancelier Sébastian Kurz est sur la même ligne. La Pologne de Iaroslav Kaczinski, elle, est en procès avec Bruxelles ou plutôt Bruxelles prétend la ramener à l’état de droit, comme si les Polonais n’avaient plus d’institutions ! La Commission a intenté contre Varsovie en décembre 2017 une procédure selon l’article 7, ce qui ne s’était jamais fait. En Slovaquie, le chef de gouvernement, Robert Fico, ne veut pas laisser son pays dériver dans un libéralisme européen destructeur. La même tendance règne en Tchéquie avec son président Milas Zeman réélu le 27 janvier 2018 sur un programme franchement national, la presse occidentale dit « pro-russe ».
Un tour d’Europe suffit, au sud et même au nord, pour savoir que l’Europe n’est plus la même. Les analystes de la bien-pensance bourgeoise, comme Nicolas Baverez, parlent de démocraties illibérales : toujours des mots sur les mêmes schémas du mondialisme. La question est de savoir où est la vraie liberté ; celle qui consiste à être soi-même ou celle où tout votre patrimoine spirituel, moral, matériel, historique et même financier est livré au Mammon qui mène le monde. À la France de retrouver sa voie. ■
Comme d’habitude, les articles d’ Hilaire de CREMIERS, notamment paraissant dans POLITIQUE MAGAZINE sont d’une incroyable lucidité Ah si nos employés en CDD de 5 ans ( président, députés) pouvaient s’en inspirer
Belle démonstration logique,mais,si je peux me permettre, un peu trop manichéenne pour mon goût.
Poussons donc un peu plus loin cette analyse bien commencée, en utilisant les termes mêmes de son auteur : quel est le « patrimoine spirituel » commun à tous les pays « protestataires » contre la « tyrannie » de Bruxelles ?
Pour répondre à cette question,deux éléments liminaires sont à noter spécialement :
-1/à l’époque, l’inspiration fondamentale des 6 pays fondateurs du « Marché Commun »d’origine, était bien catholique, à l’image de la majorité gouvernementale de chacun des 6 pays signataires du traité, signé précisément à Rome,en 1957.
Cette signature symbolique le fut à la demande expresse du pape d’alors,Pie XII,disparu en 1958.Alors même que 34 ans plus tard,-avant la signature du traité de Maastricht en 1992,-traité créateur de l’Union Européenne-,le pape Benoit XVI s’est vu obstinément refuser par le président Chirac de porter dans le traiter la juste mention des « origines chrétiennes » de l’Europe ! Chirac se mettait ainsi dans le regrettable sillage des révolutionnaires,laïques,républicains et maçons de 1793 qui ont toujours inspiré les inutiles et néfastes actions de nos républiques, la IIIème en particulier, plus humiliante encore que les autres, démollisseuses des traditions religieuses françaises !
2-dans les pays anglo-saxons, le calvinisme militant, et souvent sectaire, sert encore de support métaphysique ,(plus par le faux que par le vrai) pour empêcher notamment la canonisation de Pie XII par ses successeurs,-pourtant mieux placés qu’eux pour remplir une telle mission religieuse !-).
C’est presque un truisme de rappeler que le matérialisme y règne en maître souverain, par l’argent et ses tributaires, même s’il se déguise en libéralisme agressif ou pépère.(Il est certain, cependant,que le matérialisme du défunt communisme exterminateur était plus tragique encore ).
Dans ces conditions, il ne faut guère s’étonner de voir l’Italie,-laquelle,à l’inverse d’une France, oublieuse voulue de ses origines-,n’a pas peur d’afficher les siennes,-se joindre aux alarmes de la Hongrie,de la Slovénie,de la Tchéquie,de la Pologne,et, déjà, paraît-il,de la Lithuanie,tous pays marqués par un catholicisme historique, depuis toujours combattu,honni même, par le laisser-faire matérialiste anglo-saxon.
2-