Mark Zuckerberg
Le « scandale Facebook » – dit aussi « scandale des données » – fait la « une « des médias du monde entier. L’indignation est générale.
Comme si l’objet du scandale était une surprise. Alors que de fait l’exploitation commerciale des informations personnelles ou non imprudemment mises en ligne sur Facebook par des multitudes d’internautes des cinq continents est au principe même de ce réseau mondial tentaculaire. C’est d’ailleurs là aussi son principe financier qui a produit ses profits colossaux et engendré sa puissance, égale ou supérieure à nombre d’États …
Autour de deux milliards d’utilisateurs se sont ainsi vautrés dans l’étalage vulgaire de leur intimité, de leur mode de vie, de leurs opinions, de leurs comportements privés, et même de leurs pulsions les plus diverses, voire les plus scabreuses, abandonnant cette pudeur ancestrale, ce silence jaloux sur les « misérables petits tas de secrets* » qui avaient prévalu depuis la nuit des temps. Comme si, dans le monde virtuel, l’homme de l’ère numérique s’était senti soudain libéré de cette sorte de retenue qui est naturelle aux rapports humains, charnels, du monde réel. Retenue qui est pourtant l’un des fondements de la vie en société, de la civilisation elle-même.
Facebook a vendu très cher ces données. Elles seraient « le pétrole » de l’ère postmoderne, la richesse immatérielle de cette société liquide, cette « civilisation » de l’impudeur où ne subsistent plus que l’individu réduit à l’état de consommateur hyperconditionné, et le marché qui l’encadre et l’exploite. Cette emprise d’un 3e ou 4e type s’exerce notamment grâce à la maîtrise sophistiquée d’une masse considérable de données sans qualités autres que mercantiles. Ses champions d’origine US sont les GAFA.
Et voici que le scandale Facebook s’amplifie. Qu’il prend des proportions inouïes. Que son titre perd 15% à Wall-Street. Qu’il est introduit dans l’aire politique et judiciaire. En France, des caisses de retraite ou de Sécurité Sociale ferment leurs pages Facebook – et / ou leurs comptes Twitter. Nombre de particuliers ou d’institutions en font autant. De multiples plaintes sont déposées. Notamment auprès de la CNIL. Aux Etats-Unis le Congrès est saisi de la question et doit procéder aujourd’hui à l’audition de Mark Zuckerberg. Il ne faut pas trop s’attendre, nous semble-t-il, à ce que, malgré les quatre-vingt sept millions de membres américains de Facebook lésés par ses pratiques, les Institutions fédérales états-uniennes s’aventurent à porter sérieusement atteinte à la puissance et à la richesse de ce fleuron hégémonique de leur « industrie » numérique.
La repentance tardive de Mark Zuckerberg, son actuel président, égal ou supérieur à nombre de chefs d’État, semble activer l’incendie plutôt que de l’éteindre, au point que son prédécesseur, Sean Parker vient d’accuser le Facebook de Mark Zuckerberg d’exploiter « la vulnérabilité humaine ». C’est parler d’or.
Mais il y a plus grave, nous semble-t-il que le dévoilement mercantile de ces millions de « misérables petits tas de secrets » dont seuls les intéressés s’imaginent qu’ils ont un intérêt.
En premier lieu, l’affaire Facebook met en marche, par réaction, une volonté affichée de reprise en mains et de contrôle par la police de la pensée, des espaces de vraie liberté qui ont pu se développer sur Internet. Gare aux sites, blogs et autres qui divergeront avec le politiquement correct ! Gare aux fermetures à venir. Sur Facebook et ailleurs. Le moment est peut-être venu pour la cléricature des systèmes dominants de réduire les insupportables médias qui échappent encore à son contrôle.
Il y a en second lieu, s’agissant de l’addiction d’un grand nombre de gens, surtout jeunes, â la fréquentation trop exclusive de Facebook et des réseaux parents, le reformatage débilitant de nos catégories mentales et intellectuelles. A la fois cause et symptôme, parmi d’autres, du terrible affaissement culturel de nos sociétés. Sommes-nous condamnés à n’être plus qu’un peuple d’ilotes ? C’est une grande question. ■
* Expression de François Mauriac reprise par André Malraux dans les Antimémoires.
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Ah! bon! Il me semblait que cette phrase était celle par laquelle ce délicat penseur humaniste de Lénine exprimait son dégoût et son mépris pour un analphabète ,pourri de narcissisme nommé Dostoïevski.
La très universellement vénérée momie devait avoir raison, puisque ce douteux Dostoîevski était loué par un « penseur » aussi suspect que Pierre Boutang, en ces termes :
« Les autres romanciers divertissent de lui, avec toujours plus de succès. Lui divertit de la vie; il est le songe et fleuve souterrain qu’on entend qui grondent, ou s’éloignent ».
Et dire qu’il y aurait encore des « gens » qui pensent de même ! Horreur !
Quel est donc le sens du commentaire de Christian Bru ? Obscur pour moi.
A FABRE
Excusez l’obscurité de mon « message ». Il concernait la citation attribuée à François Mauriac sur le « misérable petit tas de secrets ». C’est cette phrase qui m’a fait réagir. En effet, c’est par cette phrase que Lénine vouait à l’enfer des bibliothèques et de la vacuité individualiste le génial Dostoïevski; Dans mon adolescence, il ne fallait pas admirer de tels dégénérés bourgeois, mais les vrais héros positifs que sont Lénine,Trotski, Staline, Mao (rappelez vous d’ailleurs la servilité d’un Malraux et d’un Peyrefitte à l’égard de Mao). J’espère que, maintenant, ces canailles ont rejoint leur ami Hitler dans l’esprit de nos contemporains (j’en doute un peu). Il est vrai que, maintenant, nous sommes dans un nouvel âge de ce que j’hésite à appeler « humanité ». Nous en sommes à notre 4ème président de la république qui s’honore d’appeler « réformes » les nouveaux pas vers l’esclavage généralisé. Pardon pour ces digressions…
Seuls les naïfs seront étonnés. Une affaire comme Facebook, représentant des milliards de $,n’a rien d’une œuvre philantropique . Si elle offre gratuitement ce gadget, c’est parce qu’il rapporte gros aux créateur, et pour cela exploiter les données. Ex un affilié déclare: j’aime les voitures X ou Y , eh bien , l’information sera vendue à l’entreprise, comme client potentiel.