Emmanuel Macron en Inde ne s’est pas travesti comme l’a fait Justin Trudeau.
On doit avoir gardé chez nous, du monde ancien, un sens du ridicule plus aigu que nos cousins canadiens.
Qu’importe ! Macron s’est contenté de tomber la veste pour dialoguer en bras de chemise, manches retroussées et cravate, avec des jeunes censés représenter la jeunesse de l’Inde.
Dans un anglais parfait, mais tout de même de ceux que l’on comprend si l’on est français, il leur a expliqué sa vocation première, qui était de devenir écrivain (to become a writer), ambition assez tôt délaissée pour faire quelque chose d’autre (something else). Exit Paul Ricoeur, voici David de Rothschild, Jacques Attali, Michel Rocard… Sous leurs auspices, Macron sera banquier et / ou haut-fonctionnaire, ministre, et, en dernier ressort, mais sait-on jamais, président de la République. Comme Georges Pompidou, vrai littéraire, agrégé et normalien…
Macron entretient encore ses jeunes Indiens de sujets moins égotiques, plus pragmatiques. Il leur expose, leur fait miroiter, qu’il veut faire de l’Inde, en matière économique et technologique, y compris sous l’angle militaire, ce qui n’est sans-doute pas sans avantages ni sans danger, le partenaire stratégique privilégié de la France dans la région ! Certes n’importe qui ne fait pas ce qu’il veut de l’Inde. Mais cette dernière ne risque rien à acquiescer. Quant aux voisins – le Pakistan, le Japon … et surtout la Chine, la grande rivale de l’Inde – l’avenir dira, lorsque leurs réactions seront connues, s’ils ont accordé ou non à ces avances plus de valeur qu’à des propos de circonstances.
Les images de cette rencontre de notre président plutôt postmoderne avec les jeunes représentants de l’une des plus anciennes cultures encore vivantes en ce monde, l’une des spiritualités les plus marquantes et aussi l’une des sociétés les plus communautaires, les plus holistes, les moins individualistes qui soient, nous ont semblé avoir quelque chose d’assez singulier.
Macron a sûrement lu dans les Antimémoires* les dialogues de Malraux avec le pandit Nehru et ses développements sur l’Inde, celle de Bénarès, du Gange, des Ashrams … L’Inde de Max-Pol Fouchet, d’Hermann Hesse et du prince Siddhârta … Où les dieux et les castes comptent toujours pour beaucoup, presque tout, les individus pour peu de chose … L’on est loin de nos sociétés liquides où s’activent Macron et ses homologues.
C’est en effet un grand parti nationaliste, traditionaliste et religieux qui gouverne présentement le milliard et demi de citoyens indiens.
Certes, l’Inde de Gandhi, de Nehru, est une grande démocratie politique. Et se veut telle. Mais selon ses modalités propres. Nehru avait prévenu Malraux : le progrès de l’Inde impliquerait une certaine « occidentalisation ». Mais « en partie seulement ». Et sans-doute pas la plus essentielle.
Nous ne ferons pas au Chef de l’Etat l’injure de nous demander s’il s’est avisé que l’Inde n’est pas une démocratie, ni une société, encore moins une civilisation, tout à fait comme les nôtres. Pas plus que l’Asie dans sa pluralité et sa généralité.
Pas plus que l’Homme introuvable de Maistre, les civilisations très anciennes ne sont aisément mondialisables. •
* Gallimard 1967
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Très bien cet article de LFAR . On respire lorsqu’on sort de notre actualité franco- française que ce soit grâce à l’histoire ou grâce à l’intérêt pour l’extérieur ( sauf l ‘ UE qui insupporte de plus en plus )
Pour le Québec et Justin Trudeau lequel » se lâche » dés que l’occasion s’en présente , il ne faut peut être pas trop s’ en formaliser : le monde francophone serait bien ennuyeux si Maria Chapdelaine ne venait s’ajouter à Phèdre . Eternelle et féconde querelle des Modernes et des Anciens .