Quand je trouve dans l’Action française, dans Maurras, des raisonnements, logiques, des explications impeccables, invincibles, comme quoi la royauté vaut mieux que la république, et surtout le royalisme mieux que le républicanisme, j’avoue que si je voulais parler grossièrement, je dirais que ça ne prend pas. On pense ce que je veux dire : ça ne prend pas comme un mordant prend ou ne prend pas sur un vernis. Ça n’entre pas. Des explications, toute notre formation universitaire, scolaire, nous a tellement appris à en donner, à en faire, que en sommes saturés… Dans le besoin, nous les ferions… Mais qu’au courant de la plume, et peut-être, sans doute, sans qu’il y ait pensé, dans un article de Maurras je trouve, comme il arrive, non point comme un argument, présentée comme un argument, mais oubliée au contraire, cette simple phrase : Nous serions prêts à mourir pour le Roi, oh ! alors on me dit quelque chose, alors on commence à causer. Sachant, d’un tel homme, que c’est vrai comme il le dit, alors j’écoute, alors j’entends, alors je m’arrête, alors je suis saisi, alors on me dit quelque chose… » •
Charles Péguy
Notre jeunesse, 1910
Merci à LFAR pour cette intéressante citation de jeunesse de Charles Péguy à propos de Maurras que, je l’admets, je connais fort mal. Cependant, il est des mots et des phrases qui suffisent en effet pour soulever l’âme, le cœur et même la raison. Je ne veux pas préjuger des pensées et convictions de Péguy mais il me semble que l’on souffre en France de ne plus pouvoir lancer à la cantonnade du plus profond de soi « Vive le Roi ». Et pourtant, le roi, c’est la France et la France de toujours est un royaume. Le seul royaume dans lequel tous les français sans exception devraient et pourraient se reconnaître et se retrouver. Foin des divisions et querelles politiques. Laissons gérer cela par les politiciens qui les adorent et les recherchent. Un roi pourrait en France apaiser l’âme des français.
Le commentaire de Péguy ne manque pas d’allure, bravache même, mais n’est-il pas trop sentimental dans ce cas précis ?Oui dire » Vive le Roi est nécessaire et il est beau de mourir pour une cause et la fidélité est une chose admirable, mais il y a des mauvaises causes, qui suscitent aussi des dévouements et des courages. Le courage ne suffit pas à valider une cause. Pendant la dernière guerre, par exemple et nous en avons aujourd’hui des exemples brulants aujourd’hui, au cœur même de nos villes,, surtout quand il est associé à un nihilisme évident.
L’armée de el’an II fut courageuse certes, mais elle est liée pour toujours à l’innommable » carnage » opérée en Vendée et elle défendait un régime exécrable sans aucune légitimité. Au jeune futur général de Gaulle disant comme étudiant, son admiration pour l’épopée guerrière de ces soldats d e l’an II, son père répondit par ces simples mots : « quelle boucherie » .
Tout le psychodrame de notre pays est là D’une part Péguy a raison mettre en valeur le lien de fidélité et de bravoure, qui nous unit à notre histoire, fidélité pour les uns à une famille odieusement éradiquée, le père assassiné légalement, la mère outragée, ne parlons pas des sévices subis par l’enfant Roi, sans parler du reste ! mais Péguy a tort de croire que la fidélité à notre histoire transcende les régimes, que « Robespierre fut plus royal que le Roi » et qu’on peut réconcilier à ce prix les vertus de l’ Ancienne France avec ce régime, qui n’a jamais depuis reconnu sa violence fondatrice. Péguy, n’ a pas lu apparemment Dostoïevski , il n’a pas vraiment vu ni pressenti que tous les totalitarismes du 20 siècle vont s’ inspirer de fait de cette révolution française, nazisme compris.
La république a raté sa chance quand loin de saisir la main tendue par Bonchamps, le général Vendéen, qui a refusé de tuer ses prisonniers au nom de sa foi, elle a redoublée sa répression sanglante. , car son patriotisme est purement mortifère et Jean De Viguerie l’a bien analysé. A la générosité elle a répondu par la fuite en avant exterminatrice/
Sur le livre d’or de l’Eglise de Saint Florent du Viel où ce héros est enterré , une phrase rend hommage à Charles de Bonchamps :
«Bonchamps , c’est la France, c’est la France éternelle »
Et c‘est signé Louis Aragon 1956 .
Quoiqu’on puisse penser d’Aragon, par ailleurs, tout est dit
.
On ne peut faire ni de Péguy ni d’Aragon des théoriciens parfaits de la Contre-Révolution !
Péguy toutefois n’est pas frappé de la tare qui, malgré tout, marque Aragon, pour avoir soutenu le stalinisme perinde ac cadaver.
Et le respect de Péguy pour Maurras est peut-être à associer à son amour de l’Ancienne France et, même, à sa reconnaissance de la « majesté » royale.
Cela dit, il reste Péguy avec son sentimentalisme et ses illusions.
Quoiqu’il en soit, seul Aragon a eu les mots justes pour Bonchamps – il est vrai magnifique dans son gisant- , et David d’Angers , bien que républicain le bonne attitude. J’attends un mot des autres… pour honorer cet héros… Est-ce trop leur demander…