Par Alain de Benoist
Cet entretien donné à Boulevard Voltaire [26.03] est intéressant à divers titres. Notamment parce qu’il traite de plusieurs sujet avec justesse, lucidité et pertinence. Il relève à juste titre la généralisation des régimes autoritaires, nationalistes et en un sens traditionalistes. Chacun selon sa tradition, naturellement. Et ceci, parmi les pays les plus puissants du monde. Les systèmes politiques faibles et sans réel soutien populaire d’Europe de l’Ouest – dont le nôtre – font seuls exception, ce qui explique leur déclin. Nous partageons globalement l’analyse d’Alain de Benoist sur ce point. Reste sa prise de position in fine pour l’indépendance de Mayotte. Au risque de choquer certains lecteurs, nous dirons que ce n’est pas pour nous une solution frappée d’interdit. Le patriotisme français a aujourd’hui de tout autres priorités que la défense de Mayotte. Donc, selon nous, cela se discute. LFAR
Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un tour d’horizon de l’actualité et non point d’un sujet spécifique. Que penser de la triomphale réélection de Vladimir Poutine, avec 76,6 % des voix dès le premier tour ?
Je m’en réjouis, bien entendu. Mais le plus important, c’est de constater que les seuls concurrents de Poutine étaient les communistes de Pavel Groudinine (11,7 % des voix) et les ultra-nationalistes de Vladimir Jirinovski (5,6 %), tandis que l’unique candidat libéral, Ksenia Sobtchak, a décroché le score mirobolant de 1,6 % des suffrages : à peu près le score de Philippe Poutou à la présidentielle de 2017 ! Pour les libéraux « occidentalistes », c’est donc plus que jamais la Bérézina. Emmanuel Macron (24 % des voix au premier tour, trois fois moins que Poutine) se trouve maintenant face à un nouveau tsar en Russie, à un nouvel empereur en Chine, à un nouveau sultan en Turquie, tous trois au summum de leur popularité. Partie inégale.
La tentative d’assassinat de l’ex-agent double Sergueï Skripal, dont les Anglais, immédiatement soutenus par Macron et par Donald Trump, ont immédiatement attribué la responsabilité à la Russie, n’a apparemment pas nui au maître du Kremlin ?
Elle a, au contraire, encore renforcé sa popularité. Les Russes savent mieux que personne que si Poutine a sans doute des défauts, il est difficile de le considérer comme un idiot. J’ai, pour ma part, beaucoup de mal à imaginer que Vladimir Poutine n’avait vraiment rien de plus pressé, à la veille d’une élection présidentielle (pour ne rien dire de la Coupe du monde de football), que d’aller faire tuer un individu inactif depuis plus de cinq ans, en utilisant un gaz neurotoxique pointant vers le Kremlin. Comme l’a écrit Slobodan Despot, autant laisser sur place sa carte d’identité ! Je comprends, en revanche, fort bien comment pareil coup monté pouvait être utilisé contre lui, afin de servir la russophobie des gouvernements et des médias. Quant au sort de Sergueï Skripal, il m’indiffère : je n’ai pas de sympathie pour les traîtres.
Nicolas Sarkozy mis en examen dans l’affaire d’un présumé financement libyen de sa campagne électorale ?
Sarkozy s’est, à mon avis, déjà déshonoré deux fois : la première en réintégrant la France dans le giron de l’OTAN, dont le général de Gaulle l’avait fait sortir, la seconde en déclenchant contre la Libye une guerre criminelle dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences. Sur l’affaire dont vous parlez, je ne suis pas dans le secret de l’instruction. Je ne ferai donc de procès d’intention à personne, non par respect de la présomption d’innocence (ainsi dénommée par antiphrase, puisque c’est au contraire quand on est suspecté d’être coupable que l’on est mis en examen), mais parce que je n’ai qu’une confiance très mesurée dans la Justice de mon pays. En tout état de cause, si les charges étaient avérées, ce serait un scandale d’État sans précédent.
Le projet de réforme de la SNCF, incluant la remise en cause des privilèges des cheminots, et l’imposant programme de grèves annoncé par les syndicats ?
