Deraa capitale de la province de même nom
Par Antoine de Lacoste
Depuis la reprise de la Ghouta et du camp de Yarmouk dans la banlieue de Damas, il ne reste plus que deux zones tenues par les islamistes en Syrie : la province d’Idleb, au nord-ouest, et celle de Deraa dans le sud.
Russes et Syriens se sont mis d’accord pour s’attaquer d’abord à celle de Deraa, moins bien défendue qu’Idleb.
Deraa est symbolique : c’est dans cette ville (la capitale de la province porte le même nom que la province elle-même) qu’ont démarré les premières émeutes lors des « printemps arabes », en 2011. De timides au départ, les manifestations sont vite devenues insurrectionnelles et islamistes. La maladroite et brutale répression du gouverneur de l’époque n’avait fait qu’envenimer les choses. Il fut d’ailleurs relevé de ses fonctions par la suite.
Un long ballet diplomatique a précédé cette offensive. Il fallait en effet parler avec les Américains et les Israéliens afin de sonder leurs intentions.
Les Américains tout d’abord, car Deraa se situe dans une zone de « désescalade », où les combats sont sensés ne pas reprendre. Washington avait alors assuré les insurgés de son soutien en cas d’attaque syrienne. De plus, la base américaine d’al Tanf se situe non loin de là, à l’est.
La teneur des discussions russo-américaines n’est pas connue à ce jour, mais la conclusion, quant à elle, fut très claire : les Américains ont averti les insurgés qu’il ne fallait pas compter sur leur soutien. Pourquoi ce revirement qui a provoqué la fureur des islamistes condamnés dès lors à la défaite ? L’avenir le dira sans doute mais il n’est pas exclu que la Jordanie ait joué un rôle dans cette affaire.
Elle est en effet un allié traditionnel de Washington et elle a très mal pris le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, dont, depuis 1948, elle est le gardien des lieux saints musulmans. C’est une humiliation qui n’est pas digérée et qui embarrasse les Américains.
Par ailleurs le roi Abdallah II souhaite normaliser sa relation avec la Syrie. La reprise de Deraa par l’armée syrienne ne lui déplairait donc pas et on ne peut exclure que les Américains aient voulu faire un geste en direction d’Amann.
Les conversations avec Israël sont évidemment plus complexes, car le Golan est tout près. Poutine et Netanyahu en ont longuement discuté à Moscou. Il sera intéressant de voir si l’armée syrienne se rapproche du Golan, au risque de se faire bombarder. Ce qui est sûr c’est que les Iraniens ne participeront pas à cette offensive car l’aviation israélienne attaquerait immédiatement.
Au fond, Netanyahu n’a guère envie de voir l’armée syrienne se réinstaller au pied du Golan, qu’Israël occupe illégalement depuis 1967 et qui appartient en fait à la Syrie. Mais il souhaite conserver de bonnes relations avec la Russie et il sait maintenant que l’insurrection islamiste ne peut plus gagner.
L’issue militaire de cette offensive ne fait certes aucun doute, mais pour peu qu’Israël n’intervienne pas. Ce serait toutefois un bien dangereux engrenage. •
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