Par Péroncel-Hugoz
Construire et déconstruire
De la dizaine de princes turcs qui, de Méhémet-Ali à Fouad II (1805-1953), régnèrent sur l’Egypte moderne en construction (le dictateur socialiste Nasser, lui, devait s’évertuer, de 1954 à 1970, à « déconstruire » ce grand œuvre), Ismail-Pacha, khédive régnant au Caire de 1863 à 1879, fut sans doute le plus francophile et le plus entreprenant. Ami de Napoléon III et de Ferdinand de Lesseps (lui-même apparenté à l’impératrice Eugénie), il ouvrit le Canal de Suez, remit bellement en marche l’un des plus vieux Etats-nations du monde, en dormition depuis le XV° siècle, et épaula militairement la France lors de nos expéditions de Crimée et du Mexique. Ajoutons que le khédive Ismaïl, comme les autres souverains de sa dynastie, avant ou après lui, traita bien la minorité chrétienne nilotique – Les Coptes, descendants directs du peuple pharaonique – , contrairement à ce qui s’était passé depuis la conquête de l’Egypte par les Arabo-musulmans, survenue peu après la mort de Mahomet.
Titres changeants, un même pouvoir
Les princes régnants de la dynastie anatolienne (et non pas albanaise, selon une erreur mille fois reprise) égyptianisée des Méhémetalides portèrent successivement les titres de vice-roi, pacha, khédive, sultan ou roi, au gré de l’évolution de leurs relations avec leur suzerain nominal, le sultan-calife ottoman de Stamboul. « Khédive » est un vieux mot persan signifiant « Seigneur » et qui fut choisi à un moment donné pour ne pas utiliser le terme de « Sultan » ce qui aurait alors risqué de froisser les dynastes ottomans, dont la susceptibilité protocolaire s’estompa ensuite.
Caroline Kurhan est française et elle a longtemps vécu en Egypte où elle a épousé un descendant colatéral de Méhémet-Ali, d’où son patronyme à consonance turque. Imprégnée de ce milieu, porteur d’une ample tradition historique ayant survécu à la destructrice révolution nasserienne, Mme Kurhan a publié, en France, près d’une dizaine d’ouvrages sur l’Egypte royale moderne, notamment Méhémet-Ali et la France (Maisonneuve et Larose, 2005), Une saga égyptienne 1805-2010 (Riveneuve, 2010) et Le roi Farouk. Un destin foudroyé (Riveneuve 2013).
Le grand siècle Méhémetalide
Lors de ses recherches, l’historienne s’est rendue compte qu’un des personnages-phare du XIX° siècle égyptien, le « Grand Siècle » de la dynastie méhémetalide, disparaissait et de l’actualité et de l’édition, après sa déposition faite à l’instigation de l’Angleterre, alors toute-puissante sur la Route des Indes, et comme toujours, partout, acharnée à nuire aux amis et aux intérêts de la France. Co-administrateur de la Dette égyptienne, consécutive aux immenses dépenses pour la modernisation technique de la vallée du Nil, Paris aurait pu tenir tête à Londres et sauver le trône d’Ismaïl. La Troisième République ne leva pas le petit doigt pour protéger ce prince égyptien qui avait vu un modèle en Napoléon III et invité l’impératrice à co-présider l’inauguration du Canal. Cette politique de « soumission » aux Anglais avait plus ou moins commencé, il faut le reconnaître, dès la Monarchie de Juillet et s’était poursuivie cahin-caha sous Napoléon III. L’empereur, comme le roi des Français, avait pour point faible son « anglomanie ». Sous le régime républicain ce serait, jusqu’à de Gaulle non compris une attitude presque toujours complaisante de la France face aux « perfidies » d’Albion (Fachoda, Dunkerque, Mers-el-Kébir, Communauté européenne): et ça repartit de Giscard d’Estaing jusqu’à Macron compris (1) (mais celui-ci pourrait peut-être revenir à une diplomatie plus indépendante), cette « complaisance » française s’étant déplacée du Royaume-Uni vers les Etats-Unis… De Charybde en Scylla, en somme…
Réfugié en Italie
Toujours est-il que Caroline Kurhan a voulu connaître et nous faire connaître les tribulations du khédive déchu après avoir dû céder le trône à son fils l’émir Toufik et s’exiler. Son livre ou plutôt livre-album d’une centaine de pages grand format est novateur tout à son long. On suit les activités et aléas du monarque déposé de l’Egypte à l’Italie, de l’Italie à la France, et à la Turquie, l’exilé songeant même à un moment à rallier Alger, alors chef-lieu d’une possession française, anciennement turque. Ismaïl était accompagné de plusieurs de ses épouses et concubines (en Islam ces « épouses secondaires », peuvent être aussi nombreuses que le mari peut en entretenir et tous leurs enfants sont automatiquement reconnus par leur géniteur, la loi coranique ne connaissant pas « l’enfant naturel ») ainsi que de nombreux collaborateurs et serviteurs. Tout ce monde fut d’abord installé à Naples, au palais Favorita puis le ci-devant khédive acquit d’autres résidences dans la Botte, séjourna à Vichy, en cure, dans un ancien « chalet » ayant été utilisé par Napoléon III (photo), enfin dans des hôtels parisiens cinq étoiles. Cette errance fut constamment entrecoupée, ce qu’on ignorait, de tentatives politico-diplomatiques d’Ismaïl pour remonter sur son trône, son fils Toufik devant alors le lui restituer au moins provisoirement. La France républicaine se montra très « molle » en cette affaire. Finalement l’ex-khédive fit de chaleureux adieux à son hôte principal en Europe, le roi Humbert 1er d’Italie, et gagna Constantinople, où il avait encore une résidence. L’exilé emmenait alors avec lui, sur le vapeur italien Regina-Margherita, 70 personnes, 20 chevaux et des tonnes de bagages. Enfin, résigné il devait mourir en 1895 (relativement jeune encore puisqu’il était né en 1830) dans la capitale de l’Empire ottoman. Il eut quand même la satisfaction posthume d’être inhumé au Caire où l’on peut voir son tombeau à six petits étages, de pur style oriental. Le harem du défunt rentra alors aussi au pays, étant composé, in-fine, de 83 épouses, concubines, suivantes et servantes… Le très « européanisé » khédive, le père du Canal des Deux-Mers, était, dans sa vie privée, resté très oriental. ■ Péroncel-Hugoz
Caroline Kurhan. Ismaïl-Pacha, un khédive en exil. 1879-1895. Maisonnneuve et Larose et Hémisphères Editions. 106 pages illustrées noir et blanc, 15 €
(1) Le mémorable refus français de participer à l’invasion états-unienne de l’Irak de Saddam Hussein, attribué à tort au président Chirac, fut une idée du seul ministre Dominique de Villepin, mais elle fut sans lendemain, tant les mauvaises habitudes de soumission étaient (et restent) ancrées chez une bonne partie des dirigeants français.