Les grèves des transports ne sont jamais très populaires, ce que l’on peut comprendre. Mais arrêtons de prendre pour boucs émissaires des cheminots dont les « privilèges » ne sont qu’une goutte d’eau face à ceux des grands patrons du CAC 40 ! Ce n’est pas la faute des cheminots si les trains n’arrivent plus à l’heure et si les lignes de chemin de fer ne sont plus entretenues. Ce ne sont pas eux qui sont responsables de la gestion désastreuse qui a transformé la SNCF en tonneau des Danaïdes (47 milliards de dettes). La seule vraie question qui se pose dans cette affaire est de savoir si la SNCF va rester un service public au service de tous les usagers, où qu’ils habitent, ou si l’on va s’orienter progressivement vers une privatisation dont les conséquences inéluctables seront une hausse des tarifs (+27 % en Angleterre depuis dix ans) et la suppression programmée de centaines de petites lignes à la rentabilité insuffisante, ce qui accentuera encore la coupure entre les métropoles et la France périphérique.
Macron n’aurait jamais été élu sans le soutien massif des retraités et des fonctionnaires, deux catégories l’une et l’autre protégées jusqu’ici des effets de la mondialisation. Dès son élection, il s’est attaqué aux premiers, il s’attaque maintenant aux seconds, qui représentent 22 % du salariat. Il scie donc lui-même la branche sur laquelle il est assis. Le jour où la classe moyenne, qui se trouve déjà en état d’insécurité culturelle, se retrouvera en état d’insécurité sociale, les choses basculeront.
Les dernières élections italiennes ont vu la victoire massive des populistes de tous bords. Pour le moment, seule la France semble « résister » à cette vague en Europe. Pourquoi ?
Elle n’y résiste pas tant que ça, puisque les grands partis de gouvernement ont déjà presque disparu, et que c’est pour faire face à la déferlante populiste que Macron a saisi cette occasion d’engager une recomposition générale du paysage politique. Mais vous avez raison : la déferlante en question pourrait être plus ample. Ce qui manque, c’est un homme (ou une femme) susceptible de l’incarner.
Mayotte se trouve en première ligne face à l’immigration clandestine. Que faire ?
L’indépendance me semble être une bonne solution. •
Intellectuel, philosophe et politologue
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Très bien ce tour d’horizon d’Alain de Benoist . Dans le fond , les néo-libéraux occidentaux ne font que tomber dans le piège classique de vouloir toujours aller plus loin , trop loin .
L’indépendance de Mayotte pour forcer la main à des gens qui veulent rester français, on voit bien qu’on a affaire à un idéologue racialiste.
Ah ! Ah ! Cording … Le plus idéologue des deux n’est pas celui qu’on pense.
Moi je n’ai rien de racialiste encore que je crois – comme Claude Lévy-Strauss – que les races existent, et les ethnies, et toutes sortes de communautés naturelles, qui constituent un monde heureusement différencié. La position contraire est bel et bien une idéologie.
Que les Mahorais veuillent rester français, cela se comprend aisément. Quant à notre volonté à nous de continuer à entretenir cette poussière lointaine qui nous coûte fort cher et nous cause pas mal d’ennuis, elle devrait compter aussi à ce qu’il me semble …
Mais si l’on demandait à la moitié de l’Afrique si elle voulait réintégrer la Communauté française pour avoir les avantages incontestables sont nous bénéficions par rapport à des pays qui, indépendants depuis 50 ans, sont toujours sous-développés, cette moitié de l’Afrique voterait oui !!!
Évidemment que Mayotte n’est pas française et qu’elle est une tête de pont de l’immigration illégale (comme la Guyane, au demeurant). Installons-y, si nos militaires le jugent utile, une base (comme à Djibouti) mais ne gardons pas cette pustule ! La responsabilité de Pujo dans ce domaine est infamante…
Donc pour Alain de Benoist, Poutine n’a pas d’intérêt dans cette opération autour d’un élection mais il en profite en popularité! Ce n’est pas pas la contradiction qui étouffe AdB!
Et cela sans même évoquer l’hypothèse avancée par le honni Kasparov, qui, indépendamment des qualités et défauts de la personne, est loin d’être stupide.
D’accord avec Pierre Builly.
Il faut tout de même mettre la réduction de notre espace maritime dans la balance de l’intérêt français; même s’il resterait « Glorieuses ».
