Le Figaro d’hier lundi 25 juin a publié la chronique de Nicolas Baverez que nous reprenons ci-après. Il nous paraît probable qu’un intellectuel et politologue occupant la place qui est celle de Nicolas Baverez n’aurait pas pu signer une telle analyse il y a seulement quelques mois. Et que Le Figaro ne l’aurait pas publiée. Ce que Nicolas Baverez dresse ici, c’est, somme toute, ce que Régis Debray appelle un bilan de faillite. Faillite du couple franco-allemand aujourd’hui profondément désuni et faillite des organismes bruxellois tenus en échec à la fois par la guerre économique que Donald Trump a engagée et par la question des migrants qui déchire les Européens. Qu’en sera-t-il du modèle allemand en tant que tel, remis en question lui aussi par les deux mêmes phénomènes ? Baverez a raison de faire observer que « l’Allemagne conserve des atouts exceptionnels ». Raison encore de douter qu’elle demeure un modèle. LFAR
L’Allemagne s’est reconstruite après la Seconde Guerre mondiale autour du choix de la démocratie et de l’économie sociale de marché, de la garantie de sécurité américaine et de la résistance à la menace soviétique, de la paix avec la France et de la construction européenne. En 1989, l’affaiblissement de l’Union soviétique lui a permis de se réunifier et de retrouver sa pleine souveraineté grâce à Helmut Kohl. Elle a alors investi plus de 1200 milliards d’euros pour renouer l’unité nationale puis a engagé des réformes profondes afin de s’adapter à la mondialisation et au passage à l’euro à travers l’Agenda 2010 impulsé par Gerhard Schröder.
L’Allemagne s’est érigée, sous la direction d’Angela Merkel, en îlot de stabilité et en leader incontesté de l’Europe du fait du décrochage de la France. Son modèle de croissance, tirée par l’exportation et fondée sur la désinflation compétitive, lui permet d’afficher un double excédent des finances publiques (1,2 % du PIB) et de la balance commerciale (8 % du PIB), dans un monde perclus de déséquilibres et de dettes. Elle a résisté au choc de 2008 et imposé ses principes pour le pilotage de la crise de l’euro, en étroite coordination avec la BCE, comme pour la douloureuse restructuration de la Grèce. Sa force économique a longtemps semblé l’immuniser contre la démagogie et l’extrémisme.
Ce modèle est pourtant en passe de s’effondrer sous l’impact des chocs qui se sont succédé depuis 2015. Les attentats djihadistes, la menace des démocratures, la vague des migrants, le Brexit, l’élection de Donald Trump l’ont profondément déstabilisé, remettant en question les principes qui ont présidé à la reconstruction puis à la réunification.
Sur le plan économique, la croissance par l’exportation est directement menacée par la guerre commerciale et technologique lancée par Trump, qui cible explicitement l’Allemagne et ses excédents commerciaux, avec pour prochain objectif son industrie automobile. La compétitivité se trouve compromise par le coût exorbitant de la transition énergique à marche forcée qui pourrait dépasser 2000 milliards d’euros. Deutschland AG a laissé apparaître des failles béantes avec le Dieselgate – dont le dernier avatar est l’arrestation de Rupert Stadler, PDG d’Audi – comme avec la déconfiture de Deutsche Bank : sous les erreurs stratégiques des entreprises, on trouve un même refus de s’adapter aux changements du monde, le basculement vers le véhicule électrique, autonome et connecté d’une part, la priorité rendue au financement de l’économie par rapport aux activités de marché tendues vers la spéculation d’autre part.
Au plan politique, la décision unilatérale de Merkel d’accueillir plus d’un million de réfugiés en 2015 fut le détonateur qui fit basculer l’Allemagne dans les turbulences. La société s’est profondément divisée et polarisée autour des réfugiés et de l’islam, brisant la culture du compromis. Les deux grands partis autour desquels s’organisait la vie politique sont en chute libre, ne représentant plus que 52 % des voix, tandis que l’extrême droite effectue un retour en force avec 92 députés. Le mode de gouvernement en coalition ne fonctionne plus comme le montre la sécession du ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, sur le refoulement des demandeurs d’asile à la frontière ou l’opposition ouverte de la CSU au projet de budget de la zone euro.
Au plan géopolitique, le tournant isolationniste et protectionniste des États-Unis laisse l’Allemagne orpheline. Elle se trouve privée de toute garantie de sécurité au moment où le pays qui s’est reconstruit sur une base pacifiste affronte la recrudescence des attentats islamistes – allant jusqu’aux tentatives d’attaques bactériologiques – ainsi que la pression directe des démocratures russe et turque. Sa seule option demeure l’Europe, mais une Europe où le Brexit la laisse en tête à tête avec la France. Une France qui a laissé s’effondrer son appareil de production et perdu la maîtrise de ses finances publiques et dont l’Allemagne redoute de devenir le payeur en dernier ressort à travers la transformation de la zone euro en une union de transferts.
L’Allemagne conserve des atouts exceptionnels. La relance ou la désintégration de l’Union se jouent autour de la gestion des migrants et du contrôle des frontières extérieures de l’Union. La difficulté vient de ce que Merkel est mal placée pour prendre le leadership de la reconfiguration de l’Allemagne et de l’Europe, tant sa légitimité est affaiblie, son gouvernement divisé, sa responsabilité personnelle engagée dans les erreurs qui ont amplifié la vague populiste, sa méthode des petits pas inadaptée face aux défis à relever. Albert Einstein rappelait à raison que « ce n’est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu’il faut espérer les résoudre ». •
La formulation : »le basculement vers le véhicule électrique » me semble bien surprenante dans ce texte. Quel sorte de véhicule électrique???
Comme c’est curieux !
Baverez ne serait plus le chantre de la mondialisation heureuse ?
Comme c’est bizarre
Lui, le membre actif du très secret groupe Bilderberg, cénacle mondialiste, aurait-il des doutes sur la politique qu’il soutient depuis tant d’années ?
Comment lui faire confiance……
contradiction et ambiguïté dans ce texte
C’est bien du Baverez :
-Sur l’invasion migratoire et sur l’islamisation du continent il se garde bien d’exprimer son avis.
-Sur la catastrophique « transition énergétique », même chose. Il n’exprime aucun avis sur le nucléaire, pourtant seule source quasiment inépuisable garante de notre souveraineté et ……non polluante
-Sur le chômage de masse qui accable l’Europe et condamne une partie importante de notre jeunesse, pas un mot non plus
-Sur la criminalité qui explose en Europe conséquence directe de l’invasion migratoire, pas un mot non plus
Baverez reste un observatoire que rien n’affecte, et pour cause, il reste un européiste-mondialiste, qui s’inquiète de ne pas voir son projet aboutir
La colère légitime des peuples , ne le concerne pas
Relisons ces articles de ces dernières années pour savoir qui il est et quelle cause il défend………
Pourquoi voudriez-vous lui faire confiance ? Ce serait naïf et inopérant.
Pourquoi nous intéresserions-nous à ses affects ? Même remarque.
Ce qui nous intéresse c’est son constat. Qui est une synthèse, non un développement.
Venant d’un libéralo-européo-mondialiste, le constat est plus révélateur de la situation que s’il avait &t& rédigé par un rédacteur de LFAR. Non ?