Philippe Couillard, Premier ministre du Québec et Emmanuel Macron
Par Mathieu Bock-Côté
Dans cette tribune du Journal de Montréal [8.03] Mathieu Bock-Côté plaide pour la francophonie et, en même temps, pour l’identité québécoise. Nous ne pouvons que nous sentir à l’unisson, par raison et par sentiment. Car en la matière les puissances du sentiment qu’invoquait Barrès en son temps comptent encore au nôtre. LFAR
Dans le cadre de sa tournée en France, Philippe Couillard a eu l’occasion d’aborder avec Emmanuel Macron la question centrale de la francophonie pour notre siècle.
Devant la mondialisation anglo-saxonne, qui est le vecteur de l’impérialisme américain, quel peut être le rôle des peuples de langue française, et comment peuvent-ils s’organiser pour résister à un mouvement qui pousse à l’homogénéisation du monde et qui risque à terme de dépersonnaliser tous les pays en les réduisant à un triste folklore.
Macron
Emmanuel Macron, comme à son habitude, n’a pas témoigné d’une sensibilité particulière à cette question en disant que la chance des francophones, c’était de parler l’anglais.
Depuis son arrivée sur la scène politique, on a compris que la question de la francophonie ne se classait pas parmi ses priorités. En janvier 2017, alors qu’il était candidat à l’Élysée, il avait prononcé dans une université allemande un discours en anglais, comme s’il concédait par là que c’est à travers la langue anglaise que les peuples européens sont appelés à se rencontrer et à construire un avenir commun.
De ce point de vue, Macron représente bien l’anglomanie délirante d’une partie des élites françaises, qui font de leur anglicisation un symbole de leur modernité. On peut n’y voir qu’une coquetterie chez un peuple à ce point assuré de son identité qu’il peut s’amuser à angliciser tous les mots relevant de la technologie ou de l’économie. Une certaine France semble s’imaginer qu’en anglicisant ses élites, elle sera gagnante dans la mondialisation.
Étrange message : est-ce en s’effaçant qu’on s’affirme ?
Les Québécois sont peut-être les meilleurs gardiens de l’esprit véritable de la francophonie.
Depuis plus de 250 ans, nous menons une lutte pour assurer notre survie comme peuple de langue et de culture françaises en Amérique. Enracinés au nord de l’empire américain, enfermés dans une fédération qui les nie, les Québécois incarnent bien le désir des peuples de demeurer eux-mêmes et de poursuivre leur aventure sans se laisser avaler par de puissants voisins.
Et tel est l’esprit de la francophonie aujourd’hui : elle doit incarner la résistance à une mondialisation destructrice qui impose partout la même langue, les mêmes chansons, les mêmes enseignes, les mêmes saveurs.
Québec
Elle doit assurer la promotion de la langue française, mais aussi servir de bannière de ralliement pour les peuples qui ne veulent pas se laisser américaniser en surface et en profondeur.
Le grand écrivain tchèque Milan Kundera a déjà parlé de la condition des petites nations. Il en donnait la définition suivante : une petite nation se caractérise par sa précarité existentielle. Elle sait qu’elle peut disparaître, que sa culture est fragile, mais précieuse. Elle fait de sa défense un projet de civilisation.
Et c’est ici que la France a un rôle immense à jouer. Elle seule peut incarner à l’intérieur du monde occidental une résistance globale à l’empire américain. Encore doit-elle le vouloir. Et pour cela, son président doit en être conscient. •
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Quoi de plus émouvant que la devise des Québécois : »Je me souviens » ? Et tant pis si c’est gnan-gnan de l’écrire ; il m’est arrivé d’avoir les larmes aux yeux à la vue d’une auto immatriculée au Québec (mais oui !) affichant fièrement sa devise. Tous ces soi-disant « modernes », « dans le vent », « in », etc… ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont d’être dépositaires de notre belle langue que tant de peuples admirent, utilisant de plus en plus l’anglais pour tout et pour rien. Lamentable.
Tres bien,,,,d accord
Mais non, ce n’est pas gnan-gnan de l’écrire ! Merci de l’avoir fait ! Vous n’êtes pas seule à avoir été émue comme vous le dites. Bravo !
Oui , c’est prenant ; du reste quand on parle de nos cousins canadiens cela exprime bien les liens qui unissent à » la belle province » .
Enfin , mais est ce une interprétation ? , l’accent , le style , font imaginer ce que devait être le parler du XVII ème siècle ; comme si l’isolement du Québec l’avait protégé du parisianisme unificateur et modernisateur .
La marotte des anglicismes ne concerne , heureusement , que les 5 à 10 pour cent de » l’élite française » .tous âges confondus .