Par Yves Morel
Les partis ne sont que des instruments de pouvoir, de conquête ou de conservation. Macron a dû constituer le sien, fait de bric et de broc… La gauche n’arrive pas à se reconstituer. Les Républicains peuvent-ils y arriver avant les prochaines échéances ? Mais que veulent-ils ? Du rififi, pourquoi ?
Tempête à la tête de Les Républicains. Laurent Wauquiez, le président, vient de destituer la vice-présidente, Virginie Calmels, qui contestait sa ligne. Ce genre de prise de bec ne doit pas surprendre en un parti dépourvu d’unité et tiré à hue et à dia par ses ténors du moment.
Sarko-fillonistes et juppéistes
Les Républicains n’ont toujours pas comblé le fossé qui sépare, chez eux, les juppéistes et centristes de l’amalgame des sarkozystes et autres fillonistes. Les dévots de l’ancien président de la République et ceux du candidat torpillé de la présidentielle de 2017 se sont unis pour imposer Laurent Wauquiez, le quadra qui les représente. Mais les autres n’ont pas désarmé.
En vérité, cette querelle au sein du parti n’est pas nouvelle. Dès juin 2017, trois jours seulement après le second tour des dernières législatives, douze députés LR, conduits par Thierry Solère et Frank Riester, constituaient, avec leurs seize collègues de l’UDI, le groupe des Républicains constructifs, devenu ensuite le groupe UDI Agir et Indépendants, actuellement présidé par Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Frank Riester (passé des LR à Agir), et qui envisage de se constituer en parti politique à part entière. Et Valérie Pécresse, la présidente de la plus importante région de France, l’Île-de-France, mène une opposition acerbe contre l’actuel président des Républicains, en fondant son propre mouvement « Libres ! ».
La prétendue droite dure de Laurent Wauquiez
Quelle est la raison de cette querelle ? Ce serait, de prime abord, l’opposition entre une droite dite « dure » ou authentique, incarnée par Laurent Wauquiez, Éric Ciotti et autres, et une droite dite « modérée », selon ceux qui se veulent sages, « molle » suivant le point de vue de ceux qui comprennent que le fond de l’électorat de droite est exaspéré.
Les commentateurs de la vie politique s’accordent à penser que Laurent Wauquiez a opéré le choix d’une droite dite « décomplexée », selon un qualificatif à la mode, et intransigeante. Il entendrait ressourcer la droite à ses valeurs fondatrices. Il se présente comme socialement et moralement conservateur et plutôt traditionnaliste. Il se veut patriote, « national ». Il réclame un État fort dans le cadre démocratique, naturellement, capable d’assurer l’ordre et de sauvegarder la sécurité et la tranquillité de nos compatriotes. En économie, il est libéral et conservateur. Depuis le début du quinquennat de Macron, il a critiqué la politique économique et sociale du gouvernement, qu’il estime ne pas être assez drastique. Il s’est prononcé en faveur du plafonnement de l’ensemble des minima sociaux à hauteur de 75% du SMIC, pour l’instauration d’un jour de carence dans les congés maladie et l’obligation, pour les allocataires du RSA, d’effectuer cinq heures hebdomadaires de travail.
Européen, il voit dans l’euro la condition de la stabilité économique de la Communauté, mais reproche tout de même aux politiques monétaires rigoureuses de Bruxelles de compromettre gravement les possibilités d’investissement des entreprises. Enfin, il se prononce en faveur d’une politique migratoire autoritaire, et des mesures exceptionnelles pour lutter contre le terrorisme.
Le libéralisme européen de Virginie Calmels
La faction opposée – au sein même de LR –, représentée naguère par Juppé, Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et consorts, aujourd’hui par Virginie Calmels, campe sur une tout autre ligne : libéralisme économique soutenu étrangement par le jacobinisme administratif d’État, européisme délibéré misant tout sur la construction européenne,
État minimal sur les prérogatives régaliennes, renoncement de fait aux fondements théoriques et aux « valeurs » morales de la droite, recherche effrénée d’un consensus éthique et politique entre droite modérée, centristes et ce qui reste de la gauche sociale-libérale ou sociale-démocrate, souplesse dans la limitation de l’immigration et la lutte contre le terrorisme. Elle pourrait reprendre à son compte le propos du non-regretté Michel Guy en son temps, lequel se disait « de droite pour l’économie, de gauche pour tout le reste ».
Une stratégie purement politicienne
Les divers camps ainsi présentés, il est certain que les intérêts français sembleraient mieux représentés et mieux défendus par Laurent Wauquiez président de LR et président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Sauf que les choses ne sont pas si simples, et qu’il convient d’y regarder à deux fois, voire plus. En réalité, les gesticulations, les propos véhéments, les déclarations provocantes – et même dites en catimini ou prétendument – et les professions de foi solennelles de Laurent Wauquiez ne sont que les éléments d’une stratégie politicienne visant à reconstituer autour de sa propre personne –pour laquelle il rêve d’un destin élyséen – un grand parti tory à la française capable de faire rentrer dans le rang les libéraux purs et les centristes, de mobiliser l’électorat autour d’un programme audacieux – du moins en apparence – et du sentiment d’attachement – apparent lui aussi – « aux valeurs » patriotiques, nationales et morales fondatrices de la droite, afin de reconquérir le terrain perdu au profit de Macron et de LREM lors des élections présidentielle et législatives de 2017, et de remporter celles de 2022, en récupérant une partie de l’électorat FN, maintenant RN.
Il faut bien comprendre une spécificité française à quoi se réduit de plus en plus la Ve République : tout n’est plus que stratégie électorale autour de l’élection majeure qu’est la présidentielle. Il ne s’agit que de se constituer une base électorale en additionnant les divers courants, ce qu’a fait Macron… et ce que les futurs candidats veulent tous faire. D’où les effritements rapides et les déceptions !
Dans notre république, plus que dans toutes les autres démocraties libérales, il en va de plus en plus ainsi : les idées ne sont que des slogans, des cris ou des formules de ralliement, des mots d’ordre, des arguments publicitaires, des éléments de propagande, au service de la conquête du pouvoir. Une fois cette conquête réalisée, elles perdent toute importance. Pire : naguère utiles, elles deviennent encombrantes et nocives à l’action et à la liberté de mouvement du ou des nouveaux maîtres du pouvoir. C’est ce qui s’est vu avec les exemples de Chirac, puis de Sarkozy et, sur le versant gauche, avec celui de Hollande.
Wauquiez n’est que candidat
En octobre dernier, Wauquiez a reproché à Macron de n’avoir pas « d’amour charnel pour la France ». Mais lui-même s’en montrera-t-il vraiment pourvu quand il sera le maître, s’il le devient ? Il a également reproché aux divers traités et textes européens d’ignorer délibérément « les racines judéo-chrétiennes de l’Europe » et même aux billets de banque de ne pas comporter d’effigies de quelques Européens illustres, de peur d’éveiller les sentiments patriotiques des peuples fédérés par la Communauté. Et même, une fois en fonction, pourrait-il quoi que ce soit, prisonnier qu’il serait, comme tous les autres, d’institutions dans lesquelles la France s’est fourvoyée. Au fond, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie sont plus libres que la France et ne parlons pas de Donald Trump ! Et de Poutine ! Et de la Chine !
Wauquiez a commis un tract, jugé « inutilement anxiogène » par les centristes LR et UDI, intitulé « Pour que la France reste la France », qui se présente comme un manifeste de défense de l’identité française contre une Europe phagocyteuse et face à une dérive socio-culturelle liée à la prévalence des idées subversives, d’une part, et à la pression d’une immigration sans contrôle, d’autre part. Eh bien, ses adversaires peuvent se rassurer : devenu Président de la République, Wauquiez a toute chance de guérir bien vite de son prurit identitaire ! Et il s’accordera sur « l’essentiel » avec la classe dirigeante française qui sera bientôt la seule en Europe à maintenir cette ligne européiste. Du reste, et honnêtement, peut-on être à la fois un Européen partisan convaincu de l’euro et un patriote soucieux du développement des entreprises françaises ? Non, le temps ne montre que trop que cette gageure relève de la quadrature du cercle.
Ces remarques valent pour les autres notables des Républicains. Ainsi, Valérie Pécresse, catholique et pratiquante, naguère très engagée dans la défense des Chrétiens d’Orient et la lutte contre le prosélytisme islamique en France, soutien de Sarkozy, dont elle fut un ministre important, s’est ralliée en 2016 à Alain Juppé au moment des primaires de la droite. Du reste, elle appartient, depuis seize ans – un bail ! – à la très libérale French-American Foundation, organisation constituée pour renforcer les liens entre la France et les États-Unis. Vigoureusement opposée, en 2013, à la loi Taubira instituant le mariage pour tous, allant jusqu’à proposer non seulement d’abroger cette mesure mais de dissoudre les mariages homosexuels conclus durant sa période d’application, elle a changé d’avis, et s’est ralliée à cette innovation qu’elle contestait ouvertement, « tout simplement parce que j’ai réfléchi » – à son plan de carrière sans doute –, affirme-t-elle à qui veut l’entendre, et parce qu’elle estime un retour en arrière, en la matière, « impensable humainement » ! Laurent Wauquiez lui-même, affiche sa bonne entente avec Sens commun, mouvement hostile au mariage homosexuel et proche des Républicains. Arrivé au pouvoir, il pourra le renvoyer à la niche.
Ne nous laissons donc pas abuser par les rodomontades et les surenchères démagogiques des uns comme des autres ; elles relèvent de la stratégie électorale, voire de la simple tactique. L’alternance au pouvoir dans le cadre des institutions actuelles, en France plus particulièrement, n’amène que des personnes qui, malgré leurs dires, ne peuvent avoir aucune conviction forte, aucun principe intangible, aucune idée précise, aucun programme défini. Un Patrick Buisson, un Philippe de Villiers, un Éric Zemmour, une Marion Maréchal l’ont parfaitement montré. Tous ces gens, mutuellement opposés à certains moments, se réconcilient ensuite sans peine, car, précisément, rien de sérieux ne les sépare et ils ont trop besoin les uns des autres, ne serait-ce que pour faire semblant de s’opposer. ■
Les lR ont bien du mal à se reconstruire après la tornade Macron de l’an dernier puisque le gouvernement installé par ce dernier suite à sa victoire présidentielle puis législative fait la politique économique et sociale que les LR ont toujours voulu faire sans toujours l’oser : adapter la France rétive à l’UE et à la mondialisation néolibérales. Ils ne leur reste que les questions sociétales et identitalres mais là le créneau est pris par le FN devenu RN.
A l’heure du Brexit et de la démondialisation façon Trump puis la dislocation en cours de l’UE les LR pourraient avoir un avenir en renonçant à leurs dangereuses et malfaisantes chimères européennes et redevenir un grand parti patriotique de droite qu’ils n’auraient jamais du cesser d(être. Là est le problème et il est largement permis de douter qu’ils fassent cette mue.
Bonjour cher Cording !
Excellente analyse !
Finalement il n y a rien à espérer des partis politiques .La solution consiste à changer de régime à faire LE CHRIST ROI à installer une monarchie de droit divin (qui certes commettra des erreurs )mais qui restaurera notre vieux pays.;
Bien lucide ce que nous donne à lire LFAR avec cette analyse d ‘ Yves Morel .
Il flotte une ambiance néo- conservatrice dans la droite française ; étant entendu que cette tendance est d’inspiration américaine et que les néo- conservateurs US étaient ( sont ) pour beaucoup d’anciens trotskistes .
Ce qui n’a pas marché version bolcho , on le retaille version chrétienne pour le fourguer aux » bien pensants » les plus naïfs .
Certes , ce mouvement semble éteint aux USA , mais, comme en France ( et en Europe ) on fait 10 ans après ce qu’ont fait les américains , il faudra bien prendre garde à ne pas tomber dans le panneau . Où mène la procession ?
Excellente analyse d’Yves MOREL Les Républicains ou bien les RépubliCAÏN???sont comme tous les partis politiques au service d’ambitions électorales. Leur slogan fétiche: TOUS UNIS derrière Moi bien sûr.
Il est curieux-et sans doute inquiétant en république-de constater l’enthousiasme vibrant
champsélyséen des foules-après la victoire des Bleus en demie-finale du foot à Saint-Petersbourg,et la froideur des mêmes-et de tout le monde à vrai dire-après les paroles auto-satisfaites du locataire de l’Elysée,en Assemblée Plénière à Versailles !
En Italie, la cohalition Forza Italia (équivalant spaghetti des Républicains)/Liga Nord (équivanlant des séparatistes corses et proche du Rassemblement National)/Fratelli d’Italia-Alleanza Nazionale (équivalant transalpin du rassemblement Nazionale) agagné les écetions en alliance avec % Etoiles (équivalant de La République en Marche) parce que, là-bas, on a pas peur d’être Léptreux (dans l’esprit des Chevaliers de Saint lazarre) et de s’allier (ce que voulait faire Marine Le pen avec Nicolas Dupont-Aignant, et ce dernier avec Luarant vauquiez)
N’en déplaise à beaucoup de commentateurs la République survivra longtemps parce qu’elle a une plasticité pour se renouveler dans le fond et le forme, et surtout parce que les Princes n’existent pas, ne font rien politiquement. Ce sont des inconnus pour 99% des Français. De plus la monarchie ne peut être que constitutionnelle donc démocratique et parlementaire, la seule que les Français puissent accepter un jour.
Ce que les Français peuvent accepter un jour, Cording, vous n’en savez rien.
Après huit siècles de royauté, ils ont eu la république et la Terreur.
Puis un empereur corse. Puis son neveu.
Ils ont été dans leur immense majorité follement pétainistes et ont accepté l’Etat français.
Sauf présomption, l’avenir est imprévisible.