Pour information, le regretté Georges-Paul Wagner avait fait une mission parlementaire à Mayotte et il était plutot de votre avis…
Cela fait cinquante ans, cher Lallement, que j’entends parler de l’intérêt de « l’espace maritime français » ; zone de souveraineté ? zone de pêche ? si ça marchait, ça se saurait… J’ai même, il y a une quarantaine d’années lu des trucs sur la richesse en « nodules polymétalliques » de nos eaux territoriales. Je n’ai pas l’impression que de cette source mirifique de minerais on ait extrait depuis lors un cent de clous…
On peut fort bien garder, dans ces confettis, des « bases » à valeur militaire et diplomatique. Malgré les relations que l’on sait (j’allais écrire « exécrables », mais le mot est trop faible) entre Cuba et les États-Unis, l’existence de la base de Guantanamo n’a pas été mise en cause…
Je suis d’accord avec Pierre Builly et Gérard Pol. Ces prétendus atouts militaro-diplomatiques sont une meule de moulin enchaînée à notre cou.
Que le système républicain ne parvienne pas à gérer les difficultés de ces territoires souvent acquis sous la monarchie est indéniable.
Pour moi aussi, l’indépendance de Mayotte n’est pas une solution frappée d’interdit..
En revanche, je souhaite juste que dans l’étude de cette solution soit pris en compte l’intérêt que représente le drapeau français planté sur ces confettis. Cela donne tout de même le second domaine maritime au monde. C’est, me semble-t-il, un de nos derniers symboles de grandeur. A peser donc et pas nécessairement uniquement en terme de zone de pèche et de potentiels nodules polymétalliques.
N’en déplaise aux amis d’Alain de Benoist qui sévisse sur LFR ce dernier est bel et bien un racialiste qui ne veut voir en les Mahorais que des noirs musulmans donc non des gens voulant la nationalité française malgré tout auxquels il faudrait imposer l’indépendance. Avec ce raisonnement c’est tous les confettis de l’Empire dont certains sont plus français que bien des métropolitains ; je pense à tous nos compatriotes des Antilles, Guyane et Réunion auxquels il faudrait selon Monsieur de Benoist accorder l’indépendance.
Me faire traiter « d’ami d’Alain de Benoist », moi qui ai, la première fois que j’ai lu son nom sur LFAR, ai failli étouffer, me rappelant le sinistre nazillon qui signait « Fabrice Laroche » chez nos ennemis d' »Europe-Action » est un peu fort…
On m’avait alors gourmandé pour n’avoir pas connu l’évolution qu’il aurait paraît-il connue, dans un meilleur temps (comme celle de l’absurde païen Venner suicidé sur les marches de l’autel de Notre-Dame).
Cela étant, on ne peut en aucun cas comparer nos possessions caraïbes, dont les populations sont de culture chrétienne et cet absurde maintien d’une île où s’applique la charia.
Et qui, de plus, fait l’objet d’une invasion continue et irrépressible, inéluctable, impossible à contenir. On pourrait dire la même chose de la Guyane, envahie par Brésiliens, Surinamiens et tutti quanti.
Les retraites doivent se faire en bon ordre : il n’y a rien de racialiste là-dedans…
S’ils avaient du pétrole , de l’uranium ou toute autre ressource , il est fort probable que nos protégés d’outre mer feraient rapidement des demandes d’indépendance . Ne soyons pas cyniques mais pas davantage naïfs .
Je trouve que Cording a un peu trop tendance à fulminer des anathèmes et à coller des étiquettes faciles sur le dos de bien des gens.
Sur l’indépendance éventuelle de Mayotte, LFAR n’a pas pris position. Et s’est borné à laisser la chose ouverte : « cela se discute ». Cording est-il ouvert ou fermé au débat ? Il semble que non.
Nous avons des désaccords avec de Benoist. Mais d’une part ils se sont atténués, d’autre part il serait absurde de l’exclure de tout dialogue.
On était plus intelligent lorsqu’il y a bien longtemps, l’Union Royaliste Provençale avait organisé – déjà – un débat mémorable, enrichissant pour tous, entre Alain de Benoist et Gustave Thibon. Ce dernier l’avait volontiers accepté et le débat fut sans concession mais « fraternel ». Thibon n’était pas un « dur petit esprit ».
Je me méfie bien plus que d’autres des analyses d’Alain de Benoist qui, à travers sa petite phrase sur Mayotte, a réactivé une vieille méfiance envers ce personnage du « GRECE » et de la revue « Eléments » et les fondements racialistes voire racistes de sa pensée depuis toujours, païenne et antichrétienne. Pour moi la France est une construction juridique et politique, un Etat monarchique qui fait une nation, donc négateur de toute conception à la Alain de Benoist. Certains ne veulent pas voir cela c’est leur droit, moi je reste vigilant et toujours méfiant depuis le début à son égard. Le diable a toujours de beaux atours.
De plus je ne suis pas un occidentaliste, je suis un catholique donc un universaliste.