Le canal de Suez
Et jamais on n’explique de quoi vivaient ces ex-chefs d’Etats.
Veuillez excuser,chers amis, ma présente intrusion,mais je pense que la visite actuelle de May au fort de Briançon en vaut la peine, à ce jour,et même être susceptible de nous inspirer en vue du futur.
Depuis des siècles, nos voisins d’outre-manche ont une fâcheuse réputation d’hypocrisie, et reconnaissons qu’aujourd’hui, ils entrent carrément dans la duplicité d’Etat.
En plaisantant-et en s’exprimant dans la langue anglaise-,on pourrait même dire que nous connaissions bien les »April showers »,mais pas encore les « May showers »,venant d’un pays très familier de la pluie, chaque mois sans doute en fournissant la preuve..
Mais,n’en déplaise aux fervents innocents du Fréxit, l’U.E. ne doit aucunement se laisser subjuguée par les méandres abusifs du Parlement de ces insulaires.
Peu nous importe à la vérité que sa majorité soit de droite ou de gauche, que leurs négociateurs soient mous ou durs, que les anglicans soient vraiment ou faussement catholiques…..car ils sont-avant tout- tous, de bons commerçants et, partant,d’habiles navigateurs, ainsi qu’adeptes du cartésianisme, seulement lorsque cela arrange leurs affaires, celles de la « City »,plus particulièrement.
Aussi,l’U.E,doit-elle,adopter les attitudes suivantes,afin de défendre ses propres intérêts, aussi vitaux pour elle que ceux de son « opposite number »britannique :
-prendre en sérieuse considération l’attitude -dûment exprimée- (et ,à la vérité bénéfique pour tous)-de ses nombreux « lépreux »-certes vilipendés par les ambitions personnelles-,que la lèpre vienne de Hongrie,de Pologne,des Pays Baltes ,de Slovénie,d’Autriche et d’ailleurs….cet ailleurs incluant l’Italie, l’Allemagne et la France…,au surplus.
-l’identité de chaque nation dans ce combat, de survie élémentaire, recouvre un aspect beaucoup plus positif et encourageant, que négatif et étriqué,(à l’image de nos concurrents d’outre-manche !).
-sur ce chapitre,l’U.E.ne doit sûrement pas se prendre pour les USA,terre d’immigration et de refuge même pour certains-.Pour nous, européens,il s’agit avant tout du futur !
-par contre,l’U.E.a l’impérieux devoir de se restructurer-de se solidifier, via l’Euro,monnaie commune plus particulièrement-,sa nouvelle construction devant à la fois être souple-pour respecter les identités de chacune de ses composantes-et suffisamment rigide pour tenir debout, en étant une entité de référence absolue.
La tâche et le but à atteindre sont sûrement difficiles, les candidats sont peut-être trop nombreux, mais il faut y parvenir, avec ou sans Albion ! Les perfidies nationales-autant que faire se peut-doivent être laissées au vestiaire,quand l’on a en face de soi des Trump,Poutine ou autre Xi Ping,et tous ceux à venir !
M’accusera-t-on de menteur utopique, si je prétends que l’union fait la force, et prépare le mieux nos enfants, au monde de grands ensembles, de demain ?
PS.Pourtant,il faut bien rire un peu aussi, ainsi que le prétend régulièrement notre hôte,LFAR :
Lorsque le « Service »était considéré par tous comme une obligation nationale d’unité et de catalyseur des classes françaises, je fus un conscrit comme les autres,à l’évidence.
Dès notre encasernement,notre « juteux »entreprit d’instruire tous les conscrits sous ses ordres, de l’important sujet de la nécessité de la corvée de chiottes.
Sa péroraison-aussi imagée que détaillée-se termina dans ma traduction suivante : »En conclusion, messieurs,(à la vérité, nos barbes n’étaient encore que naissantes),faites dur ou faites mou,’m’en fous,mais faites dans le trou !
Doit-on appliquer cette importante et définitive sentence à la construction de l’Europe, comme semblent nous y inviter nos amis d’Albion